Monsieur le Président de la République,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés et les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs élus de la République,
c’est à nouveau cette période de l’année où les Français vont se retrouver en famille et partager quelques moments chaleureux, où les bêtisiers, pas toujours drôles, vont se succéder à la télé, terminés par celui du chef de l’État dans les dernières heures de 2013. Dans la convivialité de vos foyers, vous partagerez la chaleur et l’amitié, ainsi que quelques nourritures aussi spirituelles que terrestres, copieuses et roboratives.
Pendant ce temps, dans le froid et la pluie d’un hiver que nombreux pressentent rude, de nombreux sans-abris se retrouveront, dans le meilleur des cas, parqués dans les foyers d’accueil que les œuvres de charité peuvent leur offrir, et dans le pire, seuls, sur une bouche d’aération d’un métro bruyant aux odeurs putrides et grasses.
Mesdames et Messieurs, une charge vous a été conférée par la puissance et la détermination du vote de vos concitoyens. Par cette charge, vous vous êtes engagés à servir le bien commun, et, de par le fait même d’avoir été élus, vous avez promis à l’ensemble du peuple français l’exemplarité de votre comportement. En outre, vous avez tous, à un moment ou un autre, présenté un programme politique dans lequel on pouvait lire que vous vous engagiez, corps et âmes, à combattre la pauvreté, la misère et les inégalités dans ce pays que vous tenez en haute estime.
Ce Noël, la France connaît un taux de chômage comme elle n’en a jamais connu. Ses indicateurs économiques sont tous aussi catastrophiques les uns que les autres, et nous savons tous que les pieux mensonges que vous relayez sur les améliorations fantasmées de la croissance, de la balance commerciale, de l’emploi, de la qualité des soins ou de l’éducation du pays ne le sont que par l’immense pudeur que vous rassemblez pour atténuer la difficulté du moment présent, pour protéger les citoyens d’une réalité déplorable. Nous savons, aux trémolos réprimés de vos voix brisées par l’émotion, lorsque vous discourez sur les nécessaires réformes d’un pays dans une très mauvaise passe, que l’avenir aura sa part de sang et de larmes et que vous n’y pourrez rien.
Ce Noël, la France grince des dents, serre les poings et se recroqueville sur elle-même pour affronter la bourrasque qu’elle sait venir, terrible, froide et sans pitié. Nous savons tous que vous ferez l’impossible pour adoucir le choc.
Et pour cela, ce Noël, je vous demande de montrer l’étendue de votre engagement. Je vous exhorte à mettre en pratique les engagements que vous avez pris, maintes fois, par le passé, d’aider les autres, les plus faibles d’entre nous, les plus miséreux, les plus tristes, les plus sales, les plus seuls.
Monsieur le Président, l’Élysée est un grand palais aux nombreuses pièces correctement chauffées, qui sauront accueillir un nombre considérable de sans-domiciles fixes. Ouvrez les portes du palais ! Ouvrez les portes de votre cœur ! Laissez-vous déborder par la joie du partage et de l’ouverture aux autres ! Je sais qu’en vous, homme socialiste humaniste de valeurs, la notion de solidarité n’est pas un vain mot : je sais que vous accepterez d’ouvrir votre petite villa de Mougins dans laquelle vous ne résidez pas pour y accueillir, en amis, en hôtes charitables, ceux que la République a tant de mal à hisser dans le confort. Monsieur le Président, Léonarda et ses proches n’attendent qu’un geste de votre part : sûrement, la République que vous incarnez saura se montrer à la hauteur de son devoir de fraternité qu’elle a inscrit dans ses principes et sa devise fondatrice !Mesdames et messieurs les députés, les sénateurs, les élus, tous, vous avez, dans vos cantons, vos communes, vos agglomérations, des familles ballotées d’un foyer à l’autre, d’un abri de fortune à un pont malodorant et humide. Tous, vous avez vu ces sans-papiers, ces sans-abris, ces sans-travail qui tendent leur main vers vous, autant pour l’opulence que vous affichez (bien malgré vous) depuis les vitres fumées de vos voitures cocardées, que pour le pouvoir que vous avez de changer radicalement leur vie. Tous, vous connaissez l’état de ce pays que vous dites parcourir de jour comme de nuit, à la rencontre de ce peuple qui vous a élu, attendant de vous probité, abnégation et don de soi.
Mesdames et messieurs, vos appartements, fussent-ils de fonction, fussent-ils des HLM publics mais à prix résolument contenus, sont larges et bien chauffés. Pour mettre en accord vos intentions, pures et répétées, avec vos actes, droits et fraternels, je vous incite avec la plus grande force à recevoir, chez vous, pour une, deux ou plusieurs nuits froides de cette période de Noël, un SDF, un foyer de sans-papiers, une famille de Roms pourchassés par une police pas toujours tendre, pour leur offrir le gîte et le couvert.
Quel meilleur moyen de montrer à tous ces Français ce qu’est, vraiment, la fraternité ? Quelle meilleure méthode pour à la fois toucher du doigt la misère des autres, se synchroniser vraiment avec cette partie du peuple qu’on veut oublier le reste du temps ? Quelle meilleure idée pour faire participer la puissance publique à un élan de solidarité à nul autre pareil ? Et surtout, électoralement parlant, quelle meilleure démonstration peut-on trouver de la justesse de vos combats, de la probité de vos actions, de la beauté de vos gestes et de la profondeur de vos engagements ? Comment faire mieux que ces démonstrations par l’exemple de votre solidarité, de votre implication dans les problèmes de ce peuple qui vous a porté au pouvoir ?
Et surtout, quel meilleur usage des deniers de la République, qui tombent sur vos joufflus comptes en banque tous les mois, que de les utiliser pour apaiser, un peu, quelques heures, les souffrances du monde qui vous entoure et que vous vous êtes promis de combattre, pied à pied ?
Monsieur le Président de la République, mesdames et messieurs les ministres, les députés et les sénateurs, les élus de la République, je vous en conjure, montrez de quel bois solidaire vous vous chauffez et de quelle fraternité républicaine vous êtes faits ! Ouvrez les portes de vos confortables résidences pour la misère du monde qui n’attend qu’un peu de cette chaleur que vous distribuez d’habitude si facilement dans toutes vos politiques tant que c’est payé par les autres. Et vous verrez : tous vous remercieront comme il se doit.
Chiche ?
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