Au cours de la soirée anniversaire, le Président de la République a fait son
petit effet dans l’assistance en imaginant une réforme profonde de l’audiovisuel public… pour l’oublier quelques secondes plus tard.
François Hollande n’est pas rancunier. Avec l’autodérision, ce sont
deux qualités assez rares dont est pourvu l’actuel Président de la République. Le mardi 17 décembre 2013, François Hollande est venu en effet
célébrer le 50e anniversaire de la Maison de la Radio. Il a préféré oublier que c’était France
Info, l’une des grandes stations de Radio France, qui avait lâché la première le 4 décembre 2013 l’information de son opération bénigne de février 2011. Une célébration qui aurait pu d’ailleurs
être annulée en raison d’un préavis de grève qui, heureusement, a pu être levé à temps pour ne pas gâcher les festivités.
Le 14 décembre 1963, le Général De Gaulle, accompagné de son célèbre Ministre de la Culture André Malraux, inaugurait la Maison de la Radio qui s’appelait à
l’origine "Maison de la Radio-Télévision" et qui s’appelle officiellement maintenant "Maison de Radio France". Dans le studio 102, homme de radio, De Gaulle se demandait, en y répondant
positivement : « À tant d’idées, de mots, d’images, de sons lancés sur les ondes merveilleuses… fallait-il une maison ? ».
Marchant sur ces traces historiques, François Hollande s’est cependant bien gardé d’imiter son illustre prédécesseur. C’était la première fois depuis un demi-siècle qu’un Président de la
République est revenu dans ces lieux.
Après avoir visité les premiers bâtiments déjà rénovés, notamment la tour centrale (l’ensemble, qui constitue
le chantier le plus grand de Paris, ne sera terminé que dans trois ans : « Je m’y prépare » a dit en souriant François Hollande en
oubliant que son mandat ne sera de toute façon pas encore terminé à ce moment-là), François Hollande a participé à une soirée exceptionnelle dans la Salle Olivier Messiaen (studio 104), premier
spectacle depuis la rénovation de cette salle d’environ sept cents places. Un auditorium est aussi en construction qui accueillera mille quatre cents places, ce qui amènera les deux orchestres de
Radio France à se produire chez eux (au lieu de la Salle Pleyel, du Théâtre des Champs-Élysées et du Châtelet).
C’est Jean-Luc Hees,
président de Radio France et dont le mandat se terminera en mai 2014 (son éventuelle reconduction ou le nom de son successeur devrait être connu le 7 mars 2014, désigné par le CSA), qui a
introduit le Président de la République, très applaudi lorsqu’il a fait son entrée sur la scène.
Dans un discours d’une vingtaine de minutes, François Hollande semblait très heureux, c’était visiblement un
exercice de détente pour lui et de réconfort. Dans le public, beaucoup de journalistes, d’animateurs de radio, de ministres et d’anciens ministres, en particulier, Aurélie Filippetti, Najat Vallaud-Belkacem, Élisabeth Guigou, Jack Lang, le président du CSA, Olivier Schrameck, les directeurs de stations, comme Philippe Val et Olivier Poivre d’Arvor, etc.
Lisant peu son texte, François Hollande s’est porté à évoquer ses souvenirs de jeunesses, son grand-père qui
écoutait avec assiduité le "Jeu des 1 000 francs" (au début, c’était le jeu des 100 000 francs), et aussi les émissions de variété, comme celles de José Arthur (présent dans la salle),
ou encore "L’Oreille en coin" et "Le Tribunal des flagrants délires" dont l’impertinence n’était pas très aisée (et pourtant, la réalité est qu’il y avait beaucoup moins d’autocensure à
l’époque : l’humour de Pierre Desproges serait moins bien admis maintenant).
Il a également raconté sa première "radio", dans le journal de 13 heures sur France Inter, alors que, jeune
député, il s’était perdu dans les dédales de la Maison de la Radio (dont la structure circulaire a de quoi troubler et inquiéter le visiteur pour s’orienter).
Mais il n’a pas fait que raconter son passé. Il a rendu hommage à un animateur fétiche de France Inter,
Jean-Louis Foulquier (disparu le 10 décembre 2013), ainsi qu’aux deux journalistes de RFI assassinés le 2 novembre 2013 à Kidal, au Mali (bien que
RFI ne fasse pas partie de l’ensemble des radios de Radio France).
Il a également évoqué ce grand bâtiment "rond" qui allait faire entrer la lumière, phrase imagée pour parler
de la volonté de Radio France de s’ouvrir au public lorsque la rénovation sera achevée : certains bâtiments seront en effet accessibles à tout le monde (à l’instar de bâtiments comme le
Centre national de la Danse à Pantin) avec également un parking public (payant) qui ne sera donc pas réservé aux seuls salariés de Radio France.
Revenant sur un terrain plus politique, François Hollande a loué le service public de l’audiovisuel :
« C’est une exigence, la rigueur dans la restitution, c’est l’indépendance, l’indépendance par rapport aux forces économiques, par rapport aussi aux
pressions politiques, il y en a toujours. ».
Mais il a surtout étonné en faisant l’apologie de …l’ancienne ORTF ! Effectivement, François Hollande a
affirmé « la nécessité d’un grand service public de la radio, de la télévision » pour s’aventurer sur des chemins escarpés :
« Parmi les mutations possibles, nous pourrions imaginer que France Télévisions et Radio France puissent rassembler leurs contenus dans un grand
service public audiovisuel… ».
Quelques secondes d’arrêt : soudain les auditeurs ont écarquillé leurs yeux. Y aurait-il ce soir-là l’annonce d’un bouleversement complet du
paysage audiovisuel public ? Mais François Hollande a poursuivi avec légèreté, souriant de l’effet qu’il avait provoqué, et rassurant son public ; ce n’était qu’une idée en l’air :
« Mais là, je m’aventure peut-être. Je préfère ne pas trancher, car Radio France, c’est la liberté, liberté d’expression pour les journalistes,
liberté de création pour les producteurs, les animateurs, liberté d’imagination. ». Pas d’excès d’audace dans ce domaine, donc.
Pas de tension non plus, égal à lui-même, avec beaucoup d’humour potache, n’hésitant pas à rire de lui-même, notamment quand il dit écouter France
Inter le matin avec une certaine appréhension, à 6h30 puis à 7h00, c’est confirmé (la mauvaise nouvelle), puis 7h30, ça se développe, et il assure arrêter d’écouter les journaux après 8h00.
François Hollande est resté quelques minutes pour assister au début du spectacle qui a suivi (puis il s’est éclipsé à la première occasion, entre deux prestations).
Pendant toute la durée du discours présidentiel, derrière le Président, se tenaient debout, parfois très intimidés, les enfants de la Maîtrise de
Radio France, dont certains proviennent de collèges défavorisés (de Bondy) et sont devenus des éléments moteurs dans les classes.
Dirigés par Sofi Jeannin, ces jeunes chanteurs ont interprété, juste après l’intervention de François Hollande, trois "Chansons de bord" (1954)
composées par Henri Dutilleux, l'ancien doyen des compositeurs français qui vient de disparaître à 97
ans le 22 mai 2013.
Après un récital d’Agnes Obel, l’Orchestre National de France dirigé par Jean-Claude Casadesus a interprété
"Stabat Mater" (1951) de Francis Poulenc (1899-1963) et "L’Oiseau de feu" (1910) d’Igor Stravinsky (1882-1971).
Enfin, la soirée s’est achevée par un récital d’Eddy Mitchell qui a chanté, notamment, comme un clin d’œil à
l’ancien dirigeant du Parti socialiste, "Le Cimetière des éléphants"… avec l’accompagnement des nombreux musiciens de l’Orchestre National de France.
Cela fait cinquante ans que la radio publique française trône devant la Seine, en face de Beaugrenelle, à
quelques encablure de la Tour Eiffel, pas très loin de France Télévisions, de TF1 et de Canal Plus… et s’adaptant au monde du numérique et de l’Internet, c’est aussi le premier site de
téléchargement de podcast.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (19 décembre
2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Jean-Luc Hees.
Philippe Val.
Jean-Paul Cluzel.
Jacqueline Baudrier.
Stéphane Guillon.
François Hollande.
Aurélie Filippetti.