Les tuteurs seniors sont-ils les mieux placés pour transmettre leurs compétences ?

Publié le 18 décembre 2013 par Zzscilly
Par François GabautPour en savoir plus sur François : http://www.viadeo.com/profile/0022alplawfl6ben?nav=1&navContext=002es16t8ueii4p&consultationType=27

Ou comment sortir des idées reçues


Comme une évidence, tout amène à penser que tuteur serait synonyme de senior ! 

Les tuteurs posséderaient naturellement l'expérience, le savoir, le savoir-être pour transmettre. Parce qu'ils incarneraient la patience, qu'ils auraient développé leur réseau et manifesteraient la prise de recul indispensable pour accompagner des nouveaux entrants, ils seraient les mieux placés pour occuper ce rôle. RH et managers s'accorderaient à penser que les seniors seraient les plus compétents pour prendre en charge les jeunes alternants.

Ce cliché a la vie dure et la réalité du tutorat est souvent éloignée de cette vision. Voici pourquoi il faut revisiter les idées reçues.


Qu'est-ce qui nous fait croire cela ?


Depuis les accords seniors de 2011, on entrerait dans la catégorie senior à 45 ans. Parmi les 6 mesures que les entreprises doivent choisir de mettre en place dans le cadre du plan senior, le tutorat est l'une d'elle. Vous voyez le raccourci !  Cet accord senior ouvre le tutorat aux plus jeunes de la génération des baby boomers. Mais qu'entend-on par "senior" ? 
En réalité, il n'existe pas de définition exacte du "senior".  Le terme de senior est une notion floue. Mais alors qui sont-ils ? Il est difficile d'être précis. Ce sont des collaborateurs d'un certain âge. S'ils maîtrisent des compétences spécifiques à transmettre, on voudrait bien en faire des tuteurs. Mais ces seniors ressentent t-ils l'envie, le désir de transmettre et possèdent-ils des capacités pédagogiques pour le faire auprès, notamment, des nouvelles générations ?

Certaines organisations dont la moyenne d'âge dépasse les 50/55 ans font appel aux seniors pour conserver leurs compétences et leur demandent souvent de transmettre leurs expériences avant leur départ à la retraite. Avec le recul de l'âge du départ volontaire, ceux qui avoisinent les 60 ans n'ont pas toujours la volonté de quitter l'entreprise et surtout, ne possèdent pas naturellement les dispositions pour transmettre.


Comment lutter contre la disparition des compétences ?

Des études montrent qu'aujourd'hui, les tuteurs ont souvent moins de 45 ans et sont managers. Ils intègrent des alternants dans leur équipe non pour transmettre comme on devrait le croire, mais pour confier des missions à de jeunes recrues et si cela est possible, acquérir de nouvelles compétences, capter les nouveautés pour leur service : recherche de technologies de pointe, de nouvelles méthodes acquises dans les grandes écoles, d'outils de dernières générations.


Pourquoi les seniors ne sont-ils pas systématiquement les meilleurs tuteurs ?


  • La motivation : les seniors ne sont pas "automatiquement" motivés pour transmettre. Ce n'est pas parce qu'ils possèdent des compétences rares à transférer qu'ils sont les meilleurs pédagogues. La pédagogie n'est pas innée, elle s'apprend à condition d'être motivé, d'en avoir envie.
  • Les questions générationnelles : la génération dit" X" (entre 30 et 45 ans) ne possède pas les mêmes valeurs que celle dite" Y" (les moins de 30 ans), ce qui créer des conflits sur les règles, les comportements et les attitudes.  Les seniors ne sont pas les plus patients et les moins exigeants.
  • Les outils de travail : les baby boomers sont souvent moins à l'aise avec les outils informatiques. Un décalage de rythme dans le travail, de connaissances des nouvelles technologies fait parfois barrage avec les nouvelles générations. Demandez aux jeunes s'ils connaissent la "bannette" ? 

Quels sont les points d'alerte ?


  • Comment répondre aux accords "contrat de génération" qui associent seniors (plus de 55 ans) et juniors (moins de 26 ans)  dans lequel on doit prévoir une phase de transmission des compétences ? Le contrat de génération n'indique pas que dans la création de ces binômes, ce soit le senior qui transmette. Ce peut-être quelqu'un d'autre. Alors, pourquoi ne pas choisir un salarié plus jeune ?
  • Si vous souhaitez que les seniors soient des tuteurs, alors formez-les ! Un tuteur formé et volontaire qui a pris conscience de sa mission sera plus efficace et motivé. Et valorisez sa mission autant que possible par un acte de reconnaissance.
  • Des collaborateurs plus jeunes, moins de 45 ans, ont souvent envie de transmettre, de manager des équipes, de devenir pédagogues. Alors, recruter vos tuteurs parmi les collaborateurs de cette génération.

Il est parfois difficile de sortir des clichés, des idées reçues.  Le nouveau contrat de génération qui associe juniors et seniors, ne contribue pas à créer une vision nouvelle du tutorat mais entretien cette vision traditionnelle du tutorat. Le tutorat pour les seniors est une option pour conserver les compétences et créer chez ceux-là une motivation au travail, mais pas une obligation. Il y a d'autres facteurs de motivation à développer chez les seniors.


Que dit la loi ?


  1. Le nouvel article L5121-6 du Code du travail indique que le contrat de génération a pour objectif de faciliter l'intégration des jeunes dans l'emploi par leur accès à un contrat à durée indéterminée, de favoriser l'embauche et le maintien en emploi des salariés âgés et d'assurer la transmission des savoirs et des compétences. Le contrat de génération est applicable aux employeurs de droit privé.
  2. "Dans le cadre du contrat de génération, l’accord d’entreprise précise les actions à mettre en œuvre en matière de transmission des savoirs et des compétences et d’accompagnement des jeunes
  3. Il peut également préciser les modalités de transmission des compétences en direction des salariés âgés.

Concernant la transmission des savoirs et des compétences dans l’entreprise, cela peut comprendre :

  • des binômes d’échange de compétences entre des salariés expérimentés et des jeunes ayant développé une première expérience professionnelle dans l’entreprise
  • l’organisation de la diversité des âges au sein des équipes de travail"

Comme on peut le constater, l'évolution de la notion de tutorat ouvre de nouvelles perspectives aux entreprises. Même si les clichés ont la vie dure, il faudrait ouvrir le tutorat aux questions intergénérationnelles, permettre aux plus jeunes de devenir des tuteurs. L'entreprise ne peut qu'y gagner en efficacité, en richesse et en dynamisme.


Et dans votre entreprise, comment cela se passe-t-il ? N'hésitez pas à laisser vos commentaires ou vos remarques.