Il est urgent d’interdire la pêche en eau profonde !

Publié le 16 décembre 2013 par Albert @albertRicchi

BD chalutage profond

Le Parlement européen a adopté, il y a quelques jours, le rapport de Kriton Arsenis sur la pêche de grands fonds. Mais l’assemblée plénière a rejeté l’amendement qui aurait interdit à courte échéance l’interdiction du chalutage profond et des filets maillants de fond au-dessous de 600 mètres dans les eaux européennes et dans l’Atlantique Nord-Est.
Les parlementaires européens ont ainsi cédé à «la logique productiviste du toujours plus, plus loin, plus profond» malgré les destructions considérables du milieu marin que cette technique de pêche provoque…

Après ce vote qui s’est joué dans un mouchoir de poche (342 voix contre l’interdiction et 326 pour), c’est un jour sombre pour tous les défenseurs de la nature et la vie dans les eaux profondes. C’est une grande déception notamment pour l’association française Bloom, qui a cru pouvoir renverser la tendance grâce au succès sur internet d’une BD qui reprenait ses thèses et à la pétition adressée au président de la République qui a atteint plus de 750 000 signatures.
Mais le gouvernement de François Hollande et les socialistes au Parlement européen ainsi que l’UMP ont rejeté cette mesure. Ainsi pour Isabelle Thomas (PS), « Le Parlement européen a choisi l’option garantissant la préservation à la fois de l’environnement et des emplois ». Et pour Alain Cadec (UMP), vice-président PPE de la commission de la pêche, " La raison l’a emporté. Le principe du gel de l’empreinte qui consiste à ne passer le chalut qu’aux endroits où il est déjà passé et à sanctuariser le reste des zones de pêche est un principe fondamental."
Isabelle Thomas et Alain Cadec peuvent donc désormais se targuer de cette « victoire » pour la pêche industrielle, celle qui détruit les emplois dans le secteur de la pêche française et entre en concurrence avec les vrais pêcheurs français, propriétaires de leur bateau, partant à la pêche tous les jours plutôt qu’à la capture de subventions publiques et d’appuis politiques. Ils endossent ainsi un modèle de pêche destructrice, subventionnée, défendue par les cabinets de lobbying les moins éthiques de Bruxelles.
Les élus des Verts, du MoDem comme Marielle de Sarnez et Nathalie Griesbeck, de l’UDI comme Sophie Auconie et certains membres de l’extrême gauche comme Younous Omarjee ont pris eux position en faveur de l’interdiction du chalutage profond. Pour Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, « ce vote est caractéristique des alliances déplorables qui se produisent au niveau européen et montre à quel point les élus des grands partis ont un mépris total pour les Français. Ils prouvent par ce vote qu’ils préfèrent les lobbies industriels aux citoyens et qu’ils ne sont plus dignes de notre confiance. Ils risquent de payer cher leurs positions aux prochaines élections municipales et européennes. »
Les océans profonds et la pêche profonde Les océans profonds, tels que définis par les océanographes s’étendent au-delà de 200 mètres de profondeur et représentent à eux seuls 98% de l’espace dans lequel la vie peut se développer sur terre. Le milieu profond est très mal connu de la science et quasiment inexploré.
Les océans profonds avaient été jusqu’ici épargnés des perturbations humaines mais ils sont exploités à échelle industrielle depuis plus de 30 ans, alors qu’ils ne peuvent pas et ne devraient pas l’être, pour une raison simple : leurs caractéristiques biologiques ne le permettent pas.
La faune profonde est caractérisée en effet par une longévité extrême (bien souvent supérieure à 100 ans), une croissance lente, une maturité sexuelle et une reproduction tardives, une fécondité faible. Comme pour les troupeaux d’éléphants, la biomasse des poissons profonds peut être importante à certains endroits, mais les premières captures suffisent parfois à décimer un stock pour plusieurs décennies ou siècles…
Le chalutage profond est une méthode de pêche décrite par les chercheurs comme la plus destructrice de l’histoire : d’immenses filets lestés raclent les fonds marins jusqu’à 1800 mètres de profondeur et dévastent des écosystèmes multimillénaires et des espèces vulnérables, dont certaines sont menacées d’extinction. Ils anéantissent notamment de façon irréversible des colonies de coraux vieilles de 10 000 ans, patrimoine naturel mondial de l’humanité.
Pour la communauté scientifique, c’est une aberration écologique pourfendant tous les principes de préservation de l’environnement, de partage équitable du bien commun entre nations et comme un entorse au principe de précaution. Seul le fait que ces pêches soient apparues historiquement dans un contexte de béance juridique internationale et d’ignorance scientifique les a rendues légales, mais en aucun cas légitimes.
La pêche profonde résulte directement de l’épuisement des ressources marines dans les eaux de surface. Après avoir surexploité les stocks de poissons en surface, les flottes de pêche industrielles se sont tournées vers les grands fonds pour trouver la ressource qui leur faisait défaut. Cette logique inexorable de la surexploitation des ressources et de la destruction des milieux connaît un épisode particulièrement douloureux dans les grandes profondeurs car là, plus que n’importe où, existe un contraste violent entre l’immense efficacité technologique de l’outil industriel et l’excessive vulnérabilité de la faune et de l’environnement. La pêche en eaux profondes met en jeu le monde de la rapidité contre celui de la lenteur, le profit à court terme réservé à quelques uns contre le bénéfice à long terme pour tous.
Environ 300 bateaux à travers le monde participent à cet « océanocide » pour capturer quelques poissons à forte valeur commerciale En France, moins de dix navires sont impliqués dans la pêche profonde au chalut de fond. Six d’entre eux appartiennent à la flotte d’Intermarché. Malgré les millions d’euros d’aides publiques qu’ils perçoivent, ces navires industriels sont tous déficitaires. Le chalutage profond est ainsi un gouffre à fonds publics et n’existerait pas sans le secours de nos impôts.
Il y a donc urgence à protéger des milieux dévastés par des navires qui ressemblent plutôt à des machines de guerre (plusieurs avions peuvent loger dans certains filets utilisés). Ce drame écologique n’a aujourd’hui comme équivalent que la déforestation de l’Amazonie.
Petit signe encourageant, suite à la campagne de Bloom, le débat semble maintenant se déplacer de la scène politique à la sphère des consommateurs. Après Casino, le groupe Carrefour vient d'annoncer en effet son intention d'arrêter progressivement de vendre du sabre, du grenadier et du brosme d'ici à juin 2014…
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