Plusieurs années renfermées entre quatre murs avec une meute de loups affamés nous rendent semblables à eux. Sans même m’en rendre compte, j’ai des canines de loup très aiguisées qui sont sorties à travers mes gencives. Pas étonnant de voir les jolies créatures (temps d’une paix) courir dans le sens opposé d’où je viens. Dur, dur, dur pour l’égo (maudit que vous pensez mal). J’ai dû ajuster mon tir et j’avoue que ma précision reste encore si floue que je n’arrive pas à faire mouche la majorité du temps (je sais, un peu macho sur les bords). J’ai espoir que j’arriverai un jour à décortiquer le langage corporel et même verbal des femmes, et ce, avant ma mort.
Sexualité en prison
Si je suis arrivé à maitriser relativement bien les relations interdites au pénitencier, c’est tout le contraire qui s’est produit lorsque tout m’est devenu permis. On dirait que le fait que les caméras ont cessé de me surveiller… ma libido est devenu un peu moins grandiose. Qui sait? J’ai 46 ans et le nombre de distractions qui est décuplé lorsqu’on est libre dilue ces envies charnelles sur lesquelles j’avais tant fantasmé.
Donc, me revoilà désabusé, la chose qui paraissait aussi facile s’avère d’une complexité désarmante, déroutante. Un gigantesque sourire peut seulement vouloir dire qu’on nous trouve pas mal «tarlais» (idiot) ou distrayant, mais de là à poser une main sur le même matelas… il y a toute une literie qui nous sépare.
J’ai beau regarder les autres pour saisir la technique, cela ne me renseigne pas plus. Il me manque trop souvent de temps et de proximité pour bien évaluer leur approche. Qui sait? Les demoiselles détectent possiblement trop aisément ma volonté d’une relation sexuelle sans engagement? Je ressens parfois que seul le sexe pourrait me permettre d’évacuer ce trop-plein de tendresse qui sommeille en moi. Je dois faire fausse route, mon envie d’aimer dépasse ma capacité de raisonner ce qui me transforme en sorte de «bibitte» nuisible. Cette attente aussi longue me rend d’une impatiente presque animale.
Domination sexuelle
Dans mon lugubre passé, il manque cruellement d’exemples sains à suivre pour atteindre une relation sereine et surtout apaisante. Au pénitencier, les couples, si on peut les décrire ainsi, basent leurs relations sur la domination totale (domination ou exploitation pure et simple). Parfois, un énorme endettement transformera un jeune en gonzesse pour un trafiquant de drogue. Voilà à quoi ressemblent mes références, incarcéré à 19 ans et libéré à 46 ans. Non pas parce que j’étais le plus dangereux, mais parce qu’une aussi longue période de séquestration occasionne de sérieuses séquelles. Personne ne sort de là indemne, moi le premier. Incapable de combler mes aspirations, je me suis laissé tenter par les sites pornos et, par la suite, par les agences de rencontre sur le net.
Si l’exploration s’est avérée excitante au tout début, on réalise rapidement que le côté magique n’existe plus. Le plaisir de découvrir, d’apprivoiser est devenu secondaire… L’attente qui alimentait l’excitation n’est plus. C’est maintenant de l’instantané uniquement. Ce qui me fait réaliser que j’ai toujours été un grand naïf hyperromantique et que cela n’a plus sa place. Comme les machos Camaro ou les hommes roses, la culture s’est tellement transformée que je ne sais vraiment plus où donner de la tête. En sommes-nous tous rendus là où personne ne voulait aller… une société jetable: briquets, appareils photo, crayons, téléphones et maintenant même les relations affectives!
Je n’aime vraiment pas ça. Je ne me sens plus à ma place la plupart du temps. La peur d’indisposer en vient à me faire sentir de trop. Les femmes, de plus en plus autonomes économiquement, développent ce que nous les hommes avions avant elles: une insouciance, une prétention et une nonchalance qui frôlent parfois le mépris dans les échanges. Est-ce qu’on pourrait appeler cela une période d’acculturation, un moment de réajustement où tout le monde ne sait plus sur quel pied danser?
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