Magazine Culture
Vous avez toujours rêvé de passer Noël dans un hôpital psychiatrique? Qu'à cela ne tienne, Dominique Rocher a le cadeau idéal pour vous. Suivez là comme un spectateur ébahi à travers les couloirs blancs et la mort qui rode, ou bien pire encore, dans ce magnifique triptyque publié chez Rivière Blanche.
Quai des âmes offre dès son titre un chemin vers la poésie qui jaillit à chaque phrase. La première partie éponyme nous plonge d'emblée entre les murs blancs, au milieu des fantômes. A la suite de certains personnages, on se plaît à rêver d'une sortie possible vers une certaine forme de liberté, vers le dehors. Dans le parc ou au-delà des murs d'enceinte. Indépassables? Sûrement. Alors la communication comme porte de sortie? Entre vivants? Avec les morts? Avec la Mort elle-même? Ce qui est merveilleux dans l'écriture de Dominique Rocher c'est qu'elle offre plus de questions que de réponses. Elle sait se faire dépouillée et proposer au lecteur de devenir partie prenante dans l'écriture de cette oeuvre bouleversante. Ses blancs traumatisants, on tente de les remplir mais l'atrocité des situations nous en empêche. C'est probablement là encore que réside le grand talent de la narratrice.
Les deux parties suivantes proposent deux angles de vue. Celui de Ned D'abord puis celui d'Olga. Les lieux sont toujours hospitaliers, mais plus orientés vers la cardiologie (spécialité médicale et chirurgicale de Ned). Un vénusien aurait besoin d'une greffe de coeur? Ned connaît-il vraiment son père? et est-ce lui dans ce cercueil de verre dont il a reçu une vidéo par mail? Olga est-elle nymphomane? Les rebondissements sont nombreux et les personnages se mêlent pour parfaire cette incursion dans le milieu des malades qui sont peut-être et avant tout, les soignants eux-mêmes. Si vous comptez survivre à la schizophrénie, il faudra vous y reprendre à plusieurs fois.
Mais comment fait Dominique Rocher pour créer de tels sentiments de malaise et de poésie chez le lecteur? Probablement grâce à sa grande expérience qui me donne envie d'aller chercher plus avant dans sa bibliographie apparemment assez bien fournie.
A noter également la très belle illustration de couverture qui représente parfaitement le contenu de cet ouvrage troublant.