Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
J'ai commencé dans le journalisme en devenant correspondant au Dauphiné Libéré, où je suis resté cinq ou six ans. Entre-temps, j'ai obtenu un DEA en Histoire puis je me suis mis à effectuer des piges dans des mensuels sportifs, avant de devenir correspondant à Aujourd'hui Sport et France Soir. En ce moment, je collabore à 20 minutes Grenoble et fais des piges au Monde.fr et à Pays émergents. Je suis également le créateur du site d'actualités sportives Gre-Sports, qui est devenu Métro-Sports au mois d'aout 2012. J'ai obtenu ma carte de presse en 2011, mais il devient compliqué de la renouveler car mon activité avec le site internet est considéré comme de l'auto-entrepreneuriat et non du journalisme par la commission.
Quelle est la structure qui fait fonctionner le site ?
Je fais environ 95% des articles. Il y a aussi trois autres rédacteurs et un vidéaste. La plupart sont des étudiants, qui souhaitent devenir journalistes.
C'est donc votre activité principale ?
Oui. Je fais des piges à côté, ce qui me permet de sortir un peu du sport, mais c'est aléatoire. J'ai décidé d'arrêter certaines collaborations, car je souhaitais travailler pour moi. Il y a moins d'argent à gagner mais c'est un choix.
Votre site internet vous permettrait à lui seul de vous faire vivre ?
A titre d'exemple, sur les trois derniers mois, je pense que je pourrais me dégager un salaire de 1000 euros. Je suis optimiste, j'ai de moins en moins le besoin de faire des piges à côté, mais c'est encore nécessaire pour le moment. Et puis, le site ne me coûte pas un centime à faire tourner.
Comment gagnez-vous de l'argent avec votre site web ?
Nous avons une sorte de régie pub, où l'on perçoit 4 centimes toutes les mille pages vues. Ce système ne rapporte rien. Le plus efficace est de passer des contrats lors d'évènements organisés par des clubs, des collectivités. Nous mettons à disposition des bannières visibles sur le site et nous assurons la mise en avant de la compétition. Le montant du contrat est d'environ 600 euros. 25% sont pour le site, 25% pour le rédacteur qui s'occupe du suivi de la compétition et 25% pour la personne qui trouve le contrat. Le reste, c'est pour les impôts.
Et les partenaires privés ?
Il y a quelques entreprises privées dans notre cercle de partenaire, mais c'est faible. Je cherche surtout à avoir des contrats annuels avec elles, afin d'éviter d'avoir à chercher de nouveaux contrats toutes les trois semaines.
Ce modèle est selon vous le plus efficace pour profiter d'internet ?
A l'heure actuelle, je pense que la meilleure solution est de diversifier ses sources de revenus. Il y avait un site web semblable au notre, Sport 26-07, qui payait ses rédacteurs qui avaient un statut professionnel. Ils ont tenté de mettre en place un système d'abonnement à 40 euros par mois. Ce fut un gros échec et le site a dû s'arrêter. Pour moi, la presse web doit rester quelque chose de gratuit pour le public. Un autre exemple a été choisi par le site Total Sport Live, qui privilégiait les gros partenariats car il avait beaucoup de dépenses en matériel. Il a dû en changer car il ne dégageait pas de bénéfices, et cherche maintenant des petits partenaires, plus nombreux, comme nous.
Comment est-ce qu'un site peut attirer les annonceurs ?
Par le trafic. Le plus important, c'est la visibilité. Proposer des choses que les autres n'ont pas, pour augmenter son audience. La présence sur les réseaux sociaux va aussi prendre de l'importance, mais je n'arrive pas encore à la vendre aux annonceurs. La chance que j'ai, c'est que le sport est un vecteur de communication beaucoup plus important que l'information générale. Après, je cherche à proposer des tarifs plus attractifs, pour attirer des annonceurs qui ne peuvent pas aller voir la presse écrite, par exemple.
Quel genre de public cherchez-vous à attirer sur votre site ?
J'essaie d'amener un nouveau public, qui serait attiré par du fond, par du contenu plus poussé. C'est pourquoi je tente plein de nouvelles choses. Pour le moment, une large partie de notre public se retrouve sur le site via les liens que l'on met sur des forums de sports. J'appelle ça un public assisté, car il n'a pas le réflexe d'aller directement sur le site. Il faut aller le chercher. Pour moi, le lecteur idéal est celui qui est là tous les jours.
Faut-il se diversifier en terme de contenu pour trouver de nouveaux visiteurs ?
Je crois moins à la vidéo et à l'audio sur internet. Il faut éviter de proposer quelque chose de trop long. Par exemple, une vidéo de dix minutes n'est pas regardée plus de sept minutes. Pour illustrer avec un exemple en sport, ce qui intéresse les gens dans les vidéos, c'est uniquement les buts. Si on décide de mettre une vidéo, il faut que ce soit pêchu et qualitatif. J'ai remarqué qu'il y a autant de visites entre une brève de trois lignes et un long papier de plusieurs feuillets. Après, ce n'est peut être pas le même lecteur.
Mettez-vous la même rigueur journalistique dans vos articles pour Métro-Sports que pour vos piges pour les autres médias ?
Je travaille plus qualitativement pour les autres que pour mon site. Le niveau de rémunération n'est pas le même, donc forcément … Je donne pour le moment la priorité aux demandes extérieures que l'on me fait. C'est aussi une façon de se crédibiliser. Grâce à ces employeurs, je peux également sortir du sport et faire des papiers sur la politique ou l'économie.
Seriez-vous prêt à quitter le journalisme web pour travailler en presse papier ?
J'ai déjà refusé quelques offres en presse papier sur Paris. Aujourd'hui, même si l'opportunité est belle, je ne suis pas sûr d'accepter. Vu le contexte économique de la presse papier, j'ai plus envie d'avoir mon truc à moi.
Justement, comment imaginez-vous la suite de votre carrière ?
A la base, j'ai plus une culture écrite que web, donc mon objectif est d'avoir un jour un support papier gratuit au site internet. Une sorte de supplément sport au journal municipal de Grenoble. Faire tourner Métro-Sports ne me coûte rien, donc je peux prendre mon temps pour me lancer dans cette aventure. Le problème du papier, c'est que les coûts de production sont importants. Il faut déjà avoir les reins solides pour se lancer, mais cela reste un objectif pour moi.