Claudio Espector répondant à l'agence de presse argentine (Télam)
Hier sur le Paseo Colón à San Telmo, devant le ministère de l'Education du Gouvernement portègne, une foule d'enseignants, de parents, d'enfants et d'élus s'est rassemblée pour réclamer le retour dans son poste du Maestro Claudio Espector, révoqué la semaine dernière pour des motifs qui laissent sans voix en démocratie : 100% à la tête du client. Les motifs les plus arbitraires puisque la sous-secrétaire à l'équité pédagogique lui reproche essentiellement d'avoir une personnalité qui lui déplaît à elle. Peu importe que les enfants lui sautent au cou à lui comme je le ai vu faire de mes propres yeux au mois d'août dernier à Buenos Aires.Les manifestants portaient tous un petit autocollant bricolé à la va-vite : Claudio no se va (Claudio reste).
Claudio lui-même a été fort sollicité hier par les journalistes et la page Facebook de soutien au programme relaie les interviews écrites, télévisées et radiophoniques comme cette interview sur Radio Continental :
Parmi ses déclarations les plus importantes, la dénonciation du choix d'une date qui devait empêcher les gens de se mobiliser (entre la fin de l'année scolaire le 15 décembre et le début des fêtes de fin d'année), les motifs arbitraires et cyniques avancés par les responsables ministériels et la persécution idéologique dont il se voit l'objet depuis deux ans, c'est-à-dire depuis l'arrivée de Soledad Acuña au poste de secrétaire adjointe à l'équité pédagogique (1), sa récente élection, en juin, comme Personnalité de la Culture, grâce au vote de tous les groupes politiques de la Chambre législative de Buenos Aires (Legislatura). On le sent assez souvent ému. Il y a de quoi ! Seize ans de travail passionné et cette révocation brutale, humiliante et injuste...
Photo CTA
La manifestation a été appuyée par les syndicats, notamment la CTA (un syndicat radicalisé), Centrale des Travailleurs Argentins, et l'UTE, Union des Travailleurs de l'Education. Ils vont se mobiliser pendant l'été et revenir en force en février au moment de la négociation paritaire obligatoire de pré-rentrée. Les relations entre les syndicats et le Gouvernement de Mauricio Macri n'ont jamais été bonnes mais là, ça s'annonce explosif une nouvelle fois. Reportage au journal de mi-journée de Canal 7 (la Tele Pública), hier (partie 1)
Sur Página/12, on trouve ce matin un reportage sur la manifestation d'hier et un billet d'opinion de Diego Fischerman qui compare les parcours de Claudio Espector et de son remplaçant aussitôt nommé (de toute évidence pour détruire le caractère social du programme). C'est saignant. Je vous le traduis ci-dessous.
OPINION
Vidas paralelas
Por Diego Fischerman Uno de ellos es pianista. El otro tocaba el clarinete. El primero dirigió el Conservatorio Manuel de Falla y creó y coordinó el programa de orquestas infantiles y juveniles de Buenos Aires, por donde han pasado más de 15.000 alumnos a lo largo de 16 años, muchos de ellos sumamente humildes y una buena cantidad proveniente de villas de emergencia. El segundo se dedicó a negocios relacionados con la música, patentó varios dominios de Internet y desde la asunción de Macri como jefe de Gobierno de la Ciudad ha pasado por varios puestos de importancia. Claudio Espector, el primero, fue echado de su cargo. Eduardo Ihidoype, el segundo, es el reemplazante elegido por el gobierno porteño.Opinion Vies parallèles par Diego Fischerman L'un d'eux est pianiste. L'autre jouait de la clarinette. Le premier a dirigé le Conservatoire Manuel de Falla, créé et coordonné le programme des orchestres d'enfants et de jeunes de Buenos Aires, par où sont passés plus de 15 000 élèves en seize ans, beaucoup d'entre eux étant des gens très humbles et un bon nombre venant de bidonvilles. Le second s'est consacré à faire des affaires autour de la musique, a déposé des noms de domaines sur Internet et depuis l'arrivée de Macri à la fonction de Chef de Gouvernement de la Ville, il est passé par plusieurs postes importants. Claudio Espector, le premier, a été viré de son emploi. Eduardo Ihidoype, le second, a été choisi pour le remplacer par le Gouvernement portègne. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Este funcionario, hasta ahora “gerente” (sic) del programa Música para la equidad del Ministerio de Educación de la Ciudad, tiene un impactante currículum reciente: en 2008 fue ascendido por decreto, dentro de la planta de la Filarmónica de Buenos Aires, donde tocaba el tercer clarinete. Ese mismo año fue nombrado director ejecutivo de esa orquesta y entre 2010 y 2012 fue el director del Instituto Superior de Arte del Teatro Colón, cargo que, según fuentes fidedignas, debió abandonar tras haber participado en activas conspiraciones contra el director del teatro, Pedro Pablo García Caffi. En 2011 fue nombrado integrante de la Comisión Permanente del Estatuto del Docente para Areas de Enseñanza Específica, sin que eso significara que dejara de percibir el sueldo como director ejecutivo de la Filarmónica, que aún sigue cobrando aunque no desarrolla tal función. Y, por otra parte, sigue figurando en el padrón del Ente Autárquico Teatro Colón, conservando su cargo de clarinetista aunque ya no actúa en la Orquesta. Su antecedente más significativo, no obstante, es muy anterior: fue compañero de escuela del jefe de Gobierno. Diego Fischerman
Ce dignitaire, jusqu'à présent directeur (2) du programme Musique pour l'équité du Ministère de l'Education de la Ville, a un CV marquant ces derniers temps : en 2008, il a été promu par décret, au sein du Philharmonique de Buenos Aires, où il était troisième clarinettiste. La même année (3), il a été nommé directeur exécutif de cet orchestre et de 2010 à 2012, il a été le directeur de l'Institut Supérieur des Arts du Teatro Colón, poste que, selon des sources dignes de foi, il a dû quitter après avoir participé à d'actives conspirations contre le directeur du théâtre, Pedro Pablo García Caffi. En 2011, il a été nommé à la commission permanente du Statut de l'Enseignant pour l'Enseignement spécialisé, sans que cela emporte qu'il arrête de percevoir son salaire de directeur exécutif du Philharmonique, qu'il continue même de toucher alors qu'il n'occupe pas cette fonction. Et d'autre part, il continue à figurer sur l'organigramme de la Société indépendante du Teatro Colón, où il conserve son poste de clarinettiste alors qu'il ne joue plus dans l'orchestre. Son antécédent le plus significatif date cependant de bien plus longtemps : c'est un camarade d'école du Chef du Gouvernement. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Reemplazar a un funcionario es una de las atribuciones de un gobierno. Podría ser que las autoridades del caso, expertas en la materia, desde ya, juzgaran la tarea de Espector insatisfactoria. O que Ihidoype, fruto del saber adquirido a lo largo de una profusa carrera educativa, hubiera presentado un nuevo proyecto, tan atractivo como superador. Las cosas, sin embargo, no fueron así. “Hubo una reunión con la subsecretaria de Equidad Educativa, Soledad Acuña, en la que también estuvo presente el jefe de Gabinete del Ministerio de Educación porteño, Diego Fernández, y ambos me notificaron que quedaba desvinculado de las orquestas juveniles”, contó Espector. Y los argumentos esgrimidos por su superior jerárquico fueron, por lo menos, curiosos: “Acuña dijo que no sabía si me separaban por un tema personal, ideológico o político”. Respaldado en una carta firmada conjuntamente por Daniel Filmus, Mariano Narodowski y Mario Giannoni, tres ex ministros de Educación de la Ciudad de distinto signo político, Espector fue apoyado ayer en un acto masivo donde tocaron los chicos de las orquestas. Premiado este año como personalidad destacada de la cultura por el mismo gobierno que ahora intenta echarlo, Espector venía denunciando la reducción de las viandas de los niños, la quita del subsidio de cooperadora con el que se compraban los instrumentos e insumos, la dilación y discriminación en el pase a Interinato de sus docentes, la falta de nombramientos y, últimamente, la misteriosa aparición del gerente de Música para la Equidad y de unas orquestas paralelas sobre las que no se le informaba. Acuña no “sabe” si las causas del despido –y el consiguiente reemplazo por Ihidoype– son “personales, ideológicas o políticas”. Sabe, eso sí, que no son profesionales. Diego Fischerman
Remplacer un responsable est une des attributions d'un gouvernement. On pourrait comprendre que les autorités compétentes, expertes en la matière, aient jugé la prestation de Espector désormais insatisfaisante. Ou que Ihidoype, fruit d'un savoir acquis au long d'une longue et belle carrière pédagogique, ait présenté un nouveau projet, aussi séduisant que plus abouti. Toutefois, ce n'est pas ça qui s'est passé. "Il y a eu un rendez-vous avec la secrétaire adjointe de l'équité pédagogique, Soledad Acuña, auquel a aussi participé le Secrétaire général du Ministère de l'Education portègne, Diego Fernández, et tous deux m'ont notifié mon éloignement des orchestres d'enfants", dit Espector. Et les arguments que lui a servis sa supérieure hiérarchique ont été pour le moins curieux : "Acuña m'a dit qu'elle ne savait pas s'ils me congédiaient pour un motif d'ordre personnel, idéologique ou politique". Soutenu par une lettre signée conjointement par Daniel Filmus (4), Mariano Narodowski (5) et Mario Giannoni, trois ex-ministres de l'Education de la Ville de différentes couleurs politiques, Espector a reçu hier l'appui d'une manifestation massive où les gamins des orchestres ont joué. Distingué cette année en qualité de personnalité de la culture par ce même gouvernement (6) qui maintenant essaye de le virer, Espector ne cessait de dénoncer la réduction des goûters des enfants, la disparition des subventions d'achat des instruments et des consommables, le retard et la discrimination dans la titularisation des enseignants, les nominations restées en souffrance et, ces derniers temps, la mystérieuse apparition du directeur de Musique pour l'Equité et de certains orchestres parallèles sur lesquels il n'avait pas d'information. Acuña ne sait pas si les causes de la révocation et le remplacement par Ihidoype qui l'a suivie sont d'ordre personnel, idéologique ou politique. Mais il y a une chose qu'elle sait, c'est qu'elles ne sont pas d'ordre professionnel. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Reportage de Visión 7 d'hier (partie 2) Pour aller plus loin : lire le reportage de Página/12 sur la manifestation d'hier lire et écouter le reportage de Radio Central (CTA) lire le communiqué de l'UTE lire la dépêche de Télam sur la lettre conjointe des trois ex-ministres portègnes de l'Education Se connecter sur la page Facebook de soutien au programme
(1) La bureaucratie argentine n'a rien à envier à son homologue française. C'est une véritable armée mexicaine, avec des chefs et des sous-chefs de tout et de n'importe quoi à tous les étages et ce sont souvent autant de petits chefs hargneux et vindicatifs comme c'est le cas de cette femme. (2) gerente est un substantif en usage dans le secteur marchand, dans les entreprises privées, il n'est pas en usage dans le service public et le secteur non marchand. Cela sonne comme directeur commercial. D'où le sic dont Fischerman l'affecte parce que c'est un terme tout à fait déplacé. (3) 2008 est le début du premier mandat de Mauricio Macri. (4) Daniel Filmus est aujourd'hui une des fortes pointures du Frente para la Victoria (le partie de la présidente Cristina Kirchner). (5) Mariano Narodowski a été le premier ministre de l'Education de Macri. Il a été remplacé aujourd'hui par Bullrich, dont le journaliste de Radio Continental dit à Claudio au cours de son interview qu'il l'a lui-même entendu louer le travail qu'il réalisait à la tête de son programme pédagogique. Le fait que ces deux hommes aient signé ensemble une pétition commune est en soi un événement politique de première importance. Cela n'existe jamais dans la vie politique argentine où la conflictualité est presque érigée en règle de vie et de comportement. (6) Erreur d'analyse : c'est la Legislatura qui lui a accordé ce titre honorifique et pas le Gouvernement. En revanche, les députés macristes ont voté cette distinction.