En dépit de quelques 30 années de recherche, le processus « VIH-SIDA » était resté un mystère. Cette recherche majeure, menée au Gladstone Institute décrit, pas à pas, les mécanismes moléculaires qui s’enchaînent dans le corps humain, de l’infection à VIH au développement du sida. Ses conclusions, présentées dans deux revues prestigieuses Science et Nature, pourraient apporter la clé d’un vaccin ou de nouveaux traitements contre le sida.
Les auteurs rappellent que plus de 35 millions de personnes dans le monde sont séropositives et que si les médicaments antirétroviraux (ARV) peuvent prévenir le sida, ils ne guérissent pas. Chaque année le VIH fait plus de 2 millions d’infections et 16 millions de personnes restent aujourd’hui sans accès aux TARV.
L’étude menée au laboratoire du Pr Warner C. Greene décrit en effet, étape par étape, la réaction de l’organisme à l’infection par le VIH. En particulier, l’étude révèle comment le corps et non le virus tue la plupart des lymphocytes T CD4 du système immunitaire mais également le moyen de bloquer ce processus. Les Drs. Gilad Doitsh et Xin Geng ont tiré parti de précédentes recherches (publiées en 2010 dans la revue Cell (3)), montrant les difficultés du virus à infecter de façon systématique la grande majorité des cellules T CD4 et la réaction de « suicide » des cellules immunitaires, pour protéger le corps de la propagation du virus, entrainant une déficience générale du système immunitaire et le développement du sida.
Bloquer le processus de pyroptose : Les scientifiques ont donc cherché des moyens d’empêcher ce processus en étudiant exactement comment se déroulait ce mécanisme de réaction suicidaire, à partir de tissus de rates et d’amygdales humaines ainsi que de tissu de ganglions lymphatiques de patients infectés par le VIH. Ils découvrent alors que ces infections manquées du VIH laissent des fragments de l’ADN du virus dans les cellules immunitaires qui déclenchent une forme de mort cellulaire connue sous le nom de pyroptose. Au cours de ce processus, les cellules immunitaires se rompent et libèrent des signaux inflammatoires qui entraînent encore plus de cellules à répéter ce processus de suicide. Enfin, à partir d’échantillons de tissus humains, ils constatent qu’un médicament anti-inflammatoire existant, pourrait bloquer cette inflammation et ce processus de pyroptose chez les patients infectés par le VIH.
La protéine IFI16, une cible prometteuse : Cette découverte a incité les scientifiques à se demander comment le corps pouvait détecter les fragments de l’ADN du VIH, avant même d’alerter l’enzyme (appelée caspase-1) nécessaire pour lancer une réponse immunitaire. Pour identifier ce capteur de fragments ADN, les scientifiques ont manipulé génétiquement les cellules T CD4 dans les tissus infectés par le VIH pour finalement découvrir que la réduction de l’activité d’une protéine (IFI16) inhibait le processus de pyroptose. Précisément, IFI16 est le capteur de l’ADN qui envoie alors des signaux à « caspase-1 » et déclenche la pyroptose.
Comprendre toutes les étapes du processus était nécessaire pour trouver le moyen de le bloquer. Un essai clinique de phase 2 est d’ores et déjà programmé pour tester l’anti-inflammatoire comme thérapie intermédiaire pour les millions de personnes privées d’accès aux ARV ou simplement pour réduire l’inflammation persistante chez les personnes infectées par le VIH déjà sous TARV. Enfin, en réduisant l’inflammation, le médicament pourrait également peut-être venir à bout de la persistance du virus dans ses » réservoirs » qui déjouent aujourd’hui les traitements disponibles.
Sources:
Nature 19 December 2013 DOI: 10.1038/nature12940Cell death by pyroptosis drives CD4 T-cell depletion in HIV-1 infection
Science December 19 2013 DOI: 10.1126/science.1243640 IFI16DNA Sensor Is Required for Death of Lymphoid CD4 T Cells Abortively Infected with HIV
(3) Cell2010 Nov 24 doi: 10.1016/j.cell.2010.11.001 Abortive HIV infection mediates CD4 T cell depletion and inflammation in human lymphoid tissue
(Visuel@ Jinny Wong (VIH en orange et CD4 en vert).
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