Chez les Dumordu, on est fermier de père en fils. C'est ce qu'Archibald Dumordu a déclaré à son fils Douglas, juste avant de mourir. Malheureusement, le garçon se sent bien en peine quand il se retrouve seul avec cette nouvelle charge sur les bras. Il tente alors quelques expériences, en plantant les carottes à l'envers, en arrosant son champ de betteraves avec un petit arrosoir qu'il remplit au robinet de la cuisine, il conduit le tracteur en marche arrière et donne des tartes aux fraises à ses lapins... Le garçon devient la risée des villageois, même son voisin commence à voir rouge car il lui a promis la main de sa fille Miranda mais pourrait revenir sur sa décision !
Pensant lui venir en aide, Miranda lui suggère de se lancer dans le phénomène à la mode : le poulet fermier. C'est sa seule chance, son sésame pour la réussite. Douglas, notre gentil benêt, prend tout au pied de la lettre et toque à la porte du poulailler pour proposer le job. Oui, oui, je vous jure. C'est impayable ! Mais ce dont on ne s'imagine pas, c'est que Douglas sait parler aux animaux et devient pote avec Ernest, un poulet merveilleux, qui peut transformer sa vie.
Ce petit roman est drôle, déjanté, absurde mais délicieusement jubilatoire. Il offre non seulement un aperçu de la vie à la ferme, du travail que cela demande et qui ne s'improvise pas du jour au lendemain, avec en vedette un garçon empoté et nigaud qu'il est impossible de détester ! À vrai dire, on sourit plutôt qu'on ne se moque en découvrant ses nombreuses frasques. De plus, c'est aussi une histoire sur les animaux qui nous sont proches et qu'on nous présente avec des émotions (et la faculté de parler !). Les humains, eux, apparaissent méfiants et conventionnels. À chacun, donc, de s'accepter et de se respecter. Respect aussi pour la décision de ne pas manger de viande (« Aucune chance, je n'aime que les tartines ! »).
Succès tout plein pour ce livre, agrémenté des illustrations tendres et espiègles d'Anaïs Vaugelade.
Le poulet fermier, d'Agnès Desarthe (Mouche de l'Ecole des Loisirs, avril 2013)
Et maintenant, un petit récit tendre et mélancolique, mais qui se termine sur une note de tristesse (où il est question de mort et de deuil). Bizarremment ce n'est pas déprimant non plus, juste solennel et très sage dans son approche. Pendant toute l'histoire, on a suivi la croisade de Sara qui ne veut plus manger d'animaux et qui découvre, grâce à sa grand-mère, une légende à propos des légumes. Il y a très longtemps, les légumes auraient été des animaux, mais étant donné qu'ils étaient sacrément paresseux, ils ont fini par prendre racine et devenir des légumes ! C'est une interprétation fantaisiste du rapport à entretenir avec la nature et notre alimentation, en gros. Mais c'est plus joliment exprimé dans le texte, je vous rassure, Martin Page est un doux-dingue qui nous transporte dans son univers déjanté avec une facilité déconcertante. Il est aidé, pour l'occasion, de Sandrine Bonini dont les dessins apportent de la douceur et de la luminosité à la lecture. C'est mignon, c'est charmant, ça fait un peu réfléchir aussi... et on se dit, à la fin, que « si on devenait tous un peu plus aubergine (ou courgette) alors le monde irait mieux ».
Le zoo des légumes, de Martin Page (Mouche de l'Ecole des Loisirs, avril 2013)