Il s’agit d’un véritable voyage vers l’Amérique Latine qu’offre l’exposition “Vagabondages” à la Fondation Henri Cartier-Bresson, qui présente le travail minutieux et délicat du photographe chilien, Sergio Larrain. Son goût pour les choses simples, belles et essentielles, traduit un regard d’une étonnante acuité qui donnent vie à ceux que la majorité ne “voit” pas. Que ce soit les enfants abandonnés de Santiago sur lesquels il réalise son premier travail d’importance, ou que ce soit sur ses années passées en Europe, ou dans son Amérique du Sud natale dont il dépeint un aspect pt pour mieux saisir les choses dans le dénuement. Il pratique alors la méditation, le yoga, l’écriture, le dessin. C’est en 1954 qu’il devient photographe free-lance. Il observe les enfants abandonnés dans les rues de sa capitale, et comme le souligne Gonzalo Leiva Quijada dans son essai, “à travers son objectif, son regard de compassion saisit ces exclus qui deviennent des personnes. Sergio Larrain ne fait qu’un avec eux. Il est leur ami, leur alter ego, lui aussi vagabond, découvrant l’invisibilité.” Quelques uns de ses clichés sont présentés dans l’exposition, avec le soutien d’un film intitulé “Vagabond children”, foisonnant de prises de vues originales et émouvantes, d’instants tendres et difficiles qui reflètent l’enfance avortée de ces enfants des rues.
Lorsqu’il part étudier aux États-Unis et qu’il s’achète son premier appareil photo, il ne se doute pas que cela deviendra son métier. Contraint de rentrer prématurément suite au décès de son frère, il décide d’accompagner sa famille dans un voyage en Europe et au Moyen-Orient. Pendant ce séjour, il apprend la philosophie orientale et il pratique la méditation. A son retour, suite à son travail sur les enfants, il devient photographe pigiste pour le magazine brésilien O Cruzeiro Internacional.
Il publie ainsi son première livre qu’il réalise du contenu à la mise en forme, et il fonde également une agence de communication artistique. Quelques temps après, il se retire pour vivre simplement, en pratiquant le yoga et la méditation. C’est grâce à une relation épistolaire avec l’agence Magnum qu’il pourra publier un ouvrage sur Valparaiso, puis sur Londres. il développe alors une pratique des “satori”, où ses images accompagnent les courts textes qu’ils écrit et qui disent l’essentiel.
Les photos de Sergio Larrain sont des instants de vie et d’émotion brutes, prélevées sur ses tirages. Aussi nous découvrons alors l’exposition par une narration délicate qui nous révèle ces rencontres, ces moments de contemplation comme une histoire.
Dérivant au large de l’île Chiloé. Emportés en face l’île de Puerto Montt, et faisant face aux sourires de l’homme enveloppé d’une couverture et d’une femme que l’on voit de trois quarts. Puis c’est une fenêtre ouverte depuis le bateau comme une perspective sur 3 hommes à chapeaux qui semblent prendre un moment de repos. Seul celui au premier plan ombre sur le visage nous adresse une oeillade.
L’instant d’après une vue du dessus montre partiellement l’équipage. Un homme une bouteille à la main, boit.
Puis on distingue les corps assoupis des marins, la partie sombre de la photo qui s’ouvre à leurs pieds questionne quelque peu.
Sur l’île, à présent les poissons pendus sèchent où ils viennent d’être pris, appuyés sur le pied du pécheur. Une enfant rit, mais à nouveau la prise au ras du sol montre que la chaussée abrite le néant.
A Chonchi, les poissons sont alignés aux pieds d’une enfant. Les filles du pêcheur jouent à cochon pendu. Tête en bas renversant la réalité.
La vue en contre plongée de la « Pêche dans le port de Taltai » souligne les gestes de l’enfant qui ajuste sa ligne.
Enfin les voici, car nous arrivons à Santiago. Les photos des enfants se déploient sur tout un pan de mur. Qu’ils courent, fument, jouent avec un chien, mendient le visage sale, dorment sur le trottoir. Sergio Larrain dit “Dans les rues de Santiago, les enfants qui ont quitté leur maisons à cause de la misère et pire que cela, du manque d’amour, dorment à l’abri des porches ou sous les ponts ; ils vivent de mendicité et deviennent délinquants avec le temps. Les gens les nourrissent jusqu’à leurs quatorze ans.”
Nous sommes en Bolivie à présent.
Une photos de marches, et c’est elles qui nous conduisent au Pérou. Derrière elle, on devine le Machu Pichu. On l’entrevoit d’ailleurs sur une autre image.
Sur une image prise au ras du sol, où discerne des gens, hommes et femmes, en train de courir.
Un pan de mur est consacré aux photos prises à Londres, pétries de brumes mystérieuses, de silhouettes, des vapeurs du métro, et de la foule.
Sont aussi présentées quelques images de Paris. Il s’agit de prises symétriques, de compositions très construites (alignement de rampes, de pointes de grilles). A “la Ruche”, il capte une homme flou sur un fond de murs décrépis, avec un angle à même le sol il photographie “les clochards” ou des détails propres à la ville comme le passage cloutés un focus sur les clous.
Puis on part en Italie, à Palerme il saisit l’élégance à travers un entrebâillement de porte ou la rêverie d’une petite fille pensive dans la perspective nette d’une ruelle qui grimpe.
Encore une fois le trottoir fait de l’ombre à la fillette dans « Le quartier de ballaro a palerme en sicile ».
Il en fait de même le soir, lorsque seules les enseignes projettent leur clarté sur les choses et les gens.
On devine des prostituées, et la vie nocturne. On termine alors dans le bar “Los Siete Espejos” qu’il décrit comme un concentré de la vie nocturne chilienne. Il y réalise des portraits stupéfiants, en se servant de la disposition et du décor du lieu. Les miroirs qui sont légèrement baissés de manière à offrir leur reflets à chaque angle.
A voir :
Sergio Larrain, Vagabondages
Jusqu’au 22 décembre 2013
à la Fondation Henri Cartier-Bresson
2 impasse Lebouis
75014 Paris