Les MOOCs vont-ils renouveler le corps enseignant ?
Publié le 22 décembre 2013 par Christophefaurie
Je participe à un débat concernant les MOOCs, dans un groupe
linkedin. Un participant soulève une question fondamentale :
cela va favoriser les meilleurs profs en exposant leurs
cours au plus grand nombre. Imaginons que je veuille devenir compétent sur la
théorie des jeux. C'est un sujet touffu, et si je veux le maîtriser il me faut
le meilleur enseignant possible qui me rendra accessibles les concepts les plus
importants et les implications pratique de cette théorie. Pourquoi devrais-je
me satisfaire d'un professeur dans la moyenne alors que quelque part je peux
profiter d'un cours au top qui me captivera et me fera progresser plus vite ?
Cela m’a plongé dans de profondes réflexions. Voici ce que je
lui ai répondu :
Les MOOCs vont-ils faire émerger les meilleurs professeurs ?
La question est intrigante. Ce que j’ai lu semble dire que ce qui émerge ce
sont des « stars ». Mais les stars sont-elles de bons professeurs ? Si je
considère ma propre expérience, je n’en suis pas convaincu. Voici quelques
éléments sur lesquels je me base.
Il y a une vingtaine d’années j’ai eu à animer un module de
dernière année de grande école de commerce. Deux jours à plein temps, juste
avant le dernier stage, et en concurrence avec un marteau piqueur. (J’en suis
sorti aphone !) Avant de démarrer, on m’a prévenu que les élèves allaient
disparaître au fur et à mesure du cours. Or, c’est l’inverse qui s’est produit.
Pourquoi ? Parce que j’ai fait un show. Mon objectif premier était de conserver
les élèves, et j’ai réussi.
Plus récemment, j’ai eu à examiner l’université d’entreprise
d’une grande société. Elle commandait des cours de gestion à HEC, ESSEC et
autres, mais n’en était pas contente. En revanche elle était enchantée des
cours de l’INSEAD. Or, si les participants en sortaient heureux, manifestement
ils n’avaient rien appris. La force de l’INSEAD est de faire un show.
Finalement, il y a quelques temps je me suis souvenu d'un
différend avec un professeur de troisième, que, par ailleurs, je ne pouvais pas
souffrir. Je dois avouer que c’est lui qui avait raison. Il m'a fallu presque
une existence pour comprendre son point de vue !
En multipliant les exemples, j’en arrive toujours à la même
idée : le bon enseignement se mesure à très long terme, souvent, initialement,
il est vu comme désagréable. Peut-être même qu'il doit frapper pour lancer une
réflexion qui durera une vie. (Un problème plus qu'une solution ?) Le risque
des MOOCs est d’installer une sélection naturelle qui fera émerger quelques
amuseurs publics.
Conclusion ? Ce qui précède ne veut pas dire qu’il ne faille pas de MOOCs, bien
sûr.
Mais il serait bien de se demander ce que l'on attend de l'enseignement. Qu'est
ce qu'un enseignement efficace ? Et d'expérimenter les MOOCs, pour en tirer ce
qu'ils ont de bon, sans s'y jeter à corps perdu.