un parti à la renverse!
Décidemment, avec la CFDT, il faut s’attendre à tout.
On avait déjà eu Nicole Notat, l’ex-secrétaire du syndicat qui s’était « recyclée » en devenant PDG de l’agence de notation Vigeo et en licenciant au passage la fondatrice de l’entreprise. Nicole Notat également membre du Groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe, médiatrice au sein de la SNCF, membre du conseil d’administration de la Coface, membre du conseil de surveillance du journal Le Monde, et aussi et même surtout présidente depuis 2011 du très peu démocratique et républicain club Le Siècle, le plus important et opaque groupe d’influence de l’oligarchie libérale à la française, un club de nantis et de « gens qui comptent » qui se réuni une fois par mois.
On avait eu ensuite son successeur à la tête du syndicat François Chérèque, fort heureusement nommé lui par Jean-Marc Ayrault au début de l’année 2013 inspecteur général des affaires sociales rattaché à l’IGAS en tant que « superviseur du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté ». Une mission qu’il prendra dès son entrée en fonction à bras le corps, et pour des résultats tout à fait spectaculaires… en ce qui le concerne : Chérèque touche en effet pour cette noble mission 7 257,55 euros net par mois. Mais Nicole Notat, il ne s’arrête pas là car il est aussi depuis la même époque le président du fameux think tank Terra Nova... et cumulard en diable, il est aussi depuis novembre 2013 le président de l’Agence du service civique, un comité théodule chargé d’encadrer le service civique des jeunes mis en place sous Nicolas Sarkozy, qui avait nommé à sa première présidence un autre opportuniste de concours, Martin Hirsh. Un poste rémunéré lui à hauteur de 9 200 euros net par mois. Chérèque gagne donc au grattage et au tirage. Et à moindre mesure il se pare d'être le président ( honorofique ) du comité de soutien du candidat P. Bédouret à Fontenay-sous-bois ( très dissident de l'union et qui ne cesse de brocarder le maire en oubiant de porter ces flèches sur le candidat de la droite Gildas Lecoq ) et d'en être sa plume pour quelques paragraphes de son programme municipal.
C’est aujourd’hui au tour d’Edouard Martin de passer par une reconversion et la reconnaissance d'un salaire y afférant. Le charismatique, très médiatique meneur CFDT de la révolte ouvrière des hauts-fourneaux Arcelor-Mittal de Gandrange et Florange, que l’on a vu ces derniers mois crier sa colère et son dégoût de la classe politique droite et gauche confondues sur tous les plateaux de télé de France, vient d’annoncer (toujours à la télé, évidemment ! Quand on est une star…) qu’il sera… candidat dans le Grand-Est pour le PS aux élections européennes de 2014 ! Candidat mais surtout tête de liste, seul moyen il est vrai d’assurer son élection dans ce qui pourrait bien être une déroute électorale pour le parti à la rose, repoussant au passage à la seconde place la hiérarque du Parti Catherine Trautmann qui l’a tout de même un peu mauvaise.
Et on peut le comprendre. Car un poste de député européen, c’est au bas mot 6 200 euros net de rémunération mensuelle, plus 4 300 € d’indemnités de frais généraux (toujours par mois), plus 300 € d’indemnité journalière de « subsistance » par jour de présence ! Un pactole financier, une reconversion professionnelle inespérée pour l’ancien sidérurgiste, qui fera sans doute chaud au cœur de ses anciens collègues.
En novembre 2012, Edouard Martin disait encore vouloir être « le pire cauchemar du gouvernement ». A la même époque, il traitait Jean‑Marc Ayrault de « traître » et jugeait Harlem Désir « plat à en mourir d’ennui ». Il ajoutait, désabusé en diable : « Je n’avais jamais pensé faire de la politique. Je porte sur elle un regard très critique. Tant de violence, tant de mauvaise foi ».
Mais tout ça, c’était donc « avant ». Avant que le « plat » Harlem Désir ne lui propose de rejoindre la grande famille socialiste. « Il a beaucoup insisté » précise innocemment Martin. Qui de son côté n’a pas longtemps résisté. Pas plus gêné que cela aux entournures syndicales, notre gaillard s’est empressé d’affirmer sur le plateau du journal de France 2 qu’il « ne renie rien de ce qu’il a fait ou dit », et que « le combat continue, pour l’industrie ». C’est beau comme de l’antique, on en pleurerait, tiens.
Toujours aussi déconnecté des réalités du terrain, croyant avoir réussi un joli coup médiatique, le PS s’est aussitôt déclaré « fier » de ce pathétique débauchage, supposé sans doute permettre de renouer contact avec une classe ouvrière partie depuis un moment grossir, et pour une très large partie d’entre elle comme on l’a dit plus haut, le rang des électeurs du Front National. « Je ne suis pas dupe. J’imagine que c’est dans cet esprit qu’ils ont pensé à moi » a d’ailleurs osé déclarer l’ami Martin, qu’une telle instrumentalisation n’empêche apparemment pas de dormir.
Mais patatras ! Les premières réactions au ralliement politique d’Edouard Martin sont catastrophiques. Sur les réseaux sociaux, c’est la curée. Colère, dégoût… le roi est nu, l’idole est à terre. « On ressent un certain malaise, on se sent vraiment trahis » a d’abord confié l’ancien secrétaire local de FO à Florange, Walter Broccoli, autre meneur médiatisé de la révolte des sidérurgistes d’Arcelor-Mittal. Avant d’ajouter, mardi sur Europe 1 : « On a l’impression d’être cocus. Il nous avait dit : je ne ferai jamais de la politique ». Il y a fort à parier que la cynique, l’obscène et supposée juteuse opération « réussie » par le Parti Socialiste ne tourne au final et encore un peu plus à la Bérézina électorale.
« Je ne suis pas dupe… ». Pas dupe, mais volontaire tout de même, donc, monsieur Martin. L’argent n’a définitivement pas d’odeur, même pour un ancien « héros de la cause ouvrière ». Surtout lorsqu’il vient de la CFDT. « Syndicat, caca » disait en son temps le regretté Coluche. Il disait également « on est cerné par les cons… mais on ne se rend pas à quel point ». Par les jaunes aussi, d’ailleurs… On ne prend jamais les comiques assez au sérieux.