Connu pour sa pratique du journal filmé, Joseph Morder a accepté de tester le cinéma réalisé avec un téléphone portable, à l'initiative du festival Pocket Films. En ressort J'aimerais partager le Printemps avec quelqu'un, oeuvre à forte tendance autobiographique, OFNI cinématographique aussi fascinant que déroutant.
La critique
Joseph Morder accepte l'invitation du festival Pocket films. Il va réaliser une oeuvre avec un téléphone portable. Dans un premier temps nous le suivons à la découverte de son nouveau jouet. Il teste les possibilités, s'amuse comme un gosse, réfléchit à son sujet...Le spectateur pour sa part a un peu peur : il faut avouer que l'image projetée sur l'écran n'est pas de toute beauté (très pixelisée) , que le son est atroce et que le sujet du film est flou. Et puis petit à petit on oublie tout. Le format "film réalisé avec téléphone portable" s'estompe au profit d'un portrait saisissant, celui du personnage Joseph Morder. Le réalisateur se met admirablement en scène et parvient à se rendre attachant. Un homme qui vieillit, un homme seul qui aimerait partager le printemps avec quelqu'un...
Tourné entre Février et Mai 2007, ce long métrage (le premier du genre a bénéficier d'une sortie en salles) témoigne de nombreux changements dans la vie du personnage Morder. Des dates anniversaires assez tristes, des voyages, un déménagement...Il marche, il se questionne, il parle de sa vie, de ses proches, de ses souvenirs, de cinéma. Et ainsi s'instaure un véritable dialogue avec le public. Morder donne, se donne au spectateur, l'invite à ses réflexions, cherche l'objet de son film en même temps qu'il semble se chercher lui-même. Et puis vient la rencontre fortuite sur le Pont des Arts avec Sasha, un jeune homme blond qui ne tarde pas à attirer l'attention du vieil homme en manque d'affection. Sascha va devenir son rêve, son compagnon idéal, son fantasme. Echange de numéros, attente d'un texto, d'un rendez-vous...Qui n'a jamais connu ça ? Ainsi J'aimerais partager le Printemps avec quelqu'un devient universel et nous habite tous. Et plus le film avance, et plus on y trouve le portrait d'un certain temps. Celui où Nicolas Sarkozy s'apprêtait à devenir président au grand damn de certains, celui où on rêve d'amour, celui où on cherche ses marques. Entre désillusions et espoirs, fantasmes et réalité, Joseph Morder nous perd un peu : on finit par se demander ce qui relève du domaine de la fiction et ce qui relève de la réalité. Le réalisateur préfère cultiver le mystère quant à ce qui est vrai ou non, et il a raison. Partager un printemps avec lui est un grand plaisir, une expérience à part et qui prouve que d'un côté le cinéma n'a de cesse de se réinventer. Même avec un téléphone portable, la force de l'écran, la magie du cinéma opèrent. Et on se sent moins seuls.