"Mais aucune magie de la lune ne peut ramener les choses à ce qu'elles étaient avant que mon père lance cette balle, avant que ma vie soit coupée en deux. "
L'incipit, superbe de nostalgie heureuse et plein d'odeurs de l'enfant, jette brutalement son lecteur dans la tragédie de Douglas. Alors qu'il joue avec son jumeau au cricket sur la plage de Muizenberg, une balle lancée par son père tue accidentellement son jumeau. La mère de Douglas, éperdue de douleur, décide de couper les ponts avec Le Cap, et part s'installer dans les solitudes arides du Karoo, une région intérieure de l'Afrique du Sud, inhospitalière et rude.
"Je m'appelle Douglas. Je suis vivant, même si une partie de moi, le moi en Marsden, est soustraite."
En (re)construction, Douglas y tisse des rencontres fondamentales, Marika la belle adolescente rebelle, et Moses le vieux mineur noir sans papiers, qui bouleversent sa vie autant qu'elles le construisent. Les instantanés teintés de mélancolie se succèdent, au travers d'un jeu habile de correspondances sensuelles, un peu à la manière de Jours d'enfance, esquissant la trame de l'éveil de Douglas - sensuel, personnel et moral, et sa sensibilité ravagée.
C'est vraiment très bien, incandescent et lumineux, comme du Mark Behr mais en mieux écrit.
"D'une certaine façon, j'en suis ravi, car je n'ai jamais eu le sens du rebond zigzagant du ballon de rugby. Tout comme je n'ai jamais senti quelle direction allait prendre la vie. Tout ça, c'est du pur hasard pour moi. Une balle de cricket tue Marsden. Une bande de babouins surgit au détour d'un virage. Une saute d'humeur nous exile au fin fond du désert."