Tout commence lorsqu’Eugène Schueller, jeune chimiste français diplômé de l’Ecole nationale supérieure de chimie de Paris, met au point une teinture pour cheveux inoffensive qu’il baptisera « l’Auréale » en 1904. Il fonde cinq ans après la « Société française de teintures inoffensives pour cheveux » qui prendra trente ans après, en 1939, le nom de l’Oréal, en l’honneur de son premier produit. En 1957, à la mort d’Eugène, sa fille Liliane devient l’actionnaire unique du groupe.
Un contrat qui prend fin
Par peur d’une nationalisation de son groupe en cas de victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1974, ou d’un rachat par Elf qui vient alors d’acquérir Sanofi, Liliane Bettencourt (de son nom d’épouse) décide en 1974 de céder à Nestlé 25% du capital de L’Oréal contre 4% du capital de Nestlé Alimentaire SA. Cette cession signe l’opération de participation croisée de L’Oréal avec le groupe Nestlé.
En 2004, Liliane Bettencourt et Nestlé signent un accord qui leur donne un droit de préemption réciproque. En d’autres termes, si une des deux parties décide de vendre sa participation dans L’Oréal, l’autre partie dispose du droit d’acquérir en priorité les parts alors disponibles. Mais ce pacte, renouvelé en 2009, prendra fin le 29 avril 2014, et beaucoup de rumeurs ont vu le jour depuis que Jean-Paul Agon, le PDG du groupe L’Oréal depuis 2011, a confirmé qu’il ne serait pas renouvelé. Reste donc à savoir ce qui se passera lorsque l’accord entre ces deux géants français prendra fin.
Deux scénarios probables
Deux scénarios se dessinent depuis que Nestlé a indiqué réfléchir à « toutes les options sur la table, y compris le statu quo », et que la famille Bettencourt a rappelé « son attachement à L’Oréal » en précisant que « la cession de ses actions n’est aucunement envisagée ».
Premier scénario à envisager, le rachat par L’Oréal de ses parts détenues par Nestlé, qui lui vaudrait au cours actuel environ 22 milliards d’euros. Le groupe a les moyens financiers d’envisager une telle transaction, car il pourrait en effet vendre sa participation de 9% dans Sanofi, ce qui lui rapporterait au cours actuel près de 8,8 milliards d’euros. L’Oréal pourrait aussi puiser dans son cash-flow net de 2,58 milliards (à la clôture des comptes 2012), et pourrait également s’endetter sans difficulté. Une telle opération serait sans doute suivie de l’annulation d’une partie des actions alors rachetées et permettrait ainsi d’accroître le bénéfice par action du géant des cosmétiques. Tout comme le laisse présager le rachat par L’Oréal de ses propres actions pour un montant maximal de 500 millions le 29 novembre 2013 dans le but de les annuler.
Le deuxième scénario envisageable est au contraire le rachat des parts de L’Oréal détenues par Liliane Bettencourt (légalement possible six mois après son décès) par Nestlé dans le but de prendre le contrôle du groupe de cosmétiques.
En conclusion, au vu de la politique de discrétion adoptée par les deux parties, il me semble très intéressant de suivre de près la fin de cet accord, qui je pense amorcera un grand changement pour les deux groupes français, qui se ressentira sur les places boursières.
Adrien Faucourt