Peut-on dire qu’il existe des facteurs spécifiques au contexte Afrique qui doivent être pris en compte pour faire marcher une industrie du e-commerce. Ma réponse est oui et je m’en vais ici la partager.
Nous avons déjà établi que les paradigmes classiques du e-commerce tels que incarnés par les E-bay et Amazon avaient énormément du mal à se traduire en réalité dans les projets de e-commerce en Afrique. Des obstacles sérieux ont lessivé la plupart des projets. Nous avons aussi vu que certains projets ont réussi à fonctionner en sortant de ces paradigmes même si dans bien de cas, ils ne se sont jamais revendiqués être des projets de e-commerce. Il reste cependant vrai qu’en se dégageant d’un schéma classique, ces projets font émerger de nouveaux paradigme que l’on peut opérationnaliser et traduire en modèles d’affaires. Nous allons essayer d’en voir les plus déterminants.
La sécurité de l’espace physique
En réalité, dans les projets online, ce qui inquiète le marché africain, c’est l’insécurité, l’incertitude, le doute. La plupart des personnes ont peur de ce qu’i n’est qu’en ligne…parce que les histoires qui se sont mal passées se sont vite diffusées et ont accaparé la perception globale qui existe sur tout ce qui est transactions en ligne avec des acteurs locaux. La situation est bien sûr amenée à évoluer, mais en attendant, il faut clairement avoir ce facteur à l’esprit.
Les incidences de ce point sont nombreuses. Cela veut dire que :
- Un projet qui ne présente ses produits qu’en ligne a des chances d’avoir de la réticence ;
- Un projet qui ne permet qu’un paiement en ligne a des chances d’avoir de la réticence ;
- Un projet qui ne permet qu’une option d’achat en ligne a des chances d’avoir de la réticence ;
- Un projet qui ne permet qu’une option d’envoi en ligne a des chances d’avoir de la réticence ;
- Un projet qui ne permet que des interactions client/vendeur en ligne a des chances d’avoir de la réticence ;
Un projet qui ne rassemble que les facteurs énoncés plus haut…est déjà mort.
Il faut donc faire bouger les choses. Au minimum, intégrer quelques aspects physiques dans le projet électronique et imaginer qu’au moins quelques-unes de ces conditions sont remplies.
- Pourquoi pas un espace physique alter-ego de l’espace virtuel pour la présentation des produits ;
- Pourquoi pas un moyen de paiement physique alter-ego du moyen de paiement électronique ;
- Bref, pourquoi pas des solutions physiques alter-ego des solutions online.
Et je vais insister sur trois principales qui me semblent de nature à rassurer :
L’équivalence produit en ligne et produit électronique : Dans la plupart des projets de e-commerce que j’ai vu en Afrique, on utilise des images non contractuelles (des images du produit prises dans un autre contexte et qui ne représentent pas exactement le produit qui sera livré). Il faut faire attention à la désillusion et se rassurer que ce qui est présenté en virtuel est bien clairement équivalent à ce qui va se présenter en physique (éviter le raccourci qui consiste à dire, c’était juste pour illustrer parce qu’ailleurs, c’est ce qu’on fait souvent…)
La livraison de proximité : n’ayez pas peur d’une livraison qui va vers le client. Qui crée une relation physique entre le client et le projet. Cela peut s’organiser à condition de bien maitriser l’environnement d’exécution du projet.
L’interaction physique : N’hésitez pas à créer des conditions pour rencontrer les clients et échanger avec eux. Pour qu’ils sachent que physiquement, ils ne sont pas en face d’un ordinateur, mais d’êtres humains concrets à qui ils peuvent s’adresser.
Mais ceci n’est que le premier facteur.
Des prix et des produits novateurs
Nous avons également vu que la plus-value de plusieurs projets online était nulle. En effet que gagne-ton en achetant en ligne dans la plupart de nos projets ? Du temps ? De l’argent ? Des produits qu’on ne peut pas avoir ailleurs autrement ? Dans bien des cas, rien de tout ceci n’est vrai. On ne gagne pas du tout en temps (les livraisons ne font rien en gagner en temps…et l’énervement de ne pas avoir exactement ce qu’on croyait être en train d’acheter n’est en rien un gain de temps). On ne gagne pas en argent parce que ce qu’on achète souvent online, on peut bien souvent l’avoir bien moins cher dans des circuits physiques. Quant aux produits, on fait une erreur de calcul importante. Tout ce qui nous est proposé dans nos projets online, est bien souvent proposé en plus grande quantité dans le premier marché d’à côté. Il n’y a donc aucune raison de se taper une connexion internet souvent moche pour aller acheter chez un opérateur louche, des produits deux fois plus chers que ceux proposés par mon premier voisin.
Mais si on active un autre facteur, la donne devient complètement différente.
Pourquoi ne pas proposer des produits vraiment novateurs. Nouveaux, rares, ou du moins susceptibles d’attirer la convoitise des yeux. Allez, je vais oser aller loin. Proposez par exemple un godemichet en ligne ou un vibromasseur à un prix abordable en respectant le premier facteur que j’ai mentionné plus haut…Cela vous permet de proposer tous les autres produits que vous voulez tout en donnant une identité d’innovation, de rare, de « in » à votre projet. Proposez par exemple des tablettes à 50USD, (ça existe vous savez…) et vous êtes certain de faire la saturation. Au lieu d’aller forcément dans des produits de marque, allez surtout dans les produits de consommation. Misez sur la consommation plus que sur le luxe et défiez les vendeurs du marché avec vos prix. Vous allez me dire que c’est quelque chose de compliqué à faire et moi je vous réponds que c’est parce que nous optons pour la facilité que les projets meurent.
Ce deuxième facteur implique que nous soyons plus conséquents dans nos projets de e-commerce et notamment dans le travail pour définir les produits et les prix. Il exige que nous prenions le temps de voir les fournisseurs et les vendeurs les plus attractifs. Au besoin que nous allions les chercher là où ils sont cachés. Il implique aussi que nous allions vraiment trouver des produits auxquels les gens peuvent être sensibles, mais qu’ils ne peuvent pas avoir facilement. Mais surtout ce facteur exige que le premier facteur soit effectivement déjà intégré.
Gagner beaucoup en gagnant petit, sur le moyen terme et avec les autres
Nous n’avons déjà évoqué le fait que vous ne serez jamais millionnaire 24 heures après le lancement de votre projet de e-commerce…Même pas une semaine après…Même pas un mois après….Même pas trois mois après.
Ne cherchez pas à reproduire le miracle Mark Zuckenberg…D’ailleurs, ce n’est pas en cherchant à le reproduire qu’il en est arrivé là où il est. Il faut surtout mettre le cœur à faire bien et correctement. A rassurer, à faire découvrir aux gens, à inspirer la confiance. Ne partez pas sur le principe que ceux qui ne comprennent rien à votre affaire sont des idiots. C’est qui vous l’êtes si vous n’êtes pas comprendre de respecter leurs réticences. Offrez une belle interface web, faites attention aux soucis et aux demandes du client…ne vous laissez pas tourner la tête par votre idée…il faut que le marché soit séduit…et ce n’est pas au marché de vous séduire.
Par ailleurs, ne vous enfermez pas. On s’en fout que vous ayez eu l’idée du siècle…pour que votre projet de e-commerce marche, associez-vous à d’autres personnes. Trouvez la formule qui convient, mais associez-vous à d’autres : des fournisseurs, des vendeurs, des revendeurs, etc. Simplement en garantissant que chacune des personnes qui participent à ce projet n’entache pas la crédibilité du projet.
Bon, voilà quelques paradigmes pratiques pour réussir un projet de e-commerce. Il ne vous reste plus qu’à essayer.