Quand j’ouvre dans les choses la porte de mon moi :
qui me vole mon sang, mon être, ma réalité ?
Qui me pousse dans le vide
quand je respire ? Qui
est mon bourreau à l’intérieur de moi ?
Oh ! Temps. Visage multiple.
Visage multiplié par toi-même.
Sors des origines de la musique. Sors
de mes pleurs. Arrache ton masque moqueur.
Attends-moi que je t’embrasse, convulsive beauté.
Attends-moi aux portes de la mer. Attends-moi
dans la chose que j’aime éternellement.
*
Cuando abro en los objetos la puerta de mi mismo:
¿quién me roba la sangre, lo mío, lo real?
¿Quién me arroja al vacío
cuando respiro? ¿Quién
es mi verdugo adentro de mí mismo?
Oh Tiempo. Rostro múltiple.
Rostro multiplicado por ti mismo.
Sal desde los orígenes de la música. Sal
desde mi llanto. Arráncate la máscara riente.
Espérame a besarte, convulsiva belleza.
Espérame en la puerta del mar. Espérame
en el objeto que amo eternamente.
***
Gonzalo Rojas (1917-2011) – La misère de l’homme (La miseria del hombre, 1948) – Traduit de l’espagnol (Chili) par Fabienne Bradu