Mon compte Hotmail a été piraté.
Je commençais tout juste à mesurer l'amplitude des dégâts causés par cette connerie.
Perte de nombreux contacts, impossibilité de gérer mes commentaires ici, ratages en séries, courriels envoyés en mon nom mais qui ne sont pas de moi...aaaaaaaaargh...perte de temps.
Et je coupais du carton dans l'entrepôt de whisky dans la nuit. Dehors, il faisait froid mais pas trop. Pas trop pour moi. Juste comme j'aime.
Coupe du carton mon garçon, coupe.
C'est fou ce qu'on en coupe du carton dans la nuit dans mon entrepôt de whisky.
Me suis coupé un index, un pouce et un jean comme ça.
Pour être certain que les zombies que nous sommes travaillent, on nous met la radio dans l'entrepôt. Virgin radio, en direct d'un bar où un DJ fait danser des aussi zombies que nous. Eux dépensent, nous on gagnent des sous, et malgré cette différence, nous avons beaucoup en commun.
Sandy qui danse au Candy Nail Bar n'a peut-être pas dépensé autres choses que des calories sur la piste de danse. Insensible aux avances des gars qui avaient un goût de boeu'. Elles sont plusieurs je suis certain qui fréquentent les bars simplement comme exercice physique. Dansent, dansent, dansent, dans la nuit, et maigrissent sans trop s'en rendre compte.
Nous aussi on dépense en chien. On sue comme des porcs pendant 8 heures. On charge, décharge, monte, démonte, coupe, découpe. On voit pas le temps passer. Oiseaux de nuit, on a perdu la notion du temps. On est en apesanteur. Comme un danseur au rythme de la zizik sur une piste de danse.
La radio nous joue des beats qui sont moins de la musique que des mix de chansons, des bruits de machinerie lourde qui se mêlent aux bruits de nos "lifts" dans une tapisserie sonore annihilante. L'effet stroboscope commençait à gagner mon cerveau. J'avais des problèmes avec un courriel maintenant condamné, j'étais fatigué/crevé, il était 3h20 de la nuit, je n'en était qu'aux trois premières heures 20 de ma nuit de travail, mais pourtant, j'étais peu à peu gagné par le bonheur.
1-On m'avait signalé par le biais du grand patron de l'entrepôt qu'on aimait bien mon travail, un autre demi-boss m'avait demandé si j'avais appliqué pour un poste vacant en janvier, me laissant à nouveau croire qu'on me voulait avec eux pour plus longtemps que prévu.
2-On m'avait accordé les congés souhaités les 27 et 28 décembre prochains.
3-La belle Christina de la boulangerie, une ravissante hispanique qui me fait de l'oeil depuis le tout début avait encore gonflé mon ego davantage en m'offrant un sourire plein de dents bien senti.
Je sentais une relâche, une fatigue commune dans l'entrepôt. Tout le monde travaille si fort pour le sprint avant Noël, nous demandons à notre corps des efforts incroyables. C'est véritablement de l'entrainement physique pendant 8 heures, 5 jours par semaine. Déblayer mon entrée est maintenant un jeu d'enfant. J'ai joué au hockey et je n'ai senti aucun essoufflement. Je suis définitivement plus en forme que dans les 20 dernières années.
Mais là une fatigue généralisée rôdait. J'ai senti qu'il fallait donner un coup de barre. A commencé à la radio un autre rythme de laveuse/sécheuse. Telle un enfant énervé au coeur d'une piste de danse j'ai poussé, la bouche en forme de "o", en forme d'anus, un WHOOO! qui a fait rire tout le monde. Je me suis mis à me dandiner en travaillant mes caisses de whisky. Quelques sourires se sont allumés à gauche et à droite comme des lumières auraient allumé une rue trop sombre. Des collègues se dandinaient sur le rythme aussi. Puis, à la chanson suivante, je suis monté sur une caisse placée en milieu d'entrepôt et ai lâché un second WHOOO!plus long, la jambe encore dandidante, les hanches aussi maintenant, un cri plus convaincu aussi car j'avoue aimer cette chanson. Je n'étais pas le seul car trois collègues sont montés avec moi sur la caisse et se sont mis à danser aussi. Même Rick, le vieil écossais, toujours gris et maussade. Il était là à sourire comme si j'avais débarré la porte de son bonheur secret. Il dansait comme une saucisse.
La grand patron nous avait promis une bouteille de whisky de notre choix comme cadeau de noël à la fin de notre quart de travail. J'ai alors travesti le refrain en chantant "We're up all night to get whisky" ce qui a provoqué une seconde explosion de rire.
La belle Christina de la boulangerie est venue voir ce qui se passait, nous étions maintenant 6 ou 7 à danser comme des singes sur la caisse de whisky. Ceux qui se joignaient à nous dansaient maintenant autour de la caisse, faute d'espace. Nous avons continué sur le morceau suivant et (aidé par mon fils sans le savoir la veille) j'ai fait un parfaitement synchronisé jeu de bouche avec mes mains sur la portion finale (de 2:34 à 3:04) provoquant encore le délire chez mes nouveaux fans.
Nous devions être une douzaine à danser dans le joie quand un morceau est venu sceller tout ça. 12 mini version de Mick Jagger, l'horreur visuelle sans aucun doute, mais la folie dans la nuit, et à jeun malgré tout le whisky traînant autour. Christina, profitant de sa connaissance parfaite de l'autre Christina s'est mise à chanter à la perfection la partie de Miss Aguilera et est soudainement devenue le centre d'attention. Merveilleux, car j'en avais un peu assez de porter tout le fardeau de l'initiative spontanée. Toutefois, Christina, panthère en rut, s'est sentie investie de ME chanter la part d'Aguilera. Moi, masquant mon malaise derrière un sourire haut perché sur ma caisse de Rye. Tout le monde s'est mis à applaudir et à crier, avec Christina chantant à mes pieds, alertant du même coup le gérant qui dormait dans un bureau plus loin.
Le temps qu'il sorte, nous nous étions tous dispersés à gauche et à droite dans l'entrepôt, tel des fourmis exposées au déplacement d'une roche.
On s'est remis à charger, décharger, conduire des lifts, swingner discrètement de la jambe, couper du carton.
La belle Christina est venue me dire:
"Tou a oune belle énergie, Honterrrr"
Je lui ai souri de la bouche et de l'oeil.
On m'appelle maintenant Lord of the Rye dans le Vieux-Port la nuit.
I'm just dancin'
WHOOO!