L’une des aspects les plus incompréhensibles de la frénésie médiatique autour de la mort de l’ancien président sud africain Nelson Mandela, était le débat obsessionnel centré sur son appartenance ou non au mystérieux parti communiste de l’Afrique du Sud. L'était-il ou ne l'était-il pas? De toute façon, il n’a jamais semblé être un adepte du dénigrement du capitalisme, ayant probablement réalisé de manière intuitive que le communisme pouvait limiter les libertés de la masse aussi bien que celles des riches. Il est resté sceptique sur l’institution d’une guerre des classes. Ce qui est encore plus intéressant, et même pertinent aujourd’hui, est la relation difficile qu’il entretenait avec le capitalisme ou la perception qu’il avait de ce que le capitalisme pouvait être.
De toutes les inexactitudes et mythes qui entouraient l’ancien gouvernement de l’apartheid sud africain, le mensonge le plus persistant est qu’il était le pourvoyeur du capitalisme occidental moderne. Cette fausse conception provient en partie de la relation de méfiance, mais symbiotique, que le gouvernement de l’apartheid entretenait avec les établissements miniers anciennement détenus par les Anglais. En partie, il provient de son anticommunisme virulent. Dans un monde où, l’extrême gauche est prompte à qualifier toute activité anti-communiste de "capitaliste" cela marche très bien. Pour être juste, le gouvernement de l’apartheid a souffert de cette mauvaise conception qu’on avait de lui.
Mais ce serait un bien curieux pays capitaliste qui aurait encouragé le développement de monopoles nationaux au détriment des entreprises privées. Un pays capitaliste qui restreint l’activité bancaire, qui limite l’activité économique par des mesures géographiques, ethniques et autres mesures arbitraires. Un pays qui impose de lourdes taxes aux petits contribuables pour soutenir un système qui était aussi inefficace qu’injuste. Loin d’être capitaliste, dans le cœur, le système de l’apartheid était fasciste avec tous les traits du système "social démocrate" des années 30 en Allemagne et en Italie.
L’Afrique du sud dans laquelle je suis née à la veille des années 80 faisait face à des budgets records et des déficits dans la balance des paiements, aux coûts les plus élevés de l’énergie et de l’électricité dans le monde, à un ‘‘secteur privé’’ concentré et monopolistique. C’était un pays où la télévision a été introduite en 1976, plusieurs années après le reste du monde, à cause des restrictions gouvernementales. HF Verwoerd, le père de l’apartheid, assimilaient avec célébrité, la télévision à la bombe atomique dans toute sa capacité destructrice. Et même après son introduction, la télévision était fermement contrôlée à travers un seul diffuseur national.
Des quotas règlementaient les achats dans les magasins de même que les jours d’achat. Il y avait des contrôles de prix pour une gamme de produits allant de l’essence (gaz) au blé et au maïs. Le marché agricole était lourdement réglementé et les paysans étaient forcés de vendre leurs produits via des ‘‘coopératives’’ détenues par l’Etat. La presse étrangère soulignait régulièrement que le pays était ‘‘battu’’ ou ‘‘estropié’’ par les sanctions, mais en réalité tous les problèmes économiques provenait des politiques intérieures.
C’était cette version de ce soi-disant "capitalisme" qui attendait Mandela lorsqu’il est arrivé pour la première fois à Johannesburg en provenance des zones rurales à l’est du Cap pour travailler comme un gardien de site minier. C’est cette conception du ‘‘capitalisme’’ qui l’a obligé à fermer son cabinet d’avocats parce qu’il était situé dans un quartier réservé strictement aux blancs. C’est de cet environnement « capitaliste » qu’il a hérité lorsqu’à son arrivée au pouvoir il a trouvé un pays dans un état financier catastrophique. Il n’est pas étonnant qu’il se soit méfié du capitalisme parce que le capitalisme qu’il connaissait était une version abâtardie d’un marché qui était tout sauf libre. Un système qui était truqué au profit d’un petit nombre d’acteurs clés.
Malheureusement, cette vision du capitalisme, qu’on ferait mieux d’appeler ‘‘copinage’’, persiste dans l’Afrique du sud d’aujourd’hui dans les politiques de l’ANC.Les industries nationales ont été privatisées. Certaines privatisations ont été lancées sur les bourses nationales, mais dans la majorité des cas, des pans importants de l’économie, qu’ils soient privés ou publics ont été simplement remis à une nouvelle élite noire politiquement connectée. Et pendant que certains secteurs de l’économie étaient libéralisés et que la compétition a été introduite, le parti au pouvoir est toujours resté ambivalent par rapport au marché et plus particulièrement dans les secteurs ou la libéralisation était nécessaire pour assister les plus pauvres des pauvres, à savoir l’éducation et l’emploi.
Mandela célèbre pour ses discours, soulignait : "qu’il n y a pas de passion à se contenter d’une vie qui est inferieure à celle qu’on est capable de vivre’’. Ces paroles ne sont pas celles d’un communiste pur et dur. Avec optimisme, une nouvelle génération de sud africains sera capable de récolter les bénéfices d’un marché qui est libre et dans lequel les règles d’entrée sont justes. A tout le moins, ils apprennent (pour la seconde fois) qu’un gouvernement qui restreint la liberté économique est probablement incapable de sécuriser tout autre type de libertés.
Louise C. Bennetts is the associate director of financial regulation at the Cato Institute in Washington, D,C. Article initialement publié par le Cato Institute. Traduction Marius Nouza