Communiqué FNE
Un point relatif au cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) « Barèges-Gavarnie » a attiré l'attention des associations FNE Midi-Pyrénées et FNE Hautes-Pyrénées. Rappelons que cet AOC concerne les animaux nés, élevés et abattus sur les communes de la haute vallée des Gaves.
Il est notamment imposé dans son cahier des charges que :
"En estive, les animaux pâturent en liberté totale de jour comme de nuit afin de trouver l'alimentation nécessaire à leur croissance et engraissement. Au minimum une fois par semaine, l'éleveur effectue une surveillance du troupeau, soit de manière visuelle, soit par rassemblement des animaux. »
(Voir Pays Toy story, le dossier que la Buvette avait consacré à ce point précis du cahier des charges de l'AOP Barèges-Gavarnie Pays Toy Story)
Or, cette « liberté totale de jour comme de nuit » n'améliore en rien la qualité de la viande produite. Au contraire, elle augmente le risque de pertes accidentelles et de prédation comme l'illustre l'actualité. Plus largement, elle pose aussi la question d'une agriculture de montagne « dépeuplante » en s'écartant de pratiques traditionnelles.
Dans ce contexte, FNE a proposé au Député Jean Glavany de poser une question parlementaire au Ministre de l'agriculture. Cette question a été publiée le 11 juin 2013, page 5974
Source : FNE
Question parlementaire
Question N° : 28755 de M. Jean Glavany ( Socialiste, républicain et citoyen - Hautes-Pyrénées )
Question écrite au Ministre de l'Agriculture, agroalimentaire et forêt
La réponse de Stéphane Le Foll (publiée au JO le : 06/08/2013 page : 8401)
Le bénéfice de l'appellation d'origine est réservé aux produits pour lesquels il est démontré que la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains, dont les produits sont originaires. Le cahier des charges de cette appellation d'origine remplit cette condition.
En particulier, il souligne le respect des pratiques pastorales ancestrales mises en oeuvre collectivement par les éleveurs, qui s'effectuent en fonction des saisons en tenant compte du rythme biologique des animaux, ainsi que l'utilisation d'une race ovine locale, la barégeoise. La liberté accordée aux animaux en estive correspond au respect des usages en cours depuis le XIXe siècle et permet aux ovins de choisir leur pâturage, en termes de qualité et de temps d'alimentation, en fonction de leurs besoins. Le cahier des charges peut être modifié, sur proposition de l'INAO, à la demande de l'organisme de défense de l'AOC.
Source : Assemblée Nationale
L'imposture continue
par Gérard Bozzolo
Extrait de : AOC Barèges-Gavarnie : une imposture ou une belle aventure ?
"Dans la partie relative aux conditions techniques de production du système d’élevage, l’assertion de la conduite d’élevage en liberté durant l’estive, justifiant la qualité de la viande produite, résulte d’un fait d’opportunisme. Il entérine la facilité prise par les éleveurs de laisser leurs troupeaux sans surveillance étroite et régulière. En particulier, les moutons ne mangent pas habituellement la nuit, par contre, tirent avantage d’une forte activité de pâturage à la tombée de la nuit et tôt, au lever du soleil, lorsque les conditions météo sont propices et que la rosée n’est pas très abondante.
Or, cette mise en vacances des animaux sur les parcours d’altitude correspond à un laisser aller préjudiciable à la qualité fourragère des estives et constitue, aussi, un risque face aux pertes accidentelles, sanitaires et à la prédation.
L’origine du décor patrimonial dans les AOC repose souvent, dans sa dimension historique, sur un fond de chanson de geste que la connivence admet sans trop d’exigence de véracité pointilleuse au titre d’une certaine expression du folklore territorial. Dès lors que cet ingrédient se transforme en prérecquis incontournable dans la pratique d’élevage, le bon usage loyal et constant devient une épine conflictuelle qui oppose des divergences d’intérêts. C’est le cas de la cohabitation avec une espèce sauvage emblématique en danger sévère d’extinction : l’Ours des Pyrénées.
Le succès d’une AOC ne peut pas se bâtir sur l’éradication d’une telle espèce associée à la notoriété pyrénéenne, d’autant que techniquement, le libre pâturage et le non regroupement nocturne des moutons laissés sans surveillance, peuvent être sévèrement critiqués."
Analyse de la question et de la réponse
Dans "Rétrospective des actualités de l'ours en France en 2013", la Buvette écrivait que Philippe Martin éludait adroitement les questions qui gênent. Il n'est visiblement pas le seul, Stéphane Le Foll n'est pas manchot non plus.
par Marc Laffont
La réponse de Stéphane Le Foll est un bel exemple de tautologie (ou de truisme). Bref, un bel exemple de réponse de ministre en langue de bois massif.
La question interroge sur la pertinence de certains aspects du cahier des charges, et la réponse consiste à démontrer la pertinence des aspects de par leur présence dans le cahier des charges! Lequel a été élaboré sur la base d'aspects pertinents qui justifiaient la création d'un cahier des charges AOC.
Le plus intéressant, ce n'est pas la réponse, mais la question, émanant d'un ex-ministre de l'agriculture.
Au delà de la question des pertes et prédations, qui reste anecdotique du point de vue d'une non-rentabilité bien davantage liée à une faible productivité numérique qu'à la mortalité des brebis, Jean Glavany aborde en filigrane un point essentiel, mais pourtant peu médiatisé : Quel peut bien être, sur la durée, l'intérêt de maintenir une forme d'agriculture à grands coups de subventions si :
- elle produit peu.
- elle coûte cher
- elle génère peu d'emplois direct
- elle impose des pratiques qui vont à l'encontre d'autres engagements sur des territoires multi-fonctionnels (cohabitation homme/faune sauvage)
Subventionné pour subventionné, autant que ce soit pour créer des emplois
Les aides au gardiennage induit par la présence de grands prédateurs, c'est peut être de l'emploi para-public payé par de l'argent public, mais c'est déjà de l'emploi dans des zones où il n'est pas en excès.
Tandis que des subventions liées essentiellement à la détention de brebis, avec des objectifs de productivité très faibles (0,6 agneau/brebis/an dans le 09 et le 65), en éliminant l'emploi de berger, dont la présence est pourtant l'unique garant de l'usage du terme "pastoralisme", ça ne se traduit, comme le dit Jean Glavany, que par le développement "d'une agriculture dépeuplante". Et peu productive, ce qui, à un moment ou un autre, pose la question de sa pertinence, assez indépendamment de la question de l'ours.
C'est d'ailleurs cette raréfaction de la main d'œuvre humaine qui explique en partie les litiges avec les vautours : la disparition de la présence humaine lors des vêlages, couplée à l'augmentation des effectifs de races non rustiques sur les pentes, conduit à l'accroissement du nombre de vêlages à risques où interviennent promptement les vautours.
La brebis ou le désert humain disent les anti-ours ? Mais avec leur programme ce serait dans un premier temps la brebis ET le désert humain, ensuite plus de brebis du tout.
Alors que la cohabitation avec la grande faune, c'est l'Homme, l'ours, le vautour et la brebis. Durablement et conformément aux engagement législatifs de la France.
Une question qui enquiquine Jacques Béhague, le bouillant conseiller général du canton de Luz-Saint Sauveur dans les Hautes Pyrénées : "Après s’être attaqué à l’AOC / AOP mouton de Barèges-Gavarnie avec la complicité active du député Jean Glavany, les voici maintenant qui veulent introduire des ours." En pays Toy, la table est ouverte. Au menu? De l'agneau AOP a volonté et gratuit.