Le Géant Egoïste // De Clio Barnard. Avec Conner Chapman et Shaun Thomas.
Le Géant Egoïste est l’adaptation libre et contemporaine d’un conte du même nom d’Oscar Wilde (1887). Mais ce n’est pas le plus important car ce film nous
délivre quelque chose d’assez proche du cinéma de Ken Loach, ce cinéma qui dépeint la classe ouvrière avec une telle réussite. On retrouve dans Le Géant Egoïste
le style de ce cinéma anglais hors du commun et ce n’est pas une mauvaise chose. Bien au contraire, le film de Clio Barnard fonctionne sans jamais tomber dans les pièges du
genre. Il ne cherche pas à trop en faire même si certains trouveront la fin racoleuse. Je n’ai pas trouvé ça racoleur dans le sens où cela fait partie intégrante de cette histoire et du fait que
cela ne pouvait pas s’achever d’une autre façon. Petit à petit on apprend à apprécier Arbor et Swifty, ces deux jeunes qui n’ont au premier abord aucun vrai point commun. L’un est un enfant
terrible et hyperactif et l’autre est un homme calme qui s’est laissé influencer par Arbor alors que ce dernier ne cherchait qu’un ami à prendre sous son aile. Cela devient rapidement touchant
car tout ce qui arrive est mis en scène de manière à ce que l’on ressente la pauvreté de ces gens.
Arbor, 13 ans, et son meilleur ami Swifty habitent un quartier populaire de Bradford, au Nord de l’Angleterre. Renvoyés de l’école, les deux adolescents rencontrent Kitten, un ferrailleur du
coin. Ils commencent à travailler pour lui, collectant toutes sortes de métaux usagés. Kitten organise de temps à autre des courses de chevaux clandestines. Swifty éprouve une grande tendresse
pour les chevaux et a un véritable don pour les diriger, ce qui n’échappe pas au ferrailleur. Arbor, en guerre contre la terre entière, se dispute les faveurs de Kitten, en lui rapportant
toujours plus de métaux, au risque de se mettre en danger. L’amitié des deux garçons saura-t-elle résister au Géant Egoïste ?
Mais finalement, Le Géant Egoïste est presque parfois trop déjà vu. C’est le reproche que je peux faire à ce film, de nous dépeindre une partie de la Grande Bretagne que l’on a
déjà vu dans d’autres films. Cette misère, les enfants laissés à l’abandon (malgré la volonté des parents d’en faire autre chose que ceux qu’ils sont actuellement), ce Nord du pays qui vit dans
la pauvreté, etc. Mais ce qui flambe réellement l’écran ce n’est pas tant l’histoire mais plutôt les deux acteurs principaux. Ils sont terriblement attachants et l’on a qu’une seule envie : leur
dire d’arrêter ce qu’ils font et de les prendre sous notre aile avant que les choses ne finissent mal. Mais c’est l’argent facile, le goût de l’aventure et du risque, qui va motiver ces deux
garçons à mal tourner. Pourtant, seul Arbor voulait vraiment mal tourner. Swifty aurait très bien pu se faire influencer par sa mère qui voulait le voir aller à l’écran. C’est assez complexe que
d’incarner deux adolescents de ce genre mais Shaun Thomas et Conner Chapman sont irrésistibles. Leur authenticité on la doit également au fait que ce ne soit pas
des professionnels, mais juste des enfants que l’on a mis au milieu d’une histoire terrible.
Clio Barnard se pose alors en spectatrice de la petite histoire qu’elle nous raconte. J’ai trouvé ça intelligent, surtout pour ne pas trop en faire. C’était difficile de ne pas
tomber dans le trop plein de bons sentiments mais elle prend exemple sur ce que Ken Loach a déjà pu faire par le passé. Ce n’est pas un reproche que je fais à la cinéaste dans le
sens où s’inspirer du travail d’un réalisateur aussi soigneux est une bonne idée. Surtout qu’au fond Clio Barnard parvient à aller au-delà et à se forger sa propre identité. Ce
n’est pas de la pâle copie c’est encore quelque chose d’autre. Peut-être est-ce la vision d’une mère qui montre ce qu’elle n’aurait pas voulu voir ses enfants devenir. Le scénario ne cherche
jamais à faire demi-tour et va au plus profond de là où il peut réellement aller. En tout cas, les deux jeunes comédiens héros de ce film portent celui-ci à merveille. Par ailleurs, si vous aimez
Downton Abbey vous avez certainement reconnu Siobhan Finneran dans le rôle de Mme Swift.
Note : 8/10. En bref, un portrait brossé et réussi de la misère britannique façon Ken Loach.