Suite à l’étude de L'Atelier dressant le portrait du startupper français, Jean Marc Patouillaud, managing partner chez Partech International et Raphael Theron , cofondateur de PriceMatch nous livrent leurs impressions par rapport à l’évolution de l’environnement startup en France.
Connait-on une période prolifique en termes d’entrepreneuriat en France ?
Jean Marc Patouillaud : C’est assez facile de répondre. Il suffit de regarder la proportion de diplômés de grandes écoles, qu’elles soient de commerce ou d’ingénieurs, qui appartiennent à l’environnement startup. En une vingtaine d’années, la part est passée de 3, 4% à quasiment 20%.
Il est désormais plus facile d’entreprendre car la startup est démystifiée. Dans la génération précédente, startup était uniquement synonyme de risque, de manque de fonds. L’apport d’Internet a été fondamental. Avec le web, c’est la faculté à construire des réseaux, la circulation de l’information, la mise en place de processus de collaboration, l’accès à un nouveau modèle de développement d’entreprise moins gourmand en fonds qui ont été bouleversés.
Raphael Theron : Il n’y a qu’un an et demi que j’ai fondé pricematch donc je n’ai pas une vision globale. Cependant, mon expérience à polytechnique est parlante. Il y a 2 ans et demi, un intervenant avait demandé aux personnes de ma promotion motivées par le fait de se lancer dans l’entrepreneuriat de se manifester. 6 mains s’étaient levées sur 400. L’intervenant nous avait confié que lorsque l’on posait la même question dans une université américaine, la proportion était tout simplement inversée. Depuis, la direction de Polytechnique fait beaucoup d’efforts pour orienter les élèves vers l’entrepreneuriat. J’ai l’impression lors de mes passages à l’école qu’il existe désormais un engouement plus marqué. Cela reflète un peu le cas des écoles notamment d’ingénieurs. Les ingénieurs français sont particulièrement pertinents et ont leur mot à dire dans l’entrepreneuriat.
Pour ma part, l’insertion dans le monde entrepreneurial s’est faite assez facilement. Il existe beaucoup de choses, en tout cas en région parisienne, pour aider les entrepreneurs. La plus grande difficulté reste l’accès aux fonds. En ce sens, nous sommes moins bien lotis que les Etats-Unis mais pour le reste, l’environnement est très favorable.
Les secteurs abordés sont-ils diversifiés ou l’environnement startup a-t-il clairement choisi sa cible ?
Jean Marc Patouillaud : Il existe une vraie pluralité des secteurs investis. Dans les années 90, quand j’ai commencé le capital-risque, les fonds étaient généralistes. Aujourd’hui l’écosystème de « venture » est plus granulaire : on trouve des fonds de santé, de green tech de biotech et d’autres spécialisés dans ce que l’on appelait auparavant les NTIC. Cela va même plus loin avec la robotisation par exemple. Ce phénomène montre que la spécialisation reflète une évolution. Prenez un arbre, le tronc représente l’innovation : il s’agit de la base. Ensuite, on va commencer à trouver tout un tas de ramifications parce que tout simplement les fonds ne peuvent pas être compétents dans tous les domaines. Je prendrais l’exemple de la publicité. C’était un secteur qui n’était pas technique il y a encore 5 ans. Aujourd’hui, le RTB permet en quelques millièmes de seconde de publier une publicité en fonction de la personne visitant un site. Internet représente un élan fantastique grâce auquel les technologies vont pénétrer toutes les branches et en faire de micro-industries.
Raphael Theron : J’imagine qu’il est difficile de créer une startup dans un secteur industriel nécessitant de lourds investissements comme le hardware. Mais pour les autres secteurs et notamment dans le software ou le conseil, les startups ont toutes leur place.
Peut-on parler d’une moins grande aversion au risque d’entreprendre ?
Jean Marc Patouillaud : Oui, elle semble s’atténuer en effet. Mais je dirais que les entrepreneurs n’ont presque pas de mérite à cela. Le plus grand risque aujourd’hui, est-ce de travailler chez PSA ou Airfrance et de potentiellement faire l’objet d’un plan social ou bien dans de faire partie d’une startup ? Les startups embauchent ce qui n’est pas le cas des entreprises du CAC 40.
Mais il y a quand même une part d’inconscience dans le fait de se lancer dans l’entrepreneuriat aujourd’hui alors même que l’esprit d’entreprise n’est pas mis en valeur dans les plus hautes sphères publiques…
Raphael Theron : Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’aversion au risque. Celle-ci est en fait culturelle. Un élève ne pense tout simplement pas à entreprendre ou hésite à se lancer car il ne s’agit pas d’une voie montrée comme particulièrement intéressante alors que ça l’est ! Je ne pense pas que les jeunes soient effrayés mais lorsque l’on sort d’une grande école, on peut réussir à trouver une place dans une grande entreprise ce qui n’encourage pas forcément à aller ailleurs.
Quelles sont les motivations de ces nouveaux entrepreneurs ?
Jean Marc Patouillaud : Je ne suis pas sûr qu’elles aient bien changées. Les notions de liberté, de conquête, d’accomplissement et de maîtrise de sa destinée constituent les premiers critères de motivations bien plus que la potentielle plus-value. Celle-ci est un élément nécessaire mais vient en récompense.
Raphael Theron : La possibilité de monter un projet par soi-même est très gratifiante. Cela confère une réelle liberté et une grande indépendance. L’aspect financier constitue également un formidable driver : même si les chances d’énormes succès sont minces, j’ai envie que ça marche !
Un conseil pour se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Jean Marc Patouillaud : Je pense que l’entrepreneuriat est quelque chose de difficile à faire dès la sortie de l’école. Il faut un temps d’apprentissage. Il existe également un nombre magique de cofondateurs : tout seul, c’est trop dur ; à 5, cela ne marche pas. Dans la démarche, je conseille de privilégier l’approche lean startup : commencer à travailler sur une idée et tester le marché plutôt que de monter une usine à gaz. Il convient également de faire attention à prendre bien compte de son environnement concurrentiel et de son écosystème : certaines aventures peuvent s’entreprendre très localement et d’autres sont impossibles à mener si l’on n’est pas dans la silicon valley.
Raphael Theron : Pour être un peu moins conventionnel que les traditionnels « lancez-vous » ou « osez » qui sont somme toute vrais, je pense qu’il faut aller chercher des idées dans des secteurs auxquels on n’aurait pas nécessairement pensé. Il faut également arrêter de vouloir faire absolument du B2C alors qu’énormément de problématiques industrielles, de besoins en B2B sont là pour se fournir en idées et aller chercher la demande.