Suzanne, de Katell Quillévéré

Par 3moopydelfy @3Moopydelfy

Suzanne de Katell Quillévéré présente un côté imprévisible déroutant. Le film se pare d’un assemblage de chapitre, de coupure, de torsion dans le temps, d’ellipses qui surprennent. Sans parler des confrontations, des séquences qui dévoilent les sentiments des protagonistes avec une douceur remplie de justesse. La faible stylisation de la mise en scène tendrait à ancrer le film

Le hasard et le destin se taillent la part du lion, ils s’emparent de la vie de Suzanne, la chahute, la propulse dans une aventure de 25 ans avec en fond un sujet délicat: l’abandon de son enfant. Un abandon pour partir vivre une aventure amoureuse. Je me suis demandée s pour l’héroïne ce n’était pas une manière de tirer un trait sur sa propre jeunesse, de laisser sa progéniture derrière elle. Une quête d’un amour qui lui manquait petite.

Sara Forestier désarçonne par son interprétation de Suzanne. Au début, j’ai été un peu perdue entre la jeune fille et sa soeur. J’ai eu un vrai coup de coeur pour Adèle Haenel (Maria).

François Damiens sert de repère temporel, incarnant le père vieillissant, dépassé par les événements. Il marque les changements. Entre son époque, son métier, ses absences. A un moment, le parallèle entre sa vie de père dans les années 80 et 20 ans plus tard, prêtent à réfléchir, ses deux filles restaient seules, les services sociaux ne sont jamais venus… Pour son petit fils, son métier est le même, routier. La donne diffère pourtant. Damiens semble être le pillier du temps. Les deux soeurs vieillissent davantage par leurs émotions, les coupes, les vêtements et leurs actions.

Synopsis:

Le récit d’un destin. Celui de Suzanne et des siens. Les liens qui les unissent, les retiennent et l’amour qu’elle poursuit jusqu’à tout abandonner derrière elle…

Des petits détails sautent aux yeux, la reconstitution des années qui défilent possèdent une telle réalité, qu’elle est presque palpable. La famille de Suzanne est modeste, elle frappe par son côté authentique, un peu comme si elle était sortie de notre quotidien. Les dialogues touchent par leur côté simple, direct, parfois limite durs et brutes. Les acteurs sont admirables. Je suis tombée sous le charme de Suzanne et Maria enfant, rayonnantes, douces et si malines.

Le drame est omniprésent, il dévore la photographie par des silences disséminés. Suzanne (Sara Forestier) sème sur sa route des doutes, des émotions contradictoires, à tour de rôle, un sentiment de sympathie et de rejet submergent. Jamais le ton se voile d’un sentiment moralisateur, ou juge sur le comportement pourtant pas toujours irréprochables de ses héros. Suivre Suzanne sur plusieurs années, apporte son lot d’évolution, le personnage grandit. Il est frais, destructeur dans sa passion amoureuse, il séduit, captive. Ses regards expriment bien plus que ses mots. L’actrice est remarquable. La mélancolie qui se lit dans ses yeux laissent suggérer tellement plus que ce que le plan dévoile.  Même son absence, parle plus que bien des discours. Etrangement, le blanc de sa présence offre un renforcement du sa personne. La brutalité, la descente criminelle ressortent par le silence et le regard de son héroïne.

Difficile de voir grandir Suzanne, sa construction, de la voir devenir mère adolescente, de la voir partir, de constater les liens déchirés avec sa famille. Douloureux de constater combien Maria semble prendre le parti d’étre l’enfant sage pour contrebalancer les choix de vie de son ainé. Les moments centrés sur Damiens le père et Haenel (Maria) bouleversent. Ils montrent les dommages collatéraux de nos actes sur nos proches.

J’ai aimé suivre l’héroïne tout le long des années qui passent, cet impression de la voir subir un destin qui est nécessaire pour la voir enfin exister. D’un battement de cils, Suzanne semble courir après son enfance, après un amour perdu, celui de sa mère décédée. Suzanne est la femme-enfant à l’état pur, fascinante, intrigante, remuante, et quelque part, dérangeante. Secouée par les événements de son existence, la jeune femme prend un nouvel envol, en redevenant mère, la naissance est un nouveau cocon. Suzanne court, court, son arrêt sera un déclencheur violent de changement. La fin a une note d’espoir, doux, rêveur… et douloureux.

Note:

8/10

3 Moop raisons de voir Suzanne:

  • Pour le portrait doux-amer d’une jeunesse en quête d’amour
  • Pour François Damiens surprenant en père solo.
  • Pour Sara Forestier et Adèle Haenel

Plus d’informations:

Sortie: 18 décembre 2013 / Distributeur: Mars distribution/ Genre:

Casting: