A Paris, on murmure dans les "cercles" que la réforme fiscale lancée par Jean-Marc Ayrault bat de l'aile. Il faut avouer qu'elle compte suffisamment d'opposants contradictoires. A gauche du PS, on n'y croit pas, ou souhaite franchement son échec. Le peu d'empressement à applaudir la démarche fut tristement prévisible, à l'exception de quelques voix, notamment syndicales. A droite, on est en rage. La récente réunion de réflexion pour le programme 2017 au siège de l'UMP, le 18 décembre, a confirmé le virage ultra-libéral de ce parti qui hier encore se croyait gaulliste. Au gouvernement, la grande remise à plat d'Ayrault fait grincer des dents chez Pierre Moscovici. A l'Elysée même, on nous répète que François Hollande n'y est pas favorable.
Depuis mai 2012, Pierre Moscovici, puisqu'il est le ministre responsable de ce sujet, a franchement gâché l'affaire: un sous-ministre fraudeur, des hausses d'impôts 2013 mal "vendues", puis, au sortir de l'été, il s'inquiète d'un ras-le-bol fiscal, lequel lui est revenu dans la figure, en grand, et de façon nationale quelques semaines plus tard. De couacs en bêtises, la politique fiscale du gouvernement s'est trouvée une nouvelle fois brouillée au point qu'il fallait une remise à plat, une révolution fiscale, appelez-la comme vous voulez. Seul comptera la résultat.
"Il n’y aura pas de pause fiscale pour les ménages en 2014" nous assurent les Echos. Le budget 2014 comprend très peu de hausses d'impôt, 3 milliards d'euros à peine.
En cumulant les effets en année pleine des hausses décidées les années précédentes, les impôts vont encore augmenter de plus de 10 milliards d’euros pour les ménages.
Il fallait faire le tri.
Impôts de riches...
Contre les cadres supérieurs, les plus riches, les gros propriétaires, celles et ceux qui payent plus de 10.000 euros d'impôt, la douloureuse est ce plafonnement fixe et définitif, à 10.000 euros par an (à trois ou quatre exceptions près), voté à l’automne 2012. Les mêmes protesteront contre l'alourdissement de la fiscalité des plus-values immobilières sur les terrains vierges, la réduction de trente à vingt-deux ans de la durée de rétention permettant une exonération totale d’impôt sur les cessions de biens immobiliers (hors résidence principale).
Il y avait une simplification cachée dans ce budget: la quasi-totalité des revenus du capital - plus-values comprises, se trouve soumise au barème de l'impôt sur le revenu. Jugez plutôt: au-delà de 2.000 euros (sic!), fiscalisation des intérêts et dividendes perçus en 2013 au barème de l’impôt sur le revenu. Tout comme les plus-values de valeurs mobilières (actions notamment), avec toutefois des abattements allant de 50 % (à partir de 2 ans de détention), jusqu’à 65 % (au delà de 8 ans), et 85 % pour les personnes qui investissent dans des PME de moins de dix ans.
Les heureux donateurs de contrats d’assurance-vie de plus de 700.000 euros (après abattement de 152.500 euros !) verront les droits de succession sur ces transmissions passer de 25 % à 31,25 %, modulo un abattement supplémentaire de 20 % sur l’assiette pour les contrats investis en actions, dans le secteur du logement et dans l’économie sociale et solidaire.
Côté ISF, la loi de finances 2014 rétablit un "mécanisme anti-optimisation" pour réintégrer les revenus des contrats d’assurance-vie dans la composition des revenus retenue pour la définition du plafond à 75 %. Ce dernier a permis le remboursement de 730 millions d’euros à 7.000 foyers en 2013.
... ou de pauvres
Pour les ménages modestes, on applaudit la réindexation du barème de l'impôt sur le revenu, la création d'une « décote » pour réduire ou annuler l’impôt sur le revenu à proximité des seuils d’imposition, ou la revalorisation du seuil de revenu fiscal de référence de 4 %. Ou le recentrage du crédit d’impôt développement durable (CIDD), qui permet de déduire une partie des travaux de rénovation.
Mais pour les modestes, et d'autres qui le sont moins mais qui ne sont pas riches, il y a d'autres efforts, des suppressions de niches fiscales qui font mal, comme l'imposition de la part patronale des contrats de santé collectifs
D'autres sont simplement injustes. Une gauche s'arrête sur la hausse de la TVA: de 19,6 à 20% pour le taux général, de 7 à 10% pour le taux intermédiaire. Pour les secteurs concurrentiels, elle sera absorbée sur les marges des entreprises. On pense à la restauration, dont la baisse de TVA avait été sacrément critiquée à l'époque. Pour d'autres secteurs, tels les transports publics, elle sera supportée, injustement, par les utilisateurs. A la faveur des débats parlementaires, quelques taux ont été réduits: logement social et travaux de rénovation des HLM (taux ramené de 10 % à 5,5 %), construction de logements intermédiaires (de 20 à 10 %), rénovation thermique des logements (de 10 à 5,5 %), tickets de cinéma (de 7% à 5,5 %).
Parmi ceux de la droite qui se croient "populaires", on argue aussi que la fiscalisation des heures supplémentaires, adoptée à l’été 2012 coûtera 500 euros de trop de plus.
Le second coup de rabot sur le quotient familial (de 2.300 à 2.000 euros par demi-part en 2013, puis à 1.500 euros en 2014) concerne 1,3 million de familles avec enfants.
Le gouvernement a osé touché une cible privilégiée de l'ancien Monarque, les seniors. Le bonus de 10 % sur les pensions qui bénéficiait aux 3,8 millions de retraités ayant eu trois enfants sera désormais fiscalisé.
Les sympathisants écologistes seront presque satisfaits d'une nouvelle taxe carbone, mise en place en 2014 pour le gaz naturel, le fuel lourd et le charbon, puis, en 2015, le gazole, l’essence et le fuel domestique.
Les propriétaires seront quand même heureux de la prolongation de l’éco-PTZ, ce prêt à taux zéro créé par Sarkozy, et destiné à financer des travaux de rénovation des logements anciens, reconduit jusqu’en 2015.
Crédit illustration.