A propos d’El Limpiador d’Adrián Saba
Adrián Du Bois, Victor Prada
Au pays des curiosités, El Limpiador (le nettoyeur) en est incontestablement une. Le premier long-métrage du jeune réalisateur péruvien Adrián Saba (il n’a que 25 ans) est une sorte de « conte réaliste » teinté de science-fiction.
Victor Prada
Dans une ville de Lima à moitié déserte et ravagée par un mystérieux fléau, une épidémie qui ne touche que les adultes, Eusebio (Víctor Prada) est un quinquagénaire solitaire chargé de déblayer les rues et les appartements jonchés de cadavres. Un jour, il découvre un enfant (Adrián Du Bois) caché dans un placard.
Obligé de le recueillir, l’homme s’attache de plus en plus à ce jeune inconnu (est-il vraiment orphelin ?) qui le lui rend bien. Entre eux se tissent des liens Père et Fils de plus en plus profonds. Une relation insoupçonnable au début du film, au regard du personnage d’Eusebio, de son caractère taiseux et taciturne, de la morne existence dans laquelle il s’est enfermé.
Avec une économie de moyens (aussi bien financiers que visuels), Adrián Saba parvient à instaurer une ambiance de science-fiction et de fin du monde que renforcent les compositions électroniques de Karin Zelinski. Baignant dans une lumière clair-obscur et une atmosphère sombre comme ces paysages et ces ciels gris, El Limpiador, au-delà de son allure fantastique, au-delà même des liens filiaux qui s’instaurent entre Eusebio et l’enfant qui s’attache à lui, est d’abord et avant tout le portrait d’un homme renfermé, replié sur lui au début du film mais qui va bientôt se rouvrir à la vie au contact de l’enfant et au moment même où, paradoxalement, c’est la mort qui vient le draguer et rôder autour de lui.
Derrière l’originalité d’un scénario qu’il a écrit lui-même, le film d’Adrián Saba porte bien les caractéristiques d’une mis en scène sobre et épurée, typique du continent sud-américain. Si les plans fixes sont légion dans El Limpiador, ils sont aussi caractéristiques d’un cinéma sud-américain qui les privilégie, de la Bolivie à l’Argentine en passant par l’Uruguay, le Chili et le Pérou. Les plans fixes ici ont un double emploi qui peut paraitre contradictoire. C’est-à-dire qu’ils servent à la fois à donner un aspect réaliste au film, à l’histoire et aux personnages tout en participant paradoxalement à la naissance, à l’éclosion ou à l’irruption de l’étrange et du fantastique, du merveilleux et de l’irrationnel, comme lorsque l’enfant se retrouve avec un carton sur la tête.
Avec un succès inégal, les plans fixes dans les films sud-américains servent souvent à décrire de manière tantôt réaliste tantôt burlesque une situation autour du quotidien triste, sordide voire misérable d’un personnage principal. C’est le cas dans Santiago 73, Post Mortem, de Pablo Larraín (on ne parle pas du contexte des histoires qui diffère) ou d’Octubre de Daniel et Diego Vidal, pour ne citer qu’eux.
Dans El Limpiador, la succession de plans fixes donnent au film un rythme très lent (comme quelques longueurs), aussi pesant que la solitude qu’éprouve Eusebio dont le quotidien triste, répétitif va être bouleversé par un évènement « extraordinaire « . Ce poids de la réalité au début du film va bientôt être remplacé par une forme de légèreté, d’ouverture au monde qui correspond à de grands questionnements pour Eussebio, une remise en question à travers laquelle il tente de garder les pieds sur Terre. Car malgré le bonheur qu’il ressent en recueillant et en s’occupant de cet enfant, Eusebio est tout sauf un rêveur halluciné. Il sait qu’il ne pourra pas garder pour lui l’enfant éternellement. Sage, prudent, il vit ce moment, qui coïncidera tragiquement avec la découverte de son infection, comme une parenthèse enchantée qui clôturera sa vie. Une dernière ligne droite aussi triste que jolie et éouvante. C’est bien connu, Les oiseaux vont mourir au Pérou…
http://www.youtube.com/watch?v=Nz5ryVjBvKs
Film péruvien d’Adrián Saba avec Víctor Prada, Adrián Du Bois, Miguel Iza (01 h 35)
Scénario d’Adrián Saba :
Mise en scène :
Acteurs :
Compositions de Karin Zelinski :