Je n’ai jamais été fan de Beyoncé. Certes, je l’aurais été brièvement, mais je lui ai toujours trouvé un trop plein d’assurance, et ce depuis ses débuts avec les Destiny’s Child ( je n’ai mystérieusement jamais aimé les « leaders » des groupes). Je dois toutefois admettre qu’elle avait su allumer une petite flamme avec son premier album solo Dangerously in Love en 2003 mais celle-ci s’était très vite éteinte. Queen Bey et moi entretenons depuis un rapport amour-haine qui me pousse parfois à méchamment la critiquer, puis à passer la soirée à regarder ses performances live avec ma maman.
Alors quand j’ai appris vendredi qu’elle avait soudainement sorti un nouvel album, je n’étais pas plus enthousiaste que ça. Sauf que. Etant de celles qui fuient ces magasins où les vendeuses vous harcèlent dès votre arrivée et qui aiment se sentir faussement libre de leurs choix, je me suis finalement très vite laissée tenter. Le secret est finalement le meilleur teasing du monde, même si, soyons francs, seule une star de son envergure aurait pu se permettre ce coup marketing. Et puis, voilà qui doit bien l’arranger : non seulement elle s’évite tout le travail ennuyant de la promo mais elle laisse en plus ses fans jouer les RP. Quoi de mieux qu’un bon vieux bouche-à-oreille…
« Work hard in silence and let your success be your noise », tweetais-je il y a quelques jours à Sid Sriram. C’est une philosophie de vie en laquelle j’ai toujours cru et qui prend tout son sens avec le lancement de cet opus éponyme. On ne va pas se voiler la face non plus : tout le monde savait très bien que Mrs Carter enregistrait un disque et elle avait été repérée à plusieurs reprises en tournage cet été. Mais la vraie surprise, c’est que Beyoncé a travaillé plus dur qu’on ne le pensait. On sait désormais à quoi servait ses trois valises de perruques en tournée (coucou, c’est la journaliste people qui parle), la star ayant eu la merveilleuse idée de nous proposer un album visuel et c’est ce qui a véritablement motivé mon achat. Parce qu’un clip peut parfois subitement instiller en moi un amour infini pour une chanson. Parce que je ne me voyais pas purement écouter les 14 morceaux. Et parce que j’aime bien m’interdire de consulter tout ce qui n’est pas officiel. Comme Madame n’avait rien mis en ligne dans son intégralité sur YouTube, c’est à contre-cœur que j’ai claqué 15€ sur iTunes (rappelons que je ne fais plus confiance à Beyoncé depuis plusieurs années maintenant).
« Je vois la musique », déclare la chanteuse dans un communiqué. La synesthésie ne date pas d’hier : N*E*R*D a nommé l’un de ses albums Seeing Sounds en découvrant le phénomène neurologique et parallèlement, des artistes comme JMSN, Frank Ocean ou M.I.A. se cessent de se dépasser visuellement parlant, embarquant toujours le téléspectateur, l’internaute dans un nouvel univers, avec une once de provocation, de kitsch ou d’esthétisme. Alors quand Beyoncé a voulu me vendre une véritable expérience, je me suis dit que, pour une fois, elle méritait bien que je lui ouvre à nouveau mon portefeuille. Et Dieu que je suis heureuse de l’avoir fait !
J’ai ainsi passé mon dimanche soir à visionner chacune des 17 vidéos réalisées par Melina Matsoukas, Jonas Åkerlund, Hype Williams, Terry Richardson, Jake Nava ou encore le Belge Pierre Debusschere. J’ai vibré devant la poésie de Ghost et Mine, souri grâce aux couleurs de Blow (alerte single #1), XO (alerte single #2) et Blue, dansé sur ***Flawless et Grown Woman, pleuré face à la performance d’Ashley Everett dans Heaven (la danse contemporaine, ça me le fait à chaque fois…). Et puis je me suis rendue compte de ce qui m’avait manqué chez Beyoncé pendant toutes ces années : de la simplicité.
Nul n’ignore qu’elle a du coffre mais voilà un moment maintenant qu’elle était beaucoup trop dans la démonstration vocale à mon goût. Quand le ciel nous a fait don d’un si joli cadeau, autant le faire partager, il est vrai, mais pas la peine d’en faire des tonnes non plus. Et j’étais on ne peut plus ravie de l’entendre plus douce, délaissant même sa voix pleine dans des titres comme Drunk in Love, pour faire preuve de beaucoup plus de nuances et, en ce qui me concerne, je trouve qu’elle est là, la vraie puissance. Beyoncé a osé explorer de nouveaux registres en utilisant son pouvoir à bon escient, avec parcimonie. Mais aussi en faisant appel à Boots, nouvelle signature de Roc Nation qui a écrit quatre chansons et coproduit 85% de cet album. Un génie qui mérite d’être souligné puisque chaque titre crédité à son nom a su me convaincre, à l’exception de Jealous (et comme par hasard, je pense bien que c’est le seul clip que je n’aime pas). Pretty Hurts m’a lui aussi laissée indifférente tant son sujet a été vu et revu.
Ce projet nous présente d’après moi une Beyoncé enfin disposée à s’amuser et plus créative que jamais, avec une tracklist extrêmement cohérente. Mais il a également sonné l’heure des grandes révélations : je suis absolument jalouse. Quand Drunk in Love (alerte single radios urbaines), Partition et Rocket dévoilent la diva plus sexy que jamais, je réalise à quel point tout ce que je n’aime pas chez elle n’est que le reflet de mes complexes de la vie de tous les jours. Mais je réalise aussi à quel point ses chansons prônant le girl power et vantant son prince charmant ont pu m’exaspérer par le passé.
Me voilà donc à nouveau meilleure amie avec Beyoncé. Et comme le veut le dicton « Qui aime bien, châtie bien », je ne peux m’empêcher de râler sur un point : je suis incapable d’écouter l’album. Je suis désormais obligée de le regarder. Et c’est pas pratique. ET j’ai oublié de dire qu’il y avait du beau monde, juste au cas où ça pourrait vous aussi vous aider à vous réconcilier avec elle (Frank Ocean, Drake, Jay Z, Timbaland, Justin Timberlake, Miguel, Pharrell Williams, say whaaaat?!)
À écouter d’urgence : Drunk in Love, Partition, Superpower, Heaven.
Beyoncé Beyoncé, déjà sur iTunes, bientôt dans les bacs (Sony Music).