Rémunération des élus locaux : le dessous des cartes
Publié Par Emploi2017, le 24 décembre 2013 dans PolitiqueLa rémunération des élus français est l’un des principaux obstacles à la fusion des communes.
Par Dominique d’Emploi2017.
On rappelle que si les Allemands ont su réduire le nombre de leurs communes de quelque 35.000 à 8.000, c’est que les élus municipaux allemands ne sont pas rémunérés sauf pour les communes importantes où la fonction de maire est à plein temps. La rémunération des élus français est l’un des principaux obstacles à la fusion des communes.1,2 milliard, c’est le coût annuel des indemnités de nos élus locaux. Leur nombre excède un demi-million, ce qui nous place en tête de tous les pays européens en termes d’élus locaux par habitant.
1,2 milliard, ce sont les chiffres de 2011 tels que publiés par le député René Dosière sur son blog en février 2013, chiffres obtenus du ministère de l’Intérieur. Cela représente près de 10 fois plus que les 145.000 millions d’indemnités perçues par les députés et sénateurs français, IRFM (indemnités représentatives de frais de mandat) incluses1.
Il y a en France aujourd’hui 560.000 élus municipaux, dont 36.700 maires et environ 100.000 adjoints au maire. Ce 1,2 milliard se compose pour la plus large part des indemnités des maires et de leurs adjoints. Cependant, sans qu’il soit possible de précisément l’estimer, une petite part va dans la rémunération des conseillers municipaux.
Ainsi, premièrement, les conseillers municipaux des villes de plus de 100.000 habitants peuvent recevoir jusqu’à 228 euros bruts par mois, soit une enveloppe totale pour la France d’environ un demi million d’euros. Mais deuxièmement, même pour les communes de moins de 100.000 habitants, les conseillers municipaux peuvent recevoir des indemnités s’ils reçoivent une délégation du maire. Le maire ou ses adjoints acceptent alors de ne pas toucher 100% de ce à quoi ils peuvent prétendre : ils se privent d’une part de leur indemnité maximale légale, cette part servant alors à indemniser les conseillers municipaux. Dans de nombreux cas cependant, cette « privation » n’est pas effective, l’écrêtement se faisant pour l’élu au-dessus du plafond de 8.200 euros d’indemnités applicable à ceux qui cumulent les mandats2. Pour rappel, il y a en France 8 députés et sénateurs sur 10 qui cumulent les fonctions3.
Étonnamment, cette loi existe aussi pour les élus locaux sans mandat national. René Dosière a notamment piloté une étude en Champagne-Ardenne sur ce sujet. Il indique avoir rencontré un nombre significatif d’élus locaux qui, en cumulant, n’étaient pas si éloignés du plafond puisqu’ils atteignaient en moyenne entre 6.000 et 7.000 euros par mois. Ils additionnaient ainsi un mandat de maire, une présidence de Communauté de communes, une fonction dans un Conseil général ou une présidence d’un syndicat mixte.
Outre cela, il ne faut pas oublier qu’ils peuvent également percevoir des revenus au titre de leur participation à des conseils d’administration d’établissements publics locaux ou de sociétés d’économie mixte locales4.
Indemnités des élus municipaux
Les indemnités de base sont votées par le conseil municipal dans la limite du barème fixé par le code général des collectivités territoriales (CGCT), appliquant des critères démographiques. Dans le barème de base, elles peuvent s’élever jusqu’à 5.500 euros pour le maire d’une ville de plus de 100.000 habitants :
Grille de rémunération des maires, adjoints au maire et conseillers municipaux selon la taille de la ville.
Cependant, il y a majoration des indemnités de fonction dans un certain nombre de cas. Voici le résumé de ces différents cas, tirés d’un rapport du Sénat :
« Les conseils municipaux ont la possibilité de majorer les indemnités de fonction des maires, adjoints et conseillers municipaux, pour tenir compte de certaines situations particulières occasionnant un surcroît de travail. Ces majorations sont facultatives et se cumulent entre elles. Elles s’appliquent sur les taux fixés par le conseil municipal. Elles concernent :
- - Les communes chefs-lieux de département, majoration fixée à 25%
- Les communes chefs-lieux d’arrondissement, majoration fixée à 20%
- Les communes chefs-lieux de canton, majoration fixée à 15% - Les communes sinistrées
- Les villes classées : stations hydrominérales, climatiques, balnéaires, touristiques ou rurales, ainsi que les villes classées stations de sports d’hiver ou d’alpinisme. Les majorations sont égales à 50% pour les communes dont la population totale est inférieure à 5.000 habitants, et 25% pour celles dont la population totale est supérieure à 5.000 habitants.
- Les communes dont la population totale depuis le dernier recensement a augmenté à la suite de la mise en route de travaux publics d’intérêt national. Les majorations sont égales à 50% pour les communes dont la population totale est inférieure à 5.000 habitants, et 25% pour celles dont la population totale est supérieure à 5.000 habitants.
- Les communes ayant été, au cours de l’un au moins des trois exercices précédents, attributaires de la dotation de solidarité urbaine. Pour ces communes, les indemnités de fonction peuvent être votées dans la limite de la strate démographique supérieure. »
Nombre d’adjoints au maire
Le nombre d’adjoints aux maires dépend également de la taille de la ville. On voit dans le tableau ci-dessous une distinction entre nombre d’adjoints règlementaires et nombre d’adjoints supplémentaires. En effet, le maire n’a pas l’obligation de nommer tous les adjoints dont il peut légalement disposer. Mais comme le total des indemnités allouées aux élus municipaux se calcule en prenant le maximum de ce que peut toucher le maire et l’ensemble de ses adjoints, le conseil municipal nomme en général autant d’adjoints que le maximum autorisé, afin de pouvoir faire bénéficier ses élus du maximum d’indemnités.
Nombre d’adjoints au maire selon la taille de la ville et nombre de villes par catégorie.
Nombre de conseillers municipaux
Le nombre de conseillers municipaux dépend lui aussi de la taille de la ville, selon un découpage encore plus fin, allant de 9 conseillers pour les villes de moins de 100 habitants, à 69 conseillers pour les villes de plus de 300.000 habitants. Ce mode de calcul aboutit à un nombre total de plus d’un demi-million d’élus, ce qui nous place en tête de tous les pays européens en termes d’élus locaux par habitant.
Nombre de conseillers municipaux selon la taille de la ville.
Transparence sur les indemnités votées
L’article L. 2123-20-1 du CGCT dispose que : « Toute délibération du conseil municipal concernant les indemnités de fonction d’un ou de plusieurs de ses membres est accompagnée d’un tableau annexe récapitulant l’ensemble des indemnités allouées aux membres du conseil municipal. »
Cependant, comme l’attestent de nombreux commentaires sur Internet, ce n’est bien souvent pas tout à fait le cas. Jean-Luc Trotignon, élu municipal de la ville de Rambouillet, explique que les délibérations indiquent à dessein les indemnités d’une manière trop peu lisible, et il détaille dans l’un de ses articles la manière dont cela est fait :
« Les délibérations indiquent les indemnisations des élus d’une façon qui en arrange bien certains, c’est-à-dire d’une façon incompréhensible pour les citoyens : ce sont des pourcentages de l’indice de base de chaque fonction (différent pour le maire et les adjoints, et différent selon la population de la ville), indice de base qui est lui-même un pourcentage de l’indice de la fonction publique 1015 (régulièrement revalorisé), et pour les conseillers délégués (qui doivent tous être indiqués nominativement un par un) et les conseillers « simples », ce sont des pourcentages de l’écrêtement du maire et des adjoints (déterminés par le maire avec « l’accord » des adjoints)… De plus, il faut ensuite majorer le tout pour certaines communes, si elles sont classées touristiques, chef-lieu d’arrondissement, ou autre… »
Le coût total de nos élus locaux est donc substantiel, pour une transparence financière et une performance globale qui laissent à désirer. Faut-il supprimer les indemnités des élus locaux, hors maires des grandes villes ?
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Sur le web.
- Mais hors réserve parlementaire et retraites. ↩
- Les indemnités ne doivent pas dépasser une fois et demie l’indemnité parlementaire de base (soit un plafond d’environ 8.200 euros). ↩
- Lire Les cumulards épinglés et Le palmarès des cumulards. ↩
- En France, une société d’économie mixte (abrégé en SEM) est une société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques (à savoir l’État, une Collectivité territoriale, ou tout autre Établissement public). Cette participation majoritaire publique est plafonnée à 85% du capital depuis la Loi du 2 janvier 2002. Au moins une personne privée doit participer au capital de la SEM, sachant qu’il peut s’agir d’une autre SEM. Le recours à la SEM garantit à la collectivité publique actionnaire et cocontractante la prise en compte effective de l’intérêt général dans les objectifs de l’entreprise et la souplesse de la société de droit privé. ↩