Il est plus que temps, je pense, que je cloture enfin ma trilogie des comédies françaises réussies (à moins que Casse tête chinois que je devrais voir très bientôt ne la transforme en quadrilogie), entamée avec "Neuf mois ferme" et "Quai D'orsay," et je la cloture avec une comédie, qui incontestablement, se situe encore un cran au dessus des deux autres.
Je veux bien évidemment parler du fameux film " Les garcons et Guillaume à table", que j'ai pu voir grâce à Dame skarlette que je remercie énormément.
Car évidemment, j'avais très envie de le voir, ce film dont tout le monde parle depuis le festival de Cannes, cette adaptation par Guillaume Galienne de sa pièce de théâtre qui avait triomphé un peu partout, que je n'avais pas pu voir à mon grand regret (il était pourtant passé au théâtre de la Croix Rousse, à 5 mns de chez moi et je me suis rattrapé sur le texte réédité à l'occasion de la sortie du film) mais dont j'étais sur qu'elle me plairait tant le sujet pouvait me parler plus que de raison.
Car, même si je n'ai pas été élévé comme Guillaume Galienne en ayant le sentiment d'être une fille (merci papa et maman), j'ai pu quand même éprouver une partie des memes questionnements que lui. Ces questionnements qui traversent les gosses qui n'ont pas forcément les mêmes centres d'interet et les mêmes façons de se comporter que tous les mecs plein de testostérones qui les entourent (et d'ailleurs, pas plus tard qu'hier, mon quotidien préféré Libération consacrait une pleine page à ces garçons qui ne sont pas des parangons de virilité mais qui ne sont pas homosexuels pour autant, un sujet dont on ne parlait pas avant le film de Guillaume un grand merci aussi pour ça à lui).
Car, à l'instar de Guillaume, je dois avouer que le rugby et la piscine notamment étaient pour moi des grands moments de souffrance, comme lui, j'ai tout fait pour éviter le service militaire qui était ma sainte terreur depuis que j'ai eu 8 ans, et comme lui, j'avais en fait tendance à me complexer devant le moindre mec un peu mieux bati que moi ( bref, tous les mecs...ou presque!!)
C'est peu de dire que Ce "les garçons et Guillaume à table" ne pouvait que me parler, et forcément les questions que Guillaume Galienne posent dans son film m'ont forcément interpellé, que ce soient celles, oh combien fondamentales, de l'inné face à l'acquis, du rôle à jouer dans la société quand celui qui nous est dévolu ne semble pas taillé pour nous, et surtout celle de l’influence des parents sur le développement de l’enfant.
Grâce à une écriture fine et parfaitement ciselée, Galienne nous montre en effet parfaitement comment des relations « mère-fils » peuvent engendrer le doute et la confusion dans l’esprit d’un enfant, puis d'un adolescent, au point de lui faire croire que de toute évidence, il ne peut être que différent de ses frères, et par conséquent, ne peut être qu'une fille....
Guillaume Galienne a certainement profondément souffert du regard accablant et stéréotypé de sa famille sur lui, mais ce qui est très beau dans son film (et dans sa pièce), c'est l'indulgence qu'il a in fine pour sa famille, qu'il pourrait largement accabler, mais qu'il parvient à décrire non sans une certaine tendresse. En cela, l'idée de Guillaume Gallienne d'avoir lui même joué le rôle de sa propre mère est une excellente idée, saluée comme il se doit un peu partout, une idée qui est à la fois d'une vraie force comique indéniable, et à la fois une idée donnant au film et, par miroir inversé au personnage de Guillaume une vraie profondeur et un côté vraiment touchant. Car interprétée ainsi par celui qui la connait si bien depuis des décennies, cette grande bourgeoise, qui semble totalement aveugle à la quête désespérée de son fils, mais sans doute aussi car elle pensait bien faire en agissant de la sorte, apparait ainsi très irritante mais également, il faut le reconnaitre, finalement assez touchante , et pour qui on éprouve (un peu) de compassion.Car si Guillaume et les garçons à table est évidemment une comédie aux dialogues ciselés et truffé de quelques scènes vraiment jubilatoires (j'enleverai néanmoins la scène avec Diane Kruger, vulgaire et inutile, qui tranche avec la subtilité de l'ensemble de l'oeuvre) c'est un film qui joue aussi avec énormément de réussite sur la corde de l'émotion et qui nous offre une puissante et subtile réflexion sur ce qu'est l'identité sexuelle, invitant le spectateur à se questionner sur son propre regard que l'on porte sur les autres, et l'impact que ce regard peut avoir sur eux . En parlant de regard, on ne peut qu'être touché par celui que porte Guillaume Galienne sur les femmes, un regard d’envie qui se transforme progressivement en regard d’amour. Les femmes occupent une place de choix dans la vie de Guillaume, qui n’a jamais cessé de les étudier depuis l’enfance, pour les imiter, être au plus proche d’elles… Ces femmes qui ne sont pas ses « semblables », contrairement à ce qu'il pensait, mais ces femmes qu'en fait, Guillaume n’a jamais cessé d' aimer… Et la fin est vraiment bouleversante, puisque on y comprend qu'on a assisté pendant l'heure vingt que dure le film ( un peu trop courte tant on s'y sentait bien) à la métamorphose d'un être qui s'est enfin trouvé et qui, après avoir longtemps couru le risque d'être passé à coté de lui toute sa vie durant, peut enfin s'assumer comme il est vraiment.
Avec ce portrait chaleureux et très pertinent d'un homosexuel en route vers l'hétérosexualité, Guillaume Galienne nous invite ainsi dans son monde à la fois singulier et univers, et son invitation, toute en finesse et en intelligence, a touché énormément de spectateurs, ce qui ne peut que me ravir en cette année 2013, où la fréquentation des salles de cinéma n'a pas été en conformité avec la qualité des films présentés.
LES GARÇONS ET GUILLAUME, À TABLE ! - Bande-annonce VF
comédie
Tous publics
Un film de Guillaume Gallienne
avec Guillaume Gallienne, André Marcon, Françoise Fabian, Diane Krüger, Charlie Anson, Nanou Garcia, Carole Brenner, Brigitte Catillon
Le premier souvenir que j'ai de ma mère c'est quand j'avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : « Les garçons et Guillaume, à table ! » et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant : « Je t'embrasse ma chérie » , eh bien disons qu'entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus." itemprop="description" />
Et parrallèlement au film, j'ai pu me plonger avec délectation dans le texte de la pièce, paru, 3 ans après la première édition aux éditions Les Solitaires Intempestifs. Je l'ai lu aussitot après avoir vu le film, et j'ai pu ainsi trouver avec beaucoup de plaisir les petites différences, certains dialogues qui n'apparaissent pas dans le film, et voir ce que le montage et certaines idées ingénieuses de mise en scène valorise dans le film. Une lecture à conseiller pour ceux qui comme moi ont adoré ce premier film de Guillaume Galienne et qui ont envie de prolonger la jubilation ressentie pendant ce qui est incontestablement une des meilleures comédies françaises de l'année, si ce n'est la meilleure.