Le concept sous-jacent consiste à permettre aux institutions financières d'acheter et vendre des applications, sous la forme de leur code source (laissant ainsi la possibilité de les modifier). La plate-forme, qui sera normalement opérationnelle en janvier, aura alors pour rôle non seulement de gérer les relations contractuelles entre les parties mais également de garantir un niveau de qualité de référence (incluant aussi des critères d'interopérabilité technique et de pertinence pour le métier ciblé).
Naturellement, les grandes banques ne sont pas prêtes à distribuer leurs algorithmes les plus secrets. La place de marché est donc plutôt destinée à mettre en commun des solutions à faible valeur ajoutée, notamment dans le domaine du suivi des risques et de la conformité réglementaire. Dans un secteur qui conçoit et développe des milliers de logiciels, ce seul périmètre devrait tout de même offrir des opportunités d'économies sensibles (elles seraient estimées globalement à 3 milliards de dollars).
Plusieurs institutions financières auraient manifesté leur intérêt pour l'initiative. Il est vrai que la pression qu'elles subissent sur leurs coûts informatiques ne leur laisse d'autre choix que de trouver des solutions radicales. Mais, pour retirer les bénéfices attendus de la place de marché, elles devront prendre d'autres mesures préalables, en particulier en matière de standardisation de leurs systèmes, étape indispensable pour faciliter l'intégration de composants issus d'horizons divers.
Plus généralement, comme le souligne un article du Financial Times, la réutilisation du code écrit pour un contexte spécifique (technique, opérationnel, organisationnel…) n'est pas aussi simple qu'il y parait. Même avec un contrôle a priori de l'interopérabilité des applications proposées, l'intégration de modules externes reste un exercice périlleux, souvent extrêmement coûteux. Quelques antécédents (dont une expérience de Deutsche Bank) ont d'ailleurs déjà obtenu des résultats pour le moins mitigés.
En conclusion, la démarche de Crédit Suisse est tout à fait louable et va dans le sens de l'inévitable industrialisation de l'informatique, au moins en ce qui concerne sa partie « banalisée » (non concurrentielle). Hélas, les banques ne sont pas des éditeurs de logiciels et l'idée que les composants qu'elles développent puissent être facilement mutualisés risque de rester une utopie, si cette approche industrielle n'est pas d'abord mise en œuvre à l'échelle de leurs Systèmes d'Information.