Le pape dénonce l’abandon d’une « saine économie » Un article sur le blog du Monde transmis par Michel PRETOU

Publié le 23 décembre 2013 par Lino83

12 décembre 2013

Le pape dénonce l’abandon d’une « saine économie »

Le pape va-t-il une nouvelle fois être traité de « marxiste et de néo-socialiste » par les néo-cons américains ? Après son texte programmatique du 26 novembre, qui lui a valu ces accusations,  et dans lequel François dénonçait « la main invisible du marché » et « la culture du déchet », le pape renouvelle sa charge contre les méfaits de la crise financière dans son premier message pour la paix, publié jeudi 12 décembre et qui sera lu dans toutes les églises le 1er janvier.

Pour de nouveaux "modes de vie"

Intitulé La fraternité, fondement et route pour la paix, ce texte dénonce « les éthiques contemporaines caractérisées par un individualisme diffus, un égocentrisme et un consumérisme matérialiste, qui affaiblissent les liens sociaux, en alimentant cette mentalité du “ déchet ”, qui pousse au mépris ». "La succession des crises économiques doit nous amener à repenser nos modèles de développement économique et à changer nos modes de vie", exhorte-t-il donc en s'appuyant abondamment sur les textes de ses prédécesseurs et sur la doctrine sociale de l’Eglise, sans rupture sur le fond.

Selon le pape, « ces graves crises financières et économiques qui trouvent leur origine dans l’éloignement progressif de l’homme vis-à-vis de Dieu et la recherche avide des biens matériels » poussent de nombreuses personnes à « rechercher la satisfaction, le bonheur et la sécurité dans la consommation et dans le gain, au-delà de toute logique d’une saine économie ». S’en prenant aux très hauts revenus, il insiste donc sur la nécessité de mettre en œuvre « des politiques qui servent à atténuer une répartition inéquitable excessive du revenu ».

Les biens privés comme biens communs

A l’appui de sa démonstration, qui risque de lui attirer de nouvelles critiques de la part de certains milieux économiques, François livre un rapide rappel de la doctrine sociale de l’Eglise. « Nous ne devons pas oublier l’enseignement de l’Église sur ce qu’on appelle l’hypothèque sociale, sur la base de laquelle, comme le dit saint Thomas d’Aquin, il est permis et même nécessaire « que l’homme ait la propriété des biens » ; quant à l’usage, « il ne doit jamais tenir les choses qu’il possède comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes, en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui mais aussi aux autres » ».

Mais, si depuis son élection en mars, le pape se fait le porte-voix des pauvres, dénonçant sans relâche les inégalités économiques et sociales, ce positionnement ne fait pas de lui un "communiste", ainsi qu'il s'en est déjà défendu. Dans son exhortation apostolique de fin novembre, Evangelii Gaudium, le pape confirmait certes son « option préférentielle pour les pauvres », mais se démarquait une nouvelle fois des théologiens de la libération, jugés trop politiques et "marxisants" par l'Eglise. « Les pauvres sont les destinataires privilégiés de l'Evangile », insistait-il. Mais cette option est « théologique avant d'être culturelle, politique ou philosophique ». 

Dans son message pour la paix,  le pape François, dans la lignée de ses prédécesseurs, livre aussi un long catalogue des maux du monde, que seule « la fraternité » peut résoudre. Il s’inquiète des « graves atteintes aux droits humains fondamentaux, surtout au droit à la vie et à la liberté religieuse », du « tragique phénomène du trafic des êtres humains », de la « mondialisation de l’indifférence », du « drame déchirant de la drogue sur laquelle on s’enrichit dans le mépris des lois morales et civiles », de « la dévastation des ressources naturelles et de la pollution », de «la tragédie de l’exploitation dans le travail », des « trafics illicites d’argent comme la spéculation financière », de « la prostitution qui chaque jour fauche des victimes innocentes », de « l’abomination du trafic des êtres humains, des délits et abus contre les mineurs, de « l’esclavage », de « la tragédie souvent pas entendue des migrants sur lesquels on spécule indignement dans l’illégalité », des « conditions inhumaines de tant de prisons, où le détenu est souvent réduit à un état sous-humain », de « la persistance honteuse de la faim dans le monde ».

Au delà de la doctrine sociale de l'Eglise, le pape s'appuie aussi sur la théologie pour défendre l'idée que la « fraternité », gage de « paix et de justice » s’apprend « au sein de la famille", soulignant au passage "les  rôles responsables et complémentaires de tous ses membres, en particulier du père et de la mère ». Enfin, dans un contexte marqué par divers conflits qui mettent aux prises des groupes religieux à travers le monde, notamment en Centrafrique, le pape réitère la demande traditionnelle du Vatican pour « la non prolifération des armes et du désarmement de la part de tous, en commençant par le désarmement nucléaire et chimique ».

Stéphanie Le Bars