Le 8 octobre 2013, Mikhaïl Kossenko est condamné à un internement psychiatrique forcé. Pour lui, c’est une étape de plus dans le calvaire qui a commencé le 6 mai 2012, alors qu’il manifestait à Moscou.
Mikhaïl a 38 ans. Amateur d’échecs, passionné d’histoire, il passe la moitié de son temps dans les bibliothèques, et dépense sa maigre pension d’invalidité dans les livres. A son retour du service militaire où brimades et humiliations étaient monnaie courante, on lui a diagnostiqué une schizophrénie légère. Depuis, il suit un traitement et, d’après ses médecins et sa sœur Ksenia, chez qui il vit, il n’a jamais représenté le moindre danger.
Le 6 mai 2012, Mikhaïl est sur la place Bolotnaïa à Moscou, à l’appel de plusieurs partis d’opposition dénonçant l’investiture de Vladimir Poutine pour un troisième mandat présidentiel. Ce jour-là, des dizaines de milliers de manifestants convergent vers la place.
Au mépris des accords passés avec les organisateurs, les forces de l’ordre ferment un des deux accès à la place, créant un goulot d’étranglement. Des violences éclatent entre des manifestants isolés et la police, qui réprime le rassemblement de manière brutale et aveugle, comme en témoignent les nombreuses scènes filmées : des manifestants sont tabassés, des centaines d’autres sont arrêtés au hasard et relâchés peu après. Mikhaïl est de ceux-là.
Le 7 juin à 21h30, la police perquisitionne le domicile de sa sœur, et emmène Mikhaïl au quartier général de la police à Moscou. Il est alors accusé, à l’instar d’autres manifestants de Bolotnaïa, d’avoir participé à des « émeutes de masse » et de violences contre des policiers.
Pendant sa détention préventive, Mikhaïl apprend à la télévision le décès de sa mère. Malgré l’insistance de ses avocats, il n’est pas autorisé à assister aux funérailles. Pire, les lettres que Ksenia lui écrit lui sont retournées par le service de censure de la prison. Ce n’est que lorsque le procès commence, dans la salle d’audience, qu’elle pourra le réconforter à travers le box des accusés.
Le procès contre Mikhaïl et onze des manifestants inculpés va durer des semaines. Pour les défenseurs des droits humains, il s’agit d’une mascarade sans fondement juridique, sans preuve apportée par l’accusation, et selon Ksenia, uniquement motivée par des considérations politiques « venant d’en haut ».
Amnesty International a pu assister aux audiences et consulter les dossiers d’accusation. L’organisation a acquis la certitude que Mikhaïl et au moins neuf des onze autres prévenus ont manifesté pacifiquement, et les considère comme des prisonniers d’opinion, qui doivent être immédiatement libérés.
Prisonniers de Bolotnaïa projetés sur l’ambassade de Russie, Paris décembre 2013 © Pierre-Yves Brunaud/ AI FranceLe 8 octobre, Mikhaïl Kossenko est condamné à un internement psychiatrique forcé de durée indéterminée sur la base d’une expertise ordonnée par l’accusation, sans contre-expertise indépendante. Un vrai retour à la pratique soviétique de la psychiatrie punitive visant à faire taire les dissidents en les internant. Alors qu’est prononcé ce nouveau déni de droit, à l’intérieur du tribunal, on peut entendre les soutiens de Mikhaïl crier : « liberté, liberté ».
Mais, alors que certains invoquent la possibilité que des prisonniers de Bolotnaïa soient amnistiés prochainement, Mikhaïl, lui, n’y aura pas droit : seul un panel d’experts pourrait le faire libérer. A sa sœur, il disait dernièrement : « Je suis dans cet hôpital, je vais suivre leur traitement stupide, pas de problème. Mais je serais tellement heureux que les autres soient libérés. Mon esprit serait tellement soulagé. »
Demandez sa libération, et celle des autres prisonniers de Bolotnaïa :http://www.10jourspoursigner.org/bolotnaia
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