Certes, les municipales n’auront lieu que dans trois mois et les jeux ne sont pas encore faits. Et pourtant « la pauvre » Nathalie Kosciusko-Morizet semble déjà avoir perdu la partie d’avance. Comme l’analysait récemment Thierry Desjardins, la fameuse « machine à perdre », si chère à la droite française, est enclenchée et rien ne parait pouvoir l’arrêter. A cet effet, tout y est, la haine au sein de la famille (ravivée par le duel Copé-Fillon), les divisions, les portes qui claquent, les dissidences, les trahisons, les coups de poignard dans le dos. Cette jeune femme ravissante, polytechnicienne et énarque, issue du sérail, intelligente et ambitieuse, réunissait des atouts potentiels pour l’emporter, après deux mandats de Delanoë à la tête de la mairie de Paris, et le rejet viscéral de la gauche après dix-huit mois de présidence socialiste.
Mais il est vrai, la droite française qui est, peut-être, la plus bête du monde en a ainsi décidé autrement. La lutte fratricide d’il y a quelques mois, au sein de l’UMP, a rejailli, à se demander si Jean-François Copé ne préférerait pas que NKM perde, à des fins stratégico-politiques. Reste cette rumeur autour d’un hypothétique soutien de campagne de Sarkozy, en vue de la rentrée 2014. Certes, dans ce bien morose duel de dames, NKM n’a pas été la plus habile, la capitale étant plutôt à gauche, notamment grâce aux bobos ayant envahi les quartiers jadis populaires. Et derrière sa désespérante image, elle a commis l’erreur, « giscardienne » dirait certains, en ne prenant position dans le débat autour du mariage homosexuel, mais aussi à travers d’autres bourdes, notamment « en trouvant un charme inattendu au métro parisien ». En effet, il était évident qu’elle ne séduirait pas les électeurs gauche, et qu’elle choquerait ceux de droite. En épurant à tout va ses colistiers, suivant les suggestions apportées en interne, elle a naturellement déclenché les tirs de barrage de tous les caciques parisiens. Ainsi, plus personne ne veut du clan Tibéri, mais tout le monde s’accorde pour reconnaître que, sans eux, le 5ème arrondissement (à droite, depuis toujours) est perdu. Ainsi, dans sept arrondissements de la capitale, seize dissidents se présentent, à l’heure actuelle, alors que d’autres listes se constituent déjà et que l’accord négocié avec les centristes semble imploser. Alors que l’UMP se déchire, les centristes ruent dans les brancards et NKM ayant sans doute, commis de nombreuses erreurs, n’est pas parvenu à créer le consensus autour de sa personne, à rassembler la droite et le centre autour de sa candidature, car beaucoup trop antipathique, trop péremptoire. A cet effet, NKM ne peut que patiner dans sa campagne, bien qu’elle en porte partiellement les responsabilités, n’étant parvenu à retenir les listes dissidentes, y compris dans des arrondissements acquis à la droite (5e, 15e, 17e). Et où la gauche pourrait potentiellement la fragiliser, voire passer au second tour !
A ce titre, nous nous avions, en effet annoncé que ces municipales seraient, bien mieux que tous les sondages, le premier retour de manivelle pour la gauche hollandaise, la perte de Paris ayant eu l’effet pour les socialistes d’un coup de massue. Mais grâce à la droite et à ses erreurs, Anne Hidalgo retrouve toutes ses chances d’héritière désignée, et cela quels que soient les résultats des autres grandes villes, que ce soit à Lyon, Marseille, Lille ou Bordeaux. Mais il conviendrait cependant que ce qui se produit à Paris, ne se reproduise pas partout non plus, les électeurs se trouvant entre sanctionner un pouvoir vide ou sanctionner une opposition absente, divisée et empêtrée dans ses contradictions. La droite s’est avérée incapable, ces derniers mois, d’outre-passer ces querelles intestines - le plus souvent d’égo -, et de présenter une programme attrayant et alternatif, cohérent et plausible, derrière un homme ou au moins une équipe. D’ailleurs, NKM ou Anne Hidalgo, toutes professent les mêmes idées, disent certains. Toutes sont modernes, tolérantes, progressistes, féministes, écologistes, libérales en économie comme sur les mœurs. Elles assimilent le populisme au péché, elles sont européistes, mais aussi pour le tramway et les Vélib’. A cet effet, pendant le débat sur le mariage pour tous, Roselyne Bachelot a prévenu son ancienne collègue du Gouvernement Fillon « qu’elle ne pouvait se présenter à Paris sans être gay-friendly ». L’avertissent a été entendu, NKM s’étant courageusement abstenue. « Il ne faut désespérer le Marais ». C’est ainsi devenu la loi d’airain des grandes villes, à savoir l’insertion des métropoles occidentales dans un univers mondialisé, ayant bouleversé leur sociologie depuis les années 1980, chassant les classes populaires - artisans, employés -, remplacés par une classe moyenne plus aisée, plus éduquée, travaillant dans le tertiaire (publicité, médias, banques, etc.), tandis que des îlots échappent encore à ce processus.
C’est ainsi l’alliance des très aisés et des très aidés qui a changé la donne électorale à Paris, mais aussi à Lyon, Bordeaux, Lille, Toulouse, Strasbourg, comme l’analyse Eric Zemmour. La mutation sociologique a entraîné une révolution politique. Nathalie ou Anne sont les porte-voix de la même classe sociale dominante, les fameux bobos faisant la pluie et le beau temps dans les salons et les médias. Il est vrai, Hollande a été élu parce que les Français ne voulaient plus de Sarkozy. A cet effet, si la gauche ne connaît la défaite escomptée dans les urnes aux municipales, ce sera surtout parce que « les Français ne voudront pas de cette droite en lambeaux ».
J. D.