«Avant l’application de la peine, explique-t-il, j’en ai profité pour prendre du bon temps avec mes différentes petites amies. Partout où j’allais, des femmes m’accostaient: “Allez viens! Je ne dirai pas que tu m’as violée, tu n’as rien à craindre avec moi.” Blessé, je les repoussais avec rudesse. Même si elles cherchaient à me consoler, j’étais trop meurtri pour m’en rendre compte. J’étais un gamin ignorant, fou et amer, qui avait terriblement besoin de grandir.»
KO. De ring et de fureur. Vous l’avez compris: Mike Tyson a quarante-sept ans et il raconte tout avec la manie scrupuleuse de ceux qui n’ont plus rien à perdre à force d’avoir martelé le désastre. C’est à la fois fascinant et terrifiant. Vous sortez littéralement KO de la lecture de "La Vérité et rien d’autre" (éditions Les Arènes, 600 pages), sans savoir si vous avez lu l’une des plus grandes et des plus savoureuses confessions de l’histoire de la littérature sportive, ou si, par voyeurisme primal, vous n’auriez pas par hasard participé à l’exaltation de la mise en scène d’un ex-salaud qui regrette tout ou presque, mais ne laisse rien dans l’ombre. Il parle ainsi de sa carrière, ombrageuse, de sa jeunesse, de l’alcool, de la drogue, du dopage, de la violence et du goût du sang dans la bouche. Puis aussi des femmes, auxquelles il aimait faire mal pendant l’amour, les entendre crier de douleur, ou des innombrables prostituées pour lesquelles il dépensa des millions de dollars. Enfin, il parle de ses passions pour la méditation, pour l’islam, et surtout pour les livres, qu’il dévore depuis comme un boulimique. Habitué jadis à exécuter ses adversaires sans sommation, le boxeur américain n’esquive aucun coup dans cette autobiographie qui fera date, coécrite par Larry Sloman (la plume de Houdini, Red Hot Chili Peppers, Dylan, etc.).
Toxique. Tyson, à qui sa mère n’a jamais dit «je t’aime», confesse sans pudeur: «Je suis un fils de pute.» Et puis: «Je suis sur le point de mourir, parce que je suis un alcoolique pervers. Bon Dieu, ça devient intéressant.» Ses mots ne changeront pas son image, bien au contraire. Ils nous aident juste à comprendre le destin d’un sportif hors norme, qui s’étonne encore de ne pas avoir terminé avec «une balle dans la peau». Il relate aussi que, à plusieurs reprises, il malmena son manager et promoteur, le sulfureux Don King. Un jour, un proche lui a dit: «Fais gaffe, tu vas te faire buter.» Pour Tyson, Don King « était toxique ». Mais Don King, « c’était la boxe »…
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 20 décembre 2013.]