Un accord européen "important" a été conclu il y a 8 jours. Il concerne la résolution des crises bancaires au sein de l'Union. Deux jours après, le ministre des finances s'esbaudit, mais la gauche lui tombe dessus. Ailleurs, on dit que l'Allemagne a eut gain de cause.
Vraiment ?
Enfin un sujet sérieux !
De quoi parle-t-on ?
L'accord du 18 décembre entre les ministres des finances européens sur le "Mécanisme de résolution unique" prévoit trois dispositions principales.
Primo, la BCE se voit doter d'une mission de supervision de 130 grandes banques nationales en priorité, 6.000 établissements au total. Le nouveau conseil de supervision avec son milliers d'agents en cours de recrutement, sera dirigé par une Française, Danièle Nouy, récemment nommée.
Secundo, en cas de défaillance, une banque ne sera plus renflouée par les Etats, mais par les actionnaires, puis les créanciers obligataires, et enfin les dépôts supérieurs à 100.000 euros. D'ici à 2016, les Etats membres doivent constituer des fonds de résolution à hauteur de 1% des dépôts couverts dans les 10
ans. Ces fonds nationaux doivent représenter 0,8% des dépôts couverts.
Tertio, un fonds global sera créé à hauteur de 55 milliards d'euros, abondé par les banques elles-même, pour "compléter le mécanisme", à hauteur de la taille de leur bilan. En France, les grandes banques s'inquiètent de ce nouveau prélèvement.
Mosco, heu-reux
Il avait de nombreuses raisons de se féliciter bruyamment. Primo, il attendait ce moment-là depuis longtemps. L'année 2013 avait débuté dans les affres de l'affaire Cahuzac, son sous-ministre du budget, qui avoua sa fraude fiscale avant d'être dégagé du gouvernement. Ensuite, l'homme a fini par incarner le statu-quo, la résistance de Bercy, l'attentisme politique. Il fut même pris de court par l'annonce de remise à plat de la fiscalité en novembre dernier. Un accord européen est toujours chose difficile à conclure. Cette "heureuse" conclusion était donc une belle occasion à saisir.
Last but not least, le ministre se positionne pour succéder à Michel Barnier comme représentant de la France à la Commission européenne, après les prochaines élections.
Dans une tribune publiée par le Monde deux jours plus tard, Pierre Moscovici voulait donc partager son bonheur, la chose est si rare et nécessaire: "l’union bancaire porte d’abord l’ambition de reprendre la main après trois décennies de dérégulation financière qui ont mené l’Europe au bord de l’abîme." Le ministre des finances, qui doit se faire pardonner une insuffisante loi bancaire en France même, a raison de se féliciter sur le mécanisme de résolution choisi - " en cas de difficulté, ce ne seront plus les contribuables, mais
désormais les créanciers et les actionnaires des banques qui seront les
premiers mis à contribution."
En réalité, cette solution est ... allemande. Car le gouvernement allemand a eu gain de cause sur ce point essentiel, le renflouement "privé" plutôt que public, via le MES. La France, comme l'Italie ou l'Espagne, défendaient une solution différente. Il était drôle, donc, de lire Pierre Moscovici se féliciter de cette réelle avancée.
Les bonnes critiques, et les autres
A gauche, certains critiquent l'insuffisance des garanties (55 milliards d'euros).
L'Humanité rappelle qu'il a fallut 178 milliards d'euros à Nicolas Sarkozy pour "dépanner". En fait, le gouvernement Sarkozy a simplement étendu la garantie de l'Etat aux banques nationales, pour protéger les dépôts inférieurs à 100.000 euros.
Le Parti de gauche commet la même erreur en expliquant que 55 milliards ne permettraient même pas de sauver les banques espagnoles. Il oublie un élément essentiel: les 55 milliards d'euros ne sont qu'une partie de la garantie. L'essentiel est le mécanisme de résolution adopté dans l'accord qui prévoit la contribution des actionnaires et des créanciers. Le vrai problème est ailleurs.
Le même parti affirme aussi que "le Trésor public de chaque pays demeurera l’ultime recours en cas de faillite bancaire", ce qui est toujours la possibilité ultime. Et il s'indigne: "Il sera donc possible de faire payer aux petits épargnants les fautes des fonds spéculatifs." On s'interroge sur le niveau auquel le PG définit les "petits épargnants". Rappelons que les dépôts inférieurs à 100.000 euros sont totalement épargnés et garantis.
Dans les colonnes de l'Humanité, on réclame une nationalisation pure et simple du secteur bancaire. Avec quel argent ?
Deux députés européens écologistes dénoncent un coup d'épée dans l'eau. Leur critique, plus précise que d'autres, porte sur la complexité du mécanisme décisionnel qui déclenche le renflouement (qui fait la part belle aux Etats contre la Commission européenne). Et ils accusent du coup le nouveau dispositif de vider de son importance le Mécanisme Européen de Stabilité - financé sur fonds publics. La "privatisation" des sauvetages (ou "bail in"), outre sa complexité, risque, d'après les auteurs, de renvoyer vers les seuls Etats la charge du sauvetage ultime. Ils sont rejoints par un observateur américain plus extérieur à la chose, interrogé par Jean Quatremer sur son blog: le contrôle de la BCE sur les banques européennes est bien "révolutionnaire". Mais cette BCE reste indépendante des gouvernements. Et la complexité de l'ensemble pose problème.
Joyeux Noël.