[Critique] BATES MOTEL – Saison 1

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Bates Motel

Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : Carlton Cuse, Kerry Ehrin, Anthony Cipriano
Réalisateurs : Tucker Gates, Paul Edwards, Johan Renck, David Straiton, SJ Clarkson, Ed Bianchi
Distribution : Freddie Highmore, Vera Farmiga, Max Thieriot, Olivia Cooke, Nicola Peltz, Nestor Carbonell, Mike Vogel, Keegan Connor Tracy, Ian Hart, Jere Burns…
Genre : Thriller/Drame/Adaptation
Diffusion en France : 13ème Rue
Nombre d’épisodes : 10

Le Pitch :
À la mort de son mari, Norma Bates décide de reprendre sa vie en main. Avec son fils de 17 ans, Norman, elle rachète un vieux motel dans une petite ville. Une acquisition qui attire sur la famille Bates la jalousie de l’ancien propriétaire, bien décidé à ne pas se laisser déposséder sans rien faire.
Norman, de son côté, se montre souvent absent et plus qu’à son tour bizarre. Introverti, il s’intègre néanmoins facilement à son nouvel environnement et voit en ce nouveau départ, une chance de trouver le bonheur, avec sa mère, dont il est très proche…

La Critique :
Quelle drôle d’idée de vouloir déterrer Norman Bates, le premier psycho-killer de l’histoire du cinéma, imaginé par l’écrivain Robert Bloch et popularisé par Alfred Hitchcock, dans le film culte Psychose. Après tout, Bates n’en a-t-il pas suffisamment bavé, au rythme des trois suites de Psychose, souvent plus que dispensables, que des producteurs opportunistes lancèrent dans le sillage du chef-d’œuvre de Sir Alfred (et cela, sans compter le téléfilm Bates Motel et le remake de Gus Van Sant qui reprenait plan par plan le film original) ?
Sur le papier, la série créée par Anthony Cipriano, Kerry Ehrin et Carlton Cuse (Cuse qui était par ailleurs derrière Lost) avait tout du pétard mouillé. Avec pour point de départ, la volonté de revenir sur la jeunesse de Norman Bates et donc de développer sa relation fusionnelle avec sa mère, le show se risquait à un exercice de voltige plutôt casse-gueule, qui allait le mettre en relation directe avec un des plus grands films jamais produits.
En ce sens, le premier épisode ne rassure pas spécialement puisqu’on retrouve Norman et sa matrone en plein dans les années 2000. Armés de leurs ordinateurs et de leur smartphone, ils évoluent néanmoins dans un décors vintage, en connexion directe avec les origines de la saga. Le motel n’a pas changé, mais offre le wifi. Pareil pour la baraque qui surplombe l’établissement, lugubre à souhait, mais elle aussi câblée pour permettre à ses occupants de jouir de la technologie moderne la plus avancée. Idem pour les fringues. Au lycée, Norman fait office de voyageur temporel, avec ses pulls d’un autre âge et sa coiffure bien entendu très proche de celle qu’arborait Anthony Perkins dans Psychose. Étrange donc de retrouver des personnages appartenant à un autre siècle et curieux de constater que finalement, la série n’est pas un préquel du film, mais bel et bien une sorte de reboot, qui pourrait servir pourquoi pas d’introduction luxueuse à un remake. L’avenir nous le dira, mais le point de départ a au moins le mérite d’être original…

Il faut donc faire un minimum d’effort pour croire aux intentions de Bates Motel avant de s’immerger pleinement. Des efforts qui seront proportionnels à votre attachement au film d’Hitchcock, la série pouvant tout à fait faire office de manœuvre scandaleuse aux yeux des fans les plus hardcore. Néanmoins, globalement, le jeu en vaut la chandelle.

Les promesses de Bates Motel sont aussi nombreuses qu’excitantes. Pourquoi et comment Norman Bates est-il devenu un assassin ? Quel rôle sa mère a joué dans le processus ? Autant de questions qui trouvent un début de réponse dans les dix épisodes de cette première saison de bonne facture.

Il y a d’abord les comédiens, tous très bons. À commencer par le duo vedette. Freddie Highmore fait un jeune Norman très convainquant. Avec son allure dégingandée et son visage poupin, l’acteur se coule dans un moule légendaire et fait d’emblée oublier le mignon petit garçon de Charlie et la Chocolaterie ou d’Arthur et les Minimoys. D’épisode en épisode, tandis que la maladie mentale qui le ronge, fait son chemin, Norman Mates murit, au diapason avec le meurtrier qui sommeille en lui, créant ainsi un malaise croissant chez le spectateur qui ne manquera pas de s’attacher à ce jeune garçon timide, en proie à tous les tourments de l’adolescence que la série aborde avec une sensibilité et une mesure appréciables.
En face, Vera Farmiga fait une Norma Bates assez remarquable. Sculpturale, à la fois vulnérable et effrayante, la comédienne est charismatique à souhait, insufflant à la série un mélange de glamour à l’ancienne et d’ambiguïté nécessaire à l’évolution du personnage. À eux deux, les comédiens dominent une distribution de bon goût, où on retrouve le Mike Vogel d’Under The Dome, la belle Nicola Peltz (bientôt dans Transformers 4), le ténébreux Max Thieriot, ou encore la douce et vulnérable Olivia Cooke. Une distribution qui suffit presque à elle seule à conférer à l’ensemble une ambiance prégnante, finalement assez proche de celle voulue par Hitchcock.

Intrigante, la série qui remonte aux origines de Norman Bates répond aussi aux codes inhérents aux drames adolescents, en exposant une intrigue amoureuse triangulaire. Une romance qui évite les violons trop guimauves pour mieux servir la construction psychologique de l’anti-héros pris entre plusieurs feux, directement responsable de l’aggravation de sa maladie criminelle.
En dix épisodes, Bates Motel parvient à apaiser les craintes initiales et éveille l’intérêt, en prenant soin de progresser suffisamment pour donner envie de connaître la suite. De retour en 2014, la série devrait monter en puissance, comme en témoigne l’ultime scène de ce premier acte. En attendant, à force de bonnes idées, d’une mise en scène efficace et inspirée et d’une photographie délicieusement sombre, Bates Motel a gagné sa légitimité. Et c’est déjà beaucoup !

@ Gilles Rolland