Laurence Vray © 2013
Dans la lutte qui oppose actuellement environ 400 Afghans et l’État belge, l’argument massue avancé par la Ministre en charge du dossier, Maggie De Block, est « De wet is de wet » (La loi, c’est la loi). Quelle loi ? On ne sait pas trop. Pourtant, qu’elle le veuille ou non, la situation concerne des citoyens d’un pays où « Oorlog is oorlog » (La guerre, c’est la guerre).
Qui sont ces Afghans ? Ils font partie des millions de réfugiés qui ont quitté ce pays en guerre. La plupart ont trouvé refuge en Iran ou au Pakistan. Ils ne sont que quelques milliers à être arrivés en Europe. Et quelques centaines en Belgique. Ils y sont depuis plusieurs années et la majorité d’entre eux sont « intégrés » : ils ont du travail, parlent flamand ou français, ont des enfants qui vont à l’école… Leur seul problème est qu’ils n’ont pas obtenu les papiers pour être en situation légale et que, depuis 2011, les expulsions ont recommencé.
L’Afghanistan est-il en guerre ? Cette question peut sembler absconde. Pourtant, elle est au cœur du problème. Si ces Afghans n’ont pas obtenu le statut de réfugiés, si certains sont renvoyés dans leur pays d’origine, c’est parce que la Ministre et le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) ont une réponse partiellement négative à la question. Pourtant, l’État belge est bien placé pour savoir ce qu’il en est puisque la Belgique intervient militairement en Afghanistan depuis plus de dix ans ! Cependant, les autorités ne tiennent pas compte du risque pour les minorités religieuses en Afghanistan. La Belgique a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour cette raison.
Que demandent les Afghans ? Simplement, un peu d’humanité. Ils estiment ne pas devoir être considérés comme « un problème migratoire », mais comme des civils venus d’une zone en conflit armé. Ils demandent naturellement une protection au gouvernement. Concrètement, un moratoire sur les expulsions des Afghans serait une première mesure qui permettrait un début de réponse à cette situation dramatique.
Serait-ce la porte ouverte à un nouvel afflux d’immigrés et de réfugiés ? C’est aussi un des arguments qui portent. Si on accordait la moindre ouverture aux revendications des Afghans, ce serait – soi-disant – donner un signal à tous les citoyens du monde qu’en Belgique on peut tout obtenir ! Ce raisonnement est évidemment absurde, mais il marque les esprits. Pourtant, ce n’est pas parce qu’on apporte une réponse ponctuelle à quelques centaines de personnes intégrées et issues d’un pays manifestement en guerre que cela signifierait que les frontières belges sont désormais des passoires !
Les Afghans ont-ils des chances d’obtenir gain de cause ? Malheureusement, vraisemblablement non. Le problème est que la Belgique politique est désormais en campagne électorale. Dans ce paysage, la position de Maggie De Block est une position de force. Elle apparaît pour beaucoup comme le dernier rempart à la montée des nationalistes de la NV-A. Chaque voix que Maggie De Block gagne – et il faut reconnaître qu’elle en gagnera sans doute beaucoup – est une voix de moins pour les nationalistes. Dans un gouvernement de coalition comme on en a inévitablement en Belgique, il est difficile de s’opposer – même pour un premier ministre socialiste – à cette évidence électorale. Or, c’est justement parce que Maggie De Block déclare « De wet is de wet » qu’elle est aussi bien perçue en Flandre (et sans doute ailleurs aussi). Le combat est donc sans doute perdu d’avance, comme le montre assez clairement le refus d’Elio di Rupo de rencontrer les marcheurs afghans qui l’attendent à Mons.
Aux dernières nouvelles, juste au moment du publier ce billet, j’apprends qu’une rencontre sera finalement organisée ce mardi à 11h à Bruxelles au cabinet de Maggie De Block avec Elio Di Rupo. Espérons que ce ne sera pas un dialogue de sourds, mais que le fond du problème sera discuté sereinement, avec un minimum d’humanité plutôt qu’un retranchement superficiel derrière cette loi qui a bon dos.