Getting on est une nouvelle série diffusée depuis la fin novembre sur les ondes de HBO au Canada et aux États-Unis. On nous transporte dans un hôpital de Long Beach en Californie dans une unité de soins prolongés où médecins et infirmières doivent s’occuper d’une trentaine de patients en majorité atteints de démence ou d’Alzheimer. Ne l’ayant jamais facile, ils doivent traiter des gens très souvent contre leur gré tout en faisant face à des rivalités minant leur milieu de travail. Adaptation quasi identique de la série éponyme crée en 2009 en Angleterre, Getting on sort des sentiers battus pour nous exposer à une réalité qu’on ne veut pas nécessairement voir. D’une honnêteté déconcertante, jamais le genre médical n’a été aussi si peu sexy. Les patients ont peu de chances de rémissions alors que les employés semblent vivre un calvaire perpétuel.
Une vocation
La série commence avec l’arrivée de Denise Ortley (Niecy Nash) alors en stage pour devenir infirmière. Sous la supervision de Dawn Forchette (Alex Bornstein) l’infirmière en chef, ses premiers jours ne seront pas de tout repos. Une patiente cambodgienne ne parlant pas un mot d’anglais vient d’être admise dans l’unité et ne cesse de se plaindre d’on ne sait quoi. En même temps, une autre patiente s’est « échappée » sur une chaise, mais la docteure Jenna James (Laurie Metcalf) refuse qu’on nettoie puisque ces matières fécales lui servent d’échantillon pour une nouvelle recherche qu’elle compte présenter d’ici peu à un groupe d’imminents médecins. Cette dernière est assez manipulatrice et regarde tout le reste du personnel de haut. Entre ensuite en scène Patsy de la Serda (Mel Rodriguez), le superviseur des infirmières. Il tente, non sans peine d’instaurer une ambiance bon-enfant dans le département, mais se bute à des employés individualistes et à des patients difficiles. Toujours dans le placard, il prend mal une blague de Denise sur l’homosexualité et réclame un médiateur afin d’exiger des excuses formelles de sa part. De quoi envenimer encore plus les relations de travail…
On a qualifié Getting on de sitcom et dès les premières minutes du pilote, on anticipe une satyre acerbe sur le milieu hospitalier. Par contre, au fil des épisodes, on ne rit plus et un malaise (bien voulu) s’installe. Les employés ne se retrouvent pas dans des situations divertissantes pour le téléspectateur, mais exposés à des problèmes bel et bien concrets qu’occasionne la vieillesse. Les patients sont soit l’ombre d’eux même, n’ayant qu’un faible contact avec la réalité ou à l’inverse, ils sont agités, n’acceptent nullement leur sort et la seule chose qu’ils ont en tête, c’est de quitter ce lieu, dans un cas comme dans l’autre, la reconnaissance n’est pas de mise. Dès lors, comment s’étonner que les employés s’attellent à la tâche de façon mécanique, qu’ils tournent les coins ronds et qu’ils n’entretiennent aucune complicité avec patients ou collègues? Telle une vocation, ils se rendent tous les jours au travail, mais ça ne veut pas dire que le cœur y est.
Qui a dit que la médecine était sexy?
Le genre médical a toujours été un des favoris des Américains, que l’on pense entre autres à E/R (CBS, 1994-2009), House (Fox, 2004-2012), Grey’s anatomy (ABC , 2005- ) ou Combat Hospital, (Global & ABC, 2011). Avec quelques variantes, on nous présente toujours des médecins et infirmiers beaux, énergiques et travaillant avec une équipe nombreuse et compétente. Un peu comme le détective dans le genre policier qui par tous les moyens tente de trouver les meurtriers, les employés médicaux se donnent corps et âme pour assurer la survie de leurs patients. Il faut dire que la plupart d’entre eux se retrouvent à l’hôpital à la suite d’un accident grave et qu’ils ont plusieurs années devant eux.
En ce sens, Getting on détonne et force est d’admettre qu’il est intéressant d’être exposé à autre chose que ces clichés. Ici, l’aile de soins prolongés manque de subventions et après un sondage effectué auprès des employés, il est établi que la majorité d’entre eux sont loin d’éprouver le désir de se surpasser à la tâche. Par exemple, la Dre James, surmenée, propose de médicamenter une patiente afin que celle-ci cesse de se plaindre. Il faut aussi prendre en compte que la « clientèle » de l’aile offre peu d’espoirs de rémission. Âgés, a plupart d’entre eux souffrent de troubles graves de la mémoire et ont perdu une très grande part de leur autonomie. Dans le même sens, aucun lien émotif ne s’établit entre le personnel et les patients. La plupart des malades ne sont que des figurants dans le scénario qui mise davantage sur les employés blasés.
La mise en scène en général vient renforcer cet effet de lourdeur et de désespoir. On est loin de la propreté et des instruments médicaux du dernier cri qu’on a l’habitude de voir dans les séries médicales typiquement américaines. La couleur des murs, le mobilier; tout le décor rappelle un établissement des années 80 qu’on aurait oublié de remettre à jour, faute de moyens financiers. Quant aux acteurs et les personnages qu’ils interprètent, on est loin de la beauté plastique à laquelle nous habitue Hollywood. Ceux-ci ont des rondeurs, portent peu de maquillage et leurs vêtements semblent avoir été achetés dans un quelconque marché aux puces. Enfin, question de pousser le réalisme encore plus loin, on a l’impression que certaines de leurs répliques sont improvisées au moment où la caméra les filme, ce qui assure une fluidité du langage tout en amenant un aspect plus humain aux conversations entre eux. Toutes ces caractéristiques, bien que peu attractives d’un point de vue esthétique pour les téléspectateurs, contribuent à nous montrer un milieu de travail difficile, avec une véridicité qui nous laisse inconfortable face à la fin de vie et ceux qui ont la lourde tâche de s’en porter garant.
Tout comme Getting on, l’action dans Last Tango in Halifax (BBC Two, 2013- ) est centrée autour de personnes âgées. Si cette dernière véhicule un message positif (il n’est jamais trop tard pour (re- ) trouver le grand amour), il en va tout autrement pour la série de HBO où la vieillesse est montrée de manière crue et peu réjouissante. Cependant, elle est incroyablement d’actualité et nous permet de nous questionner sur la place qu’on accorde à nos aînés et comme l’écrit Mary McNamara dans son article :« Not just life and death, age and loneliness, but also stickier questions about compassion and care, about what we owe one another and what we are owed ourselves.»