Titre original : The Wolf of Wall Street
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Martin Scorsese
Distribution : Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Kyle Chandler, Rob Reiner, Jon Bernthal, Matthew McConaughey, Jon Favreau, Kenneth Choi, Jean Dujardin, Joanna Lumley, Ethan Suplee, Brian Sacca…
Genre : Comédie/Drame/Adaptation/Histoire vraie
Le Pitch :
Jeune trader ambitieux, Jordan Belfort commence sa carrière dans les années 80 et voit déjà loin. Rapidement, malgré un krach boursier qui met à terre le monde de la finance, il rebondit et fonde sa propre boite. Tout aussi rapidement, il engrange les millions et commence à imposer sa propre vision du métier. Véritable rock star, Belfort brûle la chandelle par les deux bouts (et même un peu par le milieu). L’argent qui coule à flot, la drogue, les femmes et plus globalement le pouvoir, Jordan Belfort ne s’arrête jamais. Quitte à se brûler les ailes en volant trop près du soleil… Histoire vraie…
La Critique :
Martin Scorsese a 71 ans et une carrière qui force le respect. À 71 ans, Scorsese étale une filmographie ahurissante. Une des plus impressionnantes du septième-art. Il a reçu la Palme d’or, le Lion d’argent, le Lion d’or, un César, trois Golden Globes, deux Oscars et des caisses de récompenses et autres nominations prestigieuses ! À 71 ans, il a dirigé Robert De Niro huit fois, Harvey Keitel cinq fois, a fait débuter Jodie Foster et offert à quelques uns des plus illustres comédiens du milieu leurs rôles les plus marquants (Joe Pesci par exemple ou encore Jerry Lewis). À 71 ans, Martin Scorsese n’a plus rien a prouver. Même quand il s’essaye à la 3D, en 2011 avec Hugo Cabret, il casse la baraque et livre un film non seulement ultra-abouti et inventif sur le plan visuel et technique, mais aussi bouleversant dans sa façon de mettre en abîme son propre métier et son propre amour pour le cinéma. Scorsese n’a plus rien à prouver. Il aime les Stones, les Beatles, a failli devenir curé et peut se targuer d’être libre. Qui lui en voudrait de se la couler douce ? Personne. Et pourtant voilà : le mec débarque avec Le Loup de Wall Street. Un -excusez le langage- putain de film absolument jubilatoire, où il renoue avec la verve des Affranchis et de Casino en prenant soin de pousser tous les potards à 11. Les compteurs sont dans le rouge en permanence. Pendant 3h pile poil, Scorsese ne lâche jamais l’affaire et au final, parvient encore à impressionner son monde. À 71 ans, oui 71 ans, le maître donne une grande leçon. Le Loup sort les griffes et les moutons qui pompent allègrement les idées de ses classiques depuis deux bonnes décennies, ne devraient alors faire qu’une chose (tu écoutes Luc Besson ?) : rentrer vissa à la bergerie, fermer à double-tour et ouvrir bien grand leurs esgourdes.
La Terre tourne, le temps passe et les rouages de l’existence ne cessent de nous prouver que parfois, la providence, le destin, ou appelez-ça comme vous voudrez-, réunit deux trucs qui étaient faits pour se rencontrer. Comme par exemple Laurel et Hardy, Paul McCartney et John Lennon, ou encore Mick Jagger et Keith Richards. Dans cette logique, Le Loup de Wall Street met en exergue une évidence : Scorsese et Jordan Belfort étaient faits pour se rencontrer. Depuis 2005, année de parution du bouquin éponyme de Belfort, ce trader superstar, mais aussi super-truand, fraîchement sorti de taule, attendait patiemment que l’univers le pousse dans les bras du réalisateur des Affranchis. Il ne pouvait pas en être autrement, car Belfort est comme Henry Hill (Les Affranchis) ou comme Sam Rothstein (Casino). Il est même comme Keith Richards d’ailleurs. Le gars est un trader, mais c’est surtout une rock star et un truand. Un fou furieux qui flingue ses ennemis et la concurrence à coups de billets verts. Une étoile filante qui est amenée à briller puis à s’éteindre. Le parfait candidat pour une fresque tragi-comique grandiloquente et outrancière comme seul le grand Martin sait les emballer.
Alors on entend d’ici les rabats-joie qui vont argumenter contre le film en le taxant de copie carbone des Affranchis ou de Casino. Certes, il y a de nombreux points de convergence et la trame, faite de hauts et de bas, est plus ou moins la même. Le truc, c’est qu’ici, comme à l’époque de la sortie de Casino, qui rappelait lui-même Les Affranchis, Scorsese transcende ses schémas. Il les adapte, les triture et à l’arrivée, la manœuvre paye, de sorte que son long-métrage s’impose non pas comme une vulgaire redite, mais bel et bien comme le nouveau volet d’une saga shakespearienne sur la rédemption, aux accents punk bien sulfureux.
Le Loup de Wall Street est lâché. Alerte, l’œil vif, il ne s’arrête jamais. Et c’est là qu’on doit parler de DiCaprio. Lui aussi était prédestiné. À rencontrer Scorsese, alors qu’il se cherchait encore une porte de sortie au phénomène Titanic qui avait tendance à l’enfermer dans une image qu’il n’a jamais cherchée ; et à tourner avec lui une tripoté de grands films, où il fut amené à croiser la grande Histoire. Comme avec Gangs of New York et Aviator. Mais il manquait un petit grain de folie à la collaboration entre Scorsese et DiCaprio. Le genre de folie qui anime la plupart des films que le cinéaste a tourné avec De Niro. En somme, les œuvres qui ont bâti la réputation du maitre. Aujourd’hui, c’est chose faîte. Le Loup de Wall Street est le cadeau que Scorsese a souhaité offrir à son dernier acteur fétiche en date. Un film tellement fou qu’il permet à DiCaprio d’exploser dans tous les sens du terme et de livrer une composition incroyablement azimutée. Habité par l’esprit borderline du Joe Pesci des Affranchis et de Casino, Leonardo s’empare de Jordan Belfort et trouve peut-être le meilleur rôle de sa carrière. Il est partout à la fois, va loin, très loin, se donne sans retenue. Le résultat à l’écran est pour le moins spectaculaire.
Profitant de l’aspiration de Leo, Jonah Hill lui aussi fait très mal. Le poulain de Judd Apatow, après son galop dramatique dans Le Stratège, plonge dans le grand bain et fait montre d’une pertinence et d’une mesure absolument ahurissantes, en mettant à l’épreuve sa verve comique (affutée dans de super trips comme Supergrave ou Funny People), au service d’un personnage hilarant, mais aussi un peu inquiétant quand même. Pas moyen de parler de tout le monde ; le casting du Loup de Wall Street étant rempli de gueules et de gens plus que fréquentables. De Jean Dujardin, qui ne fait que passer mais qui le fait bien, tout comme Matthew McConaughey, clone encore plus timbré du Michael Douglas de Wall Street, à Jon Bernthal (Shane dans The Walking Dead), en passant par Kyle Chandler, la distribution a de quoi laisser bouche bée. C’est d’ailleurs aussi le cas de Margot Robbie, l’une des révélations du long-métrage, qui souffla le rôle à de nombreuses prétendantes pourtant plus connues. Aperçue récemment dans le superbe Il était temps, de Richard Curtis, l’actrice australienne crève l’écran, à grand renfort d’une beauté et d’un charisme si spectaculaires qu’ils semblent surnaturels. Blonde incendiaire, mais pourtant antithèse de la bimbo qui n’a rien à dire, Margot Robbie gagne ses galons et devrait, grâce à sa performance, coller son nom sur un nombre croissant de génériques à l’avenir. C’est du moins ce que l’on souhaite…
Plongée rock and roll, pied au plancher, dans l’univers de la bourse, Le Loup de Wall Street est une extraordinaire comédie dramatique. Comédie, car on rit beaucoup. L’écriture de Terence Winter (qui vient de la série Les Soprano) est ciselée, dynamique et se marrie à merveille avec le sens du montage et le génie de la mise en scène de Scorsese. On pense parfois carrément à Las Vegas Parano, quand le délire est poussé à son paroxysme. C’est drôle, très drôle, mais aussi glamour. La photo est à tomber à la renverse, la bande-originale parcourue de morceaux parfaitement excellents et la narration, avec voix off, truculente et immersive au possible. Dramatique, Le Loup l’est aussi, comme tout bon conte sur la rédemption. On revient au rapprochement que l’on peut faire avec Casino et Les Affranchis. Si c’est ce Scorsese là que vous aimez, courrez vous jeter dans la gueule du loup. Vous allez en avoir pour votre argent. Martin tire à boulets rouges sur le rêve américain. C’est fin, intelligent, profond et léger à la fois, provocateur, complètement délirant, puissamment comique et au final indispensable. Franchement, voici un investissement sûr à 100%. Pas besoin de bosser à Wall Street pour en être persuadé. Rarement 3h auront paru aussi courtes… Chef-d’œuvre intégral !
@ Gilles Rolland