L’affaire, d’une extrême banalité, commence l’été 2012.
Vous allez comprendre avec ce petit retour sur les faits :
Olivier Laurelli, plus connu sur la Toile sous le pseudo Bluetouff, effectue des recherches sur Internet, via Google. Jusque-là, quoi de plus normal !
L’objet de ses recherches est la Syrie et le régime de Bachar al-Assad, le dictateur qui tyrannise et massacre sa population. Ce travail bénévole est effectué pour le site Reflets.info, sur lequel Bluetouff est journaliste.
Or, en surfant sur le Web, il découvre des documents relatifs à l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Les travaux des chercheurs sont effectivement en libre accès sur le Net, à son grand étonnement, certes. Cela est dû, comme le reconnaîtra plus tard l’Anses, à une défaillance technique.
Un des documents « trouvé » sera utilisé pour illustrer un article sur Reflets.info.
Et là, tout s’enchaîne : perquisition, garde à vue, saisie de son matériel informatique…
Bluetouff est ainsi poursuivi pour « accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données » et « vol » de documents. La peine encourue est de 3 ans de prison et 45000 euros d’amende. Le tribunal de Créteil aura vite compris que l’affaire n’a pas lieu d’exister et relaxe le journaliste-pirate. Par contre, le Ministère Public, lui, bizarrement, ne veut pas en rester là et fait appel !
Donc, mercredi 18 décembre, lors du procès en appel, il affronte ses juges … aussi ignares qu’incompétents en matière d’Internet !
Petit florilège d’absurdités relevées par Mediapart :
La magistrate chargée de rappeler les faits semblait même ne pas connaître Google, prononcé à la française « gogleu ».
« Vous ne vous souciez pas de savoir si vous alliez tuer toute la planète ? »
« La moitié des termes que j’ai entendus aujourd’hui, je ne les ai même pas compris », « Mes enfants, eux, pourraient très bien m’expliquer. »
Tout en admettant les failles de sécurité de l’Anses, le parquet de Paris ne peut s’empêcher d’avoir des doutes sur les intentions de Bluetouff, lui reprochant le fait que ses connaissances techniques pouvaient lui permettre de savoir qu’il s’aventurait sur un espace protégé ou, du moins, censé l’être. Et les documents qu’il a téléchargés (près de 8000 fichiers) et consultés étaient de ce fait confidentiels.
Pour son avocat, il s’agit ni plus ni moins qu’un acharnement judiciaire, en rapport avec les activités de son client sur la Toile, au sein du groupe Telecomix, notamment, et les révélations dérangeantes au sujet des relations entre la société française Amesys et le régime de Kadhafi.
Verdict très attendu le 5 février 2014.
Source : Mediapart, édition du 20 décembre 2013
Auteur : eKlipZ