Une nouvelle fois la lecture d’une note d’un blogue qui donne le ton à la blogosphère parisienne me conduit à écrire une note que certains qualifieront de lacrymale ou de moralisante. Aujourd’hui c’est la Fête des Mères. Mon ami me fait remarquer que la Fête des Mères en Juin, c’est bizarre, et que normalement c’est en Mai, surtout que pour lui, en Espagne, el Dia de la Madre, c’est avant. Secret espoir, et si j’avais raté la Fête des Mères. Après tout, ce ne serait pas si grave, ma mère a désormais tellement perdu pied avec le temps, la notion de calendrier, la valeur des jours. Que veulent dire Fête des Mères, anniversaires ou Noël lorsque Alzheimer est passé pour tout gommer ? Bon, après vérification, c’est bien aujourd’hui. Il faut trouver quelque chose, je n’ai rien prévu, pas de cadeau. Entre le boulot et les législatives, la vie normale et le jardin passent un peu à l’as. Aujourd’hui à Fontenay-sous-bois, c’est la Fête de la Madelon. Vide grenier sur le trottoir, les greniers se vident, les saletés ressortent, les pépites surnagent. Après avoir vu une poupée transformiste sur le stand des Femmes solidaires du Val de Marne, une santone m’arrête. Pas terrible, ce n’est pas un Jouglas, mais bon tout de même, et puis avec Alzheimer, le goût de ma mère s’est transformé, affaibli, gommé comme elle. Va donc pour la santonne. Ma mère collectionne les santons, elle était plutôt « experte », avant. Les santons, les cigales, ça fait rigoler souvent, mais d’une part c’est notre « identité nationale » à moi et à ma famille, et d’autre part, surtout pour les cigales, il y a vraiment de très belles choses – je devrais un jour faire une note sur les vases Sicard ou sur Saint Jean du Désert ou Berty – et ces cigales, loin des colliers de nouilles de la Fête des Mères, ont même une cote à faire pâlir d’envie les vendeurs de souvenirs d’autres régions. Bref, j’emporte la santonne et la poupée de chiffon transformiste, camerounaise dans un sens, et libanaise si on lui retrousse sa jupe en la renversant ;-)
Aujourd’hui de toute façon, je devais passer chez mes parents pour installer la live box de mon père. En chemin, je me demande comment ma mère va me recevoir. Je sais qu’elle ne pense pas à la Fête des Mères, cette Fête dont tout le monde se fout, mais que toutes les mères, j’en suis sûr, attendent d’une certaine façon, vont-ils y penser? De mon côté, je me demande toujours quand je n’ai pas vu ma mère depuis quelques temps si elle me reconnaîtra. C’est étonnant de se poser cette question à propos de sa mère, mais aujourd’hui je me la pose. Elle me reconnaît et je lui tends le petit sac dans lequel j’ai glissé la santonne, avec un gros pompon doré paquet cadeau, j’en garde toujours dans un tiroir, pour faire un peu plus joli, un peu plus fête. C’est gagné, ma mère est heureuse, une santonne, comme elle est jolie. Je lui explique que c’est pour descendre à Gadagne - la vieille maison familiale près d’Avignon - avec le reste de sa collection, je luis dis que celles qu’elle a ici sont plus belles (des Jouglas) et suffisent. Mais non, elle aime sa nouvelle santonne. Elle est plus jolie que les autres. C’est toi qui me l’a donnée, c’est ça ? Oui, c’est moi, j’ai mis un post-il dessous, et j’ai écrit « de la part de Jean-Paul pour la Fête des Mères » pour que tu t’en souviennes. Ah oui, c’est bien, c’est écrit. Et pendant que je configure la live box, elle passe et repasse devant la commode et regarde la vieille comtadine de terre cuite avec ses dentelles et son pichet à la main. C’est toi, celle là. Les autres, je sais, mais celle-là. C’est bien toi ? Comme ça me fait plaisir !
Voilà, c’était la Fête des Mères. Il paraît que c’est Pétain qui l’a inventée. Travail, famille, patrie. Tant pis, on aurait dû y penser avant lui. Aujourd’hui, j’ai vécu ma plus belle Fête des Mères : ma mère me reconnaît encore !