Pour caricaturer, les entreprises sont asexuées: elles sont censées faire du profit sans se soucier de politique. Elles créent de la richesse et même de l’emploi, rendant ainsi service à l’Etat qui focalise sur ses résultats de croissance et de chômage.
En politique, il n’est pas rare de voir des artistes ou des personnalités soutenir clairement un candidat; mais on voit mal un patron donner des consignes de vote. Les exceptions existent, on parle de « patron de gauche » parce que c’est un objet inhabituel… (quoique !)
A l’opposé, les associations, et en particulier celles de défenses des droits sociaux de l’environnement, sont vues comme des « empêcheuses » de faire du business… et donc elle pénalisent les entreprises. Et l’Etat, beau joueur, utilise les subventions pour financer (acheter ?) des structures qui vont mettre des grains de sable dans la création de richesse monétaire… pourtant essentielle à l’accroissement de subventions.
Quand on y réfléchit bien, au nom de quoi, les chefs d’entreprise ne prennent-ils pas position sur les sujets de société, comme le font les politiques et les artistes ? A mon avis, la réponse est simple : ils ont peur que leur engagement nuise à leurs affaires.
Il y a aujourd’hui toute une littérature savante, notamment anglo-saxonne, que l’on peut résumer ainsi :
- Le secteur for-profit (les entreprises classiques) qui font du business, peu importe la couleur donc.
- Le secteur non-profit (les associations de défense) qui injectenet du « politique » dans le for-profit.
- Le secteur for-benefit (que l’on peut appeler économie sociale et solidaire ici) qui tente de dissoudre le clivage sus-cité, d’autant plus que les associations assument de plus en plus le vocabulaire marketing et les codes de la communication (Avaaz, ONG conseil…) et que les entreprises classiques donnent de plus en plus dans le social business, la RSE, le charity… (Danone, McDo…)
Avec du recul, je me suis dit : « pourquoi avons-nous pris parti contre cette autoroute, au nom de quoi, est-ce notre rôle ? » Et la réponse m’a sauté aux yeux. Même si nous ne sommes pas une association de défense, nous sommes sensibles à la bidoversité. Même si nous ne sommes pas des journalistes, nous avons une expertise… et une audience !
On n’est pas étanche voyez-vous ! Et on considère qu’une entreprise, surtout si elle se réclame citoyenne, est tout à fait légitime pour prendre position sur des sujets politiques. D’autant que, comme dirait l’autre, tout est politique.
Ainsi donc, si l’on revient sur cette autoroute Pau-Langon, c’est donc conformément aux prédictions des « illuminés » écologistes que l’infrastructure se révèle être un fiasco. Un flop ! Une déroute ! Que dis-je une déculottée !
Cet exemple devrait faire réfléchir tous ceux qui veulent nous vendre de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ou du réacteur EPR. Dénoncer ces futurs flops annoncés, ce n’est pas s’opposer à un gouvernement, à un parti ou à une petite équipe municipale. C’est s’opposer à une logique.
La même logique qui, au nom de la croissance et de l’emploi, n’ose pas interdire le chalutage profond, les OGM dans l’alimentation,les pesticides tueurs d’abeille… Etc
Quand en 2007 nous avions demandé si la SCOP eco-SAPIENS pouvait rejoindre l’Alliance pour la Planète, collectif d’ONG regroupées à l’occasion des élections présidentielles, il nous avait été signifié qu’en tant qu’entreprise, notre requête ne pouvait aboutir.
Les mentalités ont donc évolué, notamment grâce à toutes ces entreprises « citoyennes » ou ces entrepreneurs « sociaux ». Il n’est pas étonnant qu’à l’heure où le clivage droite/gauche soit de plus en plus abscons, le clivage marchand/associatif s’estompe. En espérant bien sûr que le marchand soit le moyen et l’associatif la finalité !