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Accord parfait sous la Pyramide

Publié le 09 juin 2013 par Morduedetheatre @_MDT_

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Critique du Cabaret Boris Vian, vu le 8 juin 2013 au Studio Théâtre

[ Avec Véronique Vella, Cécile Brune, Florence Viala, Françoise Gillard, Elsa Lepoivre, Serge Bagdassarian, Stéphane Varupenne et Jérémy Lopez, dirigés par Serge Bagdassarian ]

Quel plaisir de retrouver un de ces Cabarets que monte le Français chaque année. Cette fois, c'est autour d'un seul auteur que se focalise le spectacle ; je vous le donne en mille : Boris Vian, auteur-compositeur plutôt inconnu de moi, qui l'associais surtout à ses romans, comme L'Écume des Jours ou L'Arrache-Coeur. Pas forcément ma tasse de thé d'ailleurs, parfois trop original, mais qu'importe, j'ai confiance dans les Cabarets présentés à la Comédie-Française, et je trépignais d'impatience depuis plusieurs semaines. Impatience légitime, et récompensée ce soir par ces superbes comédiens.
L'idée vient de Serge Bagdassarian. Séduit par l'écriture de Vian, rapide, parfois drôle, ou encore excentrique, il a voulu monter le spectacle à l'image du style de l'auteur : pressé  d'écrire, pressé par la mort, et par l'envie de vivre. Cet empressement rend à merveille. Le seul bémol, c'est qu'à cause de cela, le spectacle passe peut-être trop vite ! J'aurais pu rester à les écouter pendant plusieurs heures encore.
Malgré cette rapidité, jamais vitesse et précipitation ne sont confondues. Tout est très bien ficelé, chaque détail est travaillé, chaque chanson parfaitement maîtrisée. Les comédiens comme les musiciens se donnent à fond et semblent prendre un réel plaisir à partager leurs chansons avec nous. On regrette peut-être la présence de ces énormes micros ... Micros, d'accord, mais on doit bien trouver quelque chose de moins voyant ? Enfin, ce n'est qu'un détail technique. On retrouve des comédiens-chanteurs que l'on connaît bien et qu'on apprécie déjà, et on en découvre de nouveaux ... Pour notre plus grand bonheur ! Sur tous les cabarets que j'ai vu pour l'instant, Cécile Brune n'en a manqué aucun, et pour cause ! Sa voix toujours aussi envoutante, son talent d'actrice indéniable, forment un mélange des plus délicieux. Ajoutons à cela son air sarcastique et moqueur, et elle était idéale pour interpréterUne bonne paire de claque. Les rires fusent, la réussite est totale ! Mais polyvalente, l'émotion est aussi au rendez-vous lorsqu'elle chanteNe te retourne pas, et j'en ai eu les larmes aux yeux. Toujours dans les voix connues, il y a Serge Bagdassarian, qui malheureusement n'a pas autant chanté que ce qu'on attendait, sûrement parce qu'il supervisait le spectacle. Mais sa voix, dont on sent une maîtrise parfaite, résonne merveilleusement dans le théâtre en entraînant les applaudissements. On sent la salle entière parcourue d'un frisson lorsqu'il entonneT'es à peindre
Il y a également ceux qu'on connaissait déjà un peu, et qu'on est heureux d'entendre à nouveau. Véronique Vella, que je n'avais encore jamais vue aux cabarets mais que j'ai entendue chez Meyer, dansLa Voix Humaineou encore dans René Guy Cadou. Pour qualifier cette actrice, j'utilise sans hésiter le mot "extraordinaire". Elle a une formation de chanteuse, et cela s'entend : elle entre en scène, et parvient à captiver la salle entière dès sa première note. C'est une ovation à la fin deMozart avec nous, qui, en plus de souligner le potentiel vocal de l'actrice, nous dévoile l'excellente comédienne qu'elle est. Car si elle a une voix particulièrement belle, ce n'est pas là son seul atout. Lorsqu'elle dit le poèmeJe voudrais pas crever, le silence est presque religieux. Elle vit le texte sur scène, avec une présence et une puissance remarquable, digne des plus grands. Elsa Lepoivre, qu'on découvre sur la scène d'un cabaret mais qu'on avait aussi déjà entendue à plusieurs reprises, excelle dans les chansons plus douces et émouvantes, commeBarcelonequ'elle interprète à merveille. Mais elle surprend aussi en chantant la Complainte du Progrès, en duo avec Stéphane Varupenne. Si la chanson est des plus connues de Vian, elle n'en reste pas moins sublimée par l'interprétation des deux acteurs. Leur ton sérieux, contrastant avec le côté décalé de la chanson, est excellent. Varupenne interprète égalementJ'suis snobavec le talent qu'on lui connaît bien, ce côté naturel et presque nonchalant qui le caractérise seyant parfaitement avec le personnage. Ajoutons que lorsqu'il ne chante pas, il est très souvent dans l'orchestre, tromboniste (et mon oreille attentive n'aurait pas su faire la différence entre son jeu et celui d'un tromboniste de profession).
Et il en reste trois, qu'on attendait beaucoup moins. Françoise Gillard, à la voix aussi menue qu'elle, et que j'ai senti un peu mal à l'aise dansSans Blague(mais il faut dire que la difficulté de la chanson est facilement audible). Je reproche à son interprétation deFais-moi mal, Johnny, bien que sans défaut, le ton choisi : si on a l'habitude d'entendre la chanson surjouée, elle est ici effleuré comme dans une boîte à musique, et le parti pris est pour moi moins intéressant. Néanmoins, sa voix reste toujours très agréable à écouter. De Florence Viala, je retiens surtout une chanson, en raison de sa beauté et de la douceur et du talent avec lequel elle l'a interpretée :Rue Watt. On est alors suspendu à ses lèvres, et la chanson coule plutôt doucement et très gracieusement. Mais elle change aisément de genre, ajoutant à la voix le talent du jeu dans J'coûte cher, où son côté traînant provoque les rires.  Et il y a Jérémy Lopez. Cet acteur qui ne cesse de nous surprendre dans toutes ses apparitions au Français, nous prouve une fois de plus sa virtuosité. Ouvrant brillamment le spectacle avec un Rock and Roll Mops endiablé, il excelle par la suite dans un tout autre registre. En effet, lorsqu'il nous raconte l'histoire du Gosse, la salle est comme scotchée, impressionnée par tant de génie à raconter une simple histoire. Débutant plutôt gaiement, elle évolue rapidement vers une fin sombre, et lorsqu'il mentionne un jeune garçon mis à mort sur le sol, l'émotion le gagne comme elle gagne la salle : l'histoire fait écho à un fait divers récent, et l'hommage est puissant (non intentionnel au départ, puisque l'événement date d'après la création du spectacle...). Comme pour ses partenaires, sa voix s'ajoute à son talent d'acteur, et j'ai rarement aussi bien entendu On n'est pas là pour se faire engueuler, qu'il interprétait avec brio, en duo avec Varupenne.

Ai-je besoin de résumer ? Dingue, superbe, magistral et brillant. Un moment de pur bonheur. ♥ 

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