Il n’y a pas pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre…
Publié Par Nicolas Nilsen, le 25 décembre 2013 dans ContrefoutComment se fait-il que nos dirigeants soient à ce point sourds à tout ce qu’on leur dit ?
Par Nicolas Nilsen.
Pendant des années, je me suis posé cette question : comment se fait-il que nos dirigeants soient à ce point sourds à tout ce qu’on leur dit. Par exemple : la Cour des comptes leur répète inlassablement d’arrêter leur gabegie : ils n’entendent pas ! Standard & Poor’s dégrade leur triple A : ils n’entendent pas ! Les sondages leur disent qu’ils s’effondrent dans l’opinion : ils n’entendent pas ! L’INSEE leur dit que les courbes du chômage ne s’infléchiront pas : ils n’entendent pas ! Leur fiscalité est spoliatrice, tue l’esprit d’entreprise et l’emploi, ils n’entendent pas ! Leur dette abyssale est une catastrophe : ils n’entendent pas ! Etc (bon, vous avez compris de quoi je parle).
Et donc pour en avoir le cœur net, je me suis dit qu’il fallait que j’aille au Canada interroger le plus grand spécialiste de la surdité. Comme j’avais aussi très envie de voir de la neige, j’ai donc pris l’avion pour Montréal et je lui ai posé la question. Voici ce qu’il m’a dit…
– Je vais vous décevoir mon jeune ami, mais vos hommes politiques français ne sont pas sourds !
– Comment ça pas sourds ? Vous voulez dire qu’ils sont sourds comme des pots, oui !
– Ils « n’entendent » pas !
– … et pourtant vous me dites qu’ils ne sont pas sourds ?
– Non, ils ne « VEULENT PAS ENTENDRE » — c’est très différent ! Toute leur vie, toute leur carrière politique repose sur un système auquel ils ne veulent pas renoncer !
– Vous parlez du Pouvoir ?
– Oui, les avantages, le pouvoir, la considération, la notoriété, l’argent… l’argent surtout. S’ils « entendaient » vraiment ce que dit la Cour des comptes, ils ne pourraient plus continuer à taper dans la caisse ou se la couler douce !
– … ils tomberaient du cocotier…
– Exactement : regardez tout ce qu’ils peuvent continuer à faire grâce à leur prétendue surdité : augmenter les dépenses publiques, augmenter les subventions, augmenter les impôts, augmenter les taxes, augmenter la dette…
– Et moi qui croyais qu’ils étaient sourds. Et que c’était pour ça qu’ils ne comprenaient pas les mises en garde !
– Mais non la vraie surdité est un état pathologique caractérisé par une perte partielle ou totale de l’audition. Pour ne pas entendre les mises en garde dont vous me parlez, il leur faudrait une perte auditive d’au moins 100 dB…
– 100 dB, c’est le bruit d’un marteau-piqueur ?
– Oui, et 100 dB ce n’est évidemment pas le bruit qui règne à l’Élysée lors des réunions du Conseil des ministres !
– Donc comme ils ne sont pas sourds, ça ne sert à rien de leur crier encore plus fort d’arrêter toutes leurs conneries !
– Non ! Tenez, regardez les photos que vous m’avez apportées. J’ai remarqué quelque chose de très intéressant… Regardez celle-là par exemple :
– Vous voyez, ce qu’il y a sur la table ?
– … des bouteilles d’Évian…
– Mais non regardez plus attentivement.
– Ah oui, des petites pyramides colorées !
– Et là vous voyez quoi ?
– il n’y a plus de bouteilles d’Évian. Et ils ont quatre verres chacun : un pour le champagne, un pour le vin blanc, un pour le rouge et un pour l’eau…
– Non regardez plus attentivement…
– Ah oui, les mêmes petites pyramides de couleur ! Mais qu’est-ce donc ?
– C’est ce qui les protège justement ! C’est ce qui leur permet de « ne pas entendre » ! C’est leur maladie : ne surtout pas entendre ce qui les dérange. Et même là où il n’y a pas de bruit, ils mettent leurs boules Quies ! L’image est formelle…
– J’hallucine ! Et je vois même qu’ils en ont dans les oreilles. Même Fabius qui en a des roses …
– Non seulement il a ses boules Quiès, comme le Président, mais en plus il n’écoute absolument pas. Regardez : il a le regard fixé sur son assiette.
– Ils doivent avoir un problème pour discuter ?
– Même pas. Vous savez, il n’y a un problème que lorsqu’un sourd échange avec un entendant ou inversement. Mais entre-eux — entre deux « prétendus sourds » — il n’y a aucune difficulté.
– Ils ne cherchent pas non plus à se comprendre ?
– Non, car ils parlent la même langue : la langue de bois. C’est une langue creuse, vide de sens. C’est pour ça qu’ils la parlent couramment !
– Donc personne n’écoute personne alors ?
– Non, et il ne faut d’ailleurs surtout pas qu’ils s’écoutent car leurs conseillers ont déjà préparé le relevé de décision de la réunion !
– Vous voulez dire « avant » que la réunion ne soit terminée ?
– Bien sûr. Vous ne pensez tout de même pas qu’ils vont rédiger le texte après la réunion et tout le vin qu’ils auront bu (vous avez compté le nombre de verres sur la table ?).
– Tout est déjà écrit « avant » et déjà communiqué à la Presse ?
– Oui, ça s’appelle envoyer « sous-embargo »… Sinon leurs équipes de communication s’arracheraient les cheveux !
– Mais comment font-ils pour parler avec les autres ?
Pour les sourds, on met un sous-titrage pour malentendants. Eux ont des « Porte-parole » qui les protègent : car si on pouvait leur poser directement des questions embarrassantes, ils seraient obligés de répondre !
– Mais ils sortent tout de même de temps en temps ?
– Non, très rarement — ou alors entourés de Préfets et d’un cordon de CRS. Sinon, ils restent soigneusement entre eux dans leurs palais ou dans leurs réunions interministérielles ou internationales ! La rumeur de la rue ne doit surtout pas les atteindre. Tout doit être étouffé, atténué, ouaté…
– Mais il accordent bien des interviews ?
– Mais, mon jeune ami, vous savez très bien que les journalistes sont serviles ! Ils posent seulement des questions qui ont été préparées à l’avance. Et si c’est en direct et que l’homme politique répond à côté, vous avez remarqué que le journaliste ne cherche jamais à l’embarrasser !
– parce qu’ils sont achetés ?
– Non, pas achetés mais disons « subventionnés » ! Et puis si un journaliste avait la malencontreuse idée de poser de mauvaises questions et de les embarrasser au Journal de 20h, c’est le journaliste qui perdrait son poste ! Alors ils jouent ensemble le petit jeu de la complaisance et de la flagornerie !
– Ils se tiennent par la barbichette… et donc rien ne changera ?
– Non, rien ne changera : car il n’y a pas pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre !
– Et lors de ses vœux de fin d’année, le Président nous dira que…
– … il nous dira qu’il a « entendu » les souffrances des Français, qu’il a « écouté » ceux qui rencontrent des difficultés… qu’il a bien « saisi » les aspirations des uns et des autres…
– Mais en fait il n’aura rien entendu, rien écouté, rien compris ?…
– … Exactement. Car s’il disait la vérité, les gens sortiraient leurs fourches !
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