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Maestà #3 : La Maestà du Louvre par Cimabue (Giovanni Cenni di Pepe)

Publié le 27 décembre 2013 par Romuald Le Peru @SwedishParrot

Voici une nouvelle Maestà de Cimabue, plus ancienne que la précédente puisque celle-ci, nous savons qu’elle a été composée en 1280. Je suis particulièrement attaché à celle-ci car c’est grâce à elle qu’un dimanche, il y a quelques années de cela, j’ai réellement découvert Cimabue. Flânant béatement, l’oeil encore un peu ensommeillé, je me suis arrêté devant cette chose immense de 427 × 280 cm, ce qui est réellement considérable pour un objet de cette richesse. Je rappelle les dimensions des deux dernières Maestà étudiées (nous sommes dans le même ordre de grandeur) :

Maestà du Louvre (La Vierge et l'Enfant en majesté entourés de six anges) - Cimabue - 1280 - Musée du Louvre

Évidemment, cette Maestà ne se trouve pas au Musée des Offices comme les deux précédentes puisque son nom indique qu’elle est au Louvre. Installée à l’origine dans l’église San Francesco de Pise, elle fait partie de l’inventaire des spoliations napoléoniennes, et de taille trop considérable, elle fut estimée comme trop fragile pour faire le voyage retour sans dommages.

Il nous est permis ici de mettre cette Maestà en perspective avec la précédente (Maestà di Santa Trinita) puisque l’auteur en est le même. Si l’on considère que le précédente est une peinture de richesse et de gloire, celle-ci est clairement la peinture de l’humilité. Si le trône de bois est un meuble ouvragé et de belle facture, on est bien loin des fastes de l’autre, orné de pierres précieuses et de brillants ; il en est même du coup beaucoup moins imposant. Comment interpréter cela ? On se rappelle que la Maestà de Santa Trinita est commanditée par l’abbaye de Vallombrosa, abbaye suivant la règle bénédictine qui n’est pas spécialement connue pour être une des moins dépensières. Celle-ci est installée dans l’église San Francesco (Saint François d’Assise, né tout juste un siècle avant la composition de l’œuvre), dont l’ordre tutélaire franciscain est au contraire un ordre pauvre et humble. Cela fait toute la différence dans la peinture. Si la Maestà di Santa Trinita a été composée entre 1280 et 1290, dix années ne suffisent pas à expliquer une telle inégalité de traitement.

Évidemment, la composition est plus rigide ici, moins gracieuse et l’alignement des anges empilés n’aide pas à y voir plus de légèreté, ce qui était le cas dans celle de Santa Trinita avec ses huit anges décalés, visage penché, alternés, distanciés, etc. Ici c’est égalité, équidistance et symétrie. On remarque toutefois le début du traitement en dégradé des ailes des anges qu’on retrouve sur l’autre Maestà. Dans le détail, nous pouvons voir à quel point le traitement de celle-ci est bien différent de celle de Santa Trinita et que même si Cimabue est encore dans le canon byzantin, il amorce la nouveauté dans sa captation de la lumière. Je trouve que cela est plus fragrant ici que dans la Maestà plus récente avec le traitement du manteau de la Vierge, qui sans ses traits soulignés d’or mais cette fois-ci de bleu plus clair semble attraper la lumière. Les drapés des autres personnages est de la même veine et d’une beauté plus charnelle que lorsque c’est l’or qui dessine les volumes et la lumière. Ici, c’est le règne de la couleur, plus que de la richesse.

Ce qui est d’autant plus clair ici, c’est que déjà nous avons basculé dans une autre ère. De la lourdeur écrasante des représentations byzantine, nous passons avec Cimabue du côté de la légèreté et des voiles presque diaphanes (voir le détail de l’ange avec son voile léger).

Maestà #3 : La Maestà du Louvre par Cimabue (Giovanni Cenni di Pepe)
Maestà #3 : La Maestà du Louvre par Cimabue (Giovanni Cenni di Pepe)
Maestà #3 : La Maestà du Louvre par Cimabue (Giovanni Cenni di Pepe)
Maestà #3 : La Maestà du Louvre par Cimabue (Giovanni Cenni di Pepe)

Du côté de la composition, nous assistons à quelque chose d’assez classique, beaucoup moins audacieux que celle de Santa Trinita, même si je trouve un élément particulièrement intéressant ; le liseré rouge du manteau de la Vierge correspond parfaitement avec une ligne qui nous autorise à la tracer.

  1. Cette ligne rejoint à la fois le pouce droit et le pouce gauche de la Vierge.
  2. Les deux médianes encadrent une fois de plus le visage de la Vierge.
  3. Les lignes suivant les montants du trône coupent les mains des anges et séparent à peu de chose près le tableau en quatre quarts avec l’axe de symétrie.
  4. L’intersection de l’axe de symétrie et des médianes se trouve au niveau du cœur de la Vierge et créé une ligne horizontale rejoignant la bouche du Christ.
  5. L’œil droit de la Vierge est dans l’axe de symétrie.
  6. La création de ces lignes permet de voir à quel point le tableau est composé avec une harmonie parfaite.

Maestà du Louvre (La Vierge et l'Enfant en majesté entourés de six anges) - Cimabue - 1280 - Musée du Louvre - composition

Cette Maestà revêt à mes yeux un caractère particulier car elle est exposée au Louvre. Si vous en avez un jour l’occasion, rendez vous au département des peintures italiennes, Aile Denon, 1er étage, dans la salle 3 du Salon Carré, et recevez toute l’écrasante Majesté de cette œuvre maîtresse. Accrochée en hauteur comme elle pourrait l’être sur l’autel d’une église, elle vous dira une partie des mystères dont la Vierge est gardienne.

Après coup, je me rends compte à quel point la Maestà de Duccio est une reprise de celle-ci, c’est assez flagrant.

Note de bas de page :  Je ne suis pas croyant…


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