En 2013, Bilbo Sacquet, Gandalf le Gris et la Joyeuse Compagnie des 13 nains poursuivent leur épopée. L’attente était certaine quoique précédemment, quelques dents aiguisés avaient montrer les crocs vis-à-vis de quelques libertés entreprises ici et là, quelques coupures ou passages inédits. Certes. Les voix monteront une fois de plus quant à l’approche de nouvelles libertés : pourtant, malgré les éventuelles déceptions venues de la comparaison de la source littéraire au portage cinématographique, il en résulte que le deuxième opus des aventures merveilleuses de Bilbo enchantent encore, tissent avec cohérence et un assument rythme mesuré. Non pas parfait mais très divertissant, le périple dispose en sa faveur d’une approche artistique chatoyante, globablement bien intégrée par ses effets spéciaux et surtout un budget si conséquent (250 000 000 de Dollars) que The Hobbit : La Désolation de Smaug doit se placer dans l’une des plus grosses productions de l’année 2013 où l’on sent que les ressources financières ont été utilisées à bon escient : ça sera par le bénéfice de décors naturels réguliers, d’une dimension fantastique convaincante, ou encore de scènes menées à tambours battants possibles que par l’intervention de cascades surprenantes. (Scènes des tonneaux) Tel un Hobbit, au regard semi-naïf, au regard curieux; impressions à chaud d’un récit plaisant et dans une quasi continuité de The Hobbit : Un Voyage Inattendu … Malgré l’ajout de scènes plus épiques, plus violentes parfois, se dessine un nouveau voyage initiative avec le spectateur.
Un voyage initiatique
La suite des pérégrinations de Bilbo Sacquet reprend les grandes qualités du premier long-métrage paru en 2012 : s’ériger comme une préquelle en trois actes qui vise à accompagner le spectateur. L’accessibilité du film s’illustre dès les premières minutes puisque celui-ci s’ouvre sur un flashback qui justifie la présence du Hobbit casanier et paisible, héros principal et élu comme futur "cambrioleur". Nulle besoin d’avoir vu The Hobbit 1, encore moins celle que l’on nommerait la Trilogie Originale : tout est pensé de sorte à être le plus explicite possible. Y compris dans la reprise des faits; The Hobbit : La Désolation de Smaug poursuit le voyage de Gandalf le Gris, Mage, des 13 hommes d’Erebor et de Bilbo juste après l’affrontement de notre compagnie contre des Orcs malfaisants. Nonobstant embûches et imprévus, le Calendrier Lunaire et Solaire contraint notre troupe à rejoindre les ruines de l’abandonnée Cité d’Erebor, autrefois foyer attitré de la population des Nains.
Tout comme dans The Hobbit : Un Voyage Inattendu, le public découvre un univers enchanteur … Dont la déliquescence prend place dans ce 2e épisode.
En près de 190 mn, The Hobbit : La Désolation de Smaug essaye de tout expliquer. Malheureusement, il est fort probable que le 2e épisode se parera, d’ici quelques mois, d’une version longue. Par certaines ellipses, il est parfois difficile d’expliquer en quoi un Orc défiguré à l’œil défaillant devienne subitement l’un des personnages centraux et barrages de nos héros en herbe. Sauf erreur de notre part, l’Arkenstone, pierre scintillante à la matière luxueuse, n’est pas forcément expliquée en dépit de son importance croissante dans l’avancée de la Quête de reconquête d’Erebor. Cela peut être, aussi, une manière implicite d’exhorter les curieux/curieuses à s’attacher à la production littéraire de la trilogie prévue de The Hobbit.
Autrefois prévu en 2 parties, c’est dire l’effort de se saisir la substantifique moelle, le rythme n’a pas forcément été entaché de ce changement de programme. Les quelques 2h30 passent à une rapidité folle, quitte même à laisser l’auditeur dans une suspension de fidélité et d’agacement pour 2014. Signe de réussite, il s’en trouve qu’à la fin de la séance, pour peu et vous le serez probablement en vous rendant en salles obscures, on en redemande. Le rythme est parfois scindé en une situation générale de l’équipe, progressivement fragmenté en personnages d’importance (Gandalf le Gris, Bilbo, Population des Orcs, Population des Elfes …) et ce, avec une transition progressive et n’allant pas au-delà de 2 à 3 groupes. L’action est parallèle entre les entités scindées et ne perd pas une seule seconde le public. Pourtant, le découpage n’est pas régulier mais il a cette importance d’intervenir au bon moment pour ne pas être brutal ni incongru.
Le rythme maitrisé tient surtout à la pertinence du développement de chaque action et son apport à l’histoire narrée.
A quelques rares moments, la multiplicité des actions donne lieu à quelques grippages qui tiennent avant tout à la sensibilité de chacun. Quelques phrases de dialogues dans la masse, quelques visions que l’on pense propre à l’œuvre littéraire "interpellent" dans la qualité générale. Tauriel, (Evangeline Lilly) peut par exemple être autant critiquée par la phrase "Je vais vous sauver!" autant qu’être perçue par la vision, caractérique de Tolkien, de personnalités féminines dans Le Seigneur des Anneaux. L’amour devient celui d’un rapprochement simplifié, quoique permettant de tempérer la presque overdose et avalanche d’Orcs assassinés. Legolas, (Orlando Bloom) second Elfe symbole de la première Trilogie de Le Seigneur des Anneaux revient pour jouer de l’arc et substituer ses tirades au nombre de flèches utilisées. A bout portant et quasi infaillible, aucune munition n’est perdante et atteint à la perfection tous ses ennemis. Apparaissant dans des scènes chorégraphiées sans fausse note, chaque intervention atteint l’extrême limite dans la progression narrative. Utile pour la tension dramatique, Legolas semble cristalliser la part un peu plus guerrière de cette 2e expérience The Hobbit. Toujours à l’extrême limite et dans l’ordre du rythme institué, il s’en faut de peu pour être au-delà du supportable.
Soyons honnête : la reprise des codes de l’épopée ne permet aucun temps mort et souligne le développement des caractéristiques de chacun, la part de personnalité laissée encore en suspens dans le premier opus. En s’attachant, ou au contraire en se détachant de certaines décisions, l’initiation des personnages devient un attachement progressif des spectateurs et également une introspection des caractères. The Hobbit est essentiellement un parcours où le voyage à travers moult décors est une incursion dans un univers particulier, rendu simplifié et magnifié par ses effets spéciaux mais compte sur le développement et une introspection des personnages. Bilbo devient précisément ce que l’on attendait peut-être le moins dans le premier film : courageux à quelques instants; dépendant progressif de l’Anneau voire bestial inconscient à d’autres instants. Gandalf le Gril l’exprime sous l’interrogation rhétorique : "Quelque chose … A changé en vous, Bilbo."
Révélation et Désolation
Une scène drôlement bien "orchestrée", digne de l’un des meilleurs parcs d’attraction du moment!
Original, The Hobbit 2 La Désolation de Smaug le sera probablement aux néophytes comme aux connaisseurs de l’œuvre originale. Si elle apparait légèrement exagérée à coups de trucages visuels, la fameuse scène des tonneaux qui a pu servir dans la promotion visuelle du long-métrage n’en reste pas moins un plaisir technologique qui n’a surement pu être réalisable qu’au biais de moyens et d’avancées cinématographiques. Après bonds et rebonds de l’un des contenants, de dévalements de pentes et de descentes improvisées bien pire qu’en canyoning et d’impressions de quelques prises en Caméra Go Pro, de rares failles désinstallent la cohérence établie. Quoiqu’il en soit, quelques rires sont permis tant la scène semble pensée comme telle et vise à varier les différentes tonalités du film entre l’ascension dramatique, quelques rires, des fragments émotionnels d’éventuelles réponses à notre suspens.
Tauriel est l’une des seules personnalités féminines d’envergure dans The Hobbit 2 !
Inédites, les quelques 2h30 le seront probablement aux yeux des puristes de The Hobbit la source écrite de référence. Le réalisateur, enclin à un 3e épisode, a eu carte blanche de quelques scènes avec l’intrigant Smaug le Terrible. Peter Jackson s’est notamment autorisé à faire intervenir Tauriel, une Elfe de près de 600 ans interprétée avec une certaine passion par Evangeline Lilly. (A joué dans Lost, entre autres) Equilibrée, elle est l’une des seules interventions notables d’une figure féminine dans un rôle disons "notable". Sa vision de l’éthique et des rapports amoureux apparaissent nettement, sans forcément mettre en place un nombre pléthorique de dialogues. Directe et schématique, sa conception de la relation amoureuse pourrait se confondre de près à la vision insufflée à Bilbo Sacquet dans un autre domaine.
Benedict Cumberbatch prête, entre autre, sa voix à l’Effroyable Smaug …
C’était, concernant ce dernier, la perception d’un univers limité en apparence : la connaissance par les livres, son paisible village natal, les quelques habitudes, la verdoyante végétation constituait la sphère de son monde sensible qui, de son vivant, n’avait pas nécessité d’être élargi. En somme, sous les traits de Martin Freeman, Peter Jackson captait en ce personnage principal quasi ingénu, une page blanche, sur laquelle la quête serait l’encre indélébile de son existence. Sous les traits de l’énigme de Gollum se sont dessinés les premiers traits de son esprit malin et astucieux. Par un dialogue (Socratique?) surprenant avec la créature fantastique principale de ce 2e épisode, la nécessité de se défendre, s’étendent de nouveaux traits non anodins du personnage. S’illustre surtout toute l’ambiguïté de l’Anneau, autre hypothèse plausible au support d’une future version longue. Bilbo a accès à l’indicible des animaux (Compréhension de langage, d’intentions malfaisantes) mais, et on le doit à une forme d’élégance du film, en moins d’une scène, nous sommes en mesure de ressentir l’inestimable mainmise de l’objet, sa force d’attraction. Il devient "le centre de tout", y compris même d’actions jusqu’alors jamais entreprises ou effrayantes. Ce nouveau "centre d’intérêt" est autant atout qu’intrusion subliminale : sciemment ou non, la résonnance de paroles bien précises rendent l’hôte, dont Bilbo, "marionnette"; "esclave" d’un objet précieux. Quand bien même il n’est pas le seul sous l’emprise de l’or.
"Qu’avons-nous fait ? …"
Une des raisons pour lesquelles The Hobbit peut se considérer à la fois comme divertissement et plaisir certain.
The Hobbit n’a pas seulement pour lui une accessibilité voulue et peut, toujours en fonction de l’inclinaison de chacun, aller au-delà du divertissement. Pris dans la spirale de l’Aventure, se mettent en place les abstractions d’un crescendo aux doux airs de fatalité dont vous pouvez en envisager ou deviner les codes vis-à-vis des conséquences dans Le Seigneur des Anneaux. Chaque rebondissement à son petit effet, on se prend au "jeu" par cette implication dans l’histoire à tendance tragique de cette quête. L’avantage dans la progression étant réellement d’être entrecoupée par des retournements de situation sans répits … Y compris dans une fin soudaine insoutenable pour 2014.
Visuellement quasi sans reproche, de rares moments à peine comptés sur le bout de vos doigts mettent en doute cette idée que le film pourra bien vieillir graphiquement. Peut-être que la visite de Gandalf à Dal Guldur et l’usage de sorts de Mage Blanc auront ce seul effet d’hésitation. Encore que cela reste cohérent à l’ennemi dévoilé. Qu’importe : les effets spéciaux ont un pouvoir de persuasion notable et aident tout à fait à apprécier le développement imaginaire et imaginé par l’auteur Tolkien et retranscrit par Peter Jackson. Un réel plaisir; enfantin, admiratif et n’ayons pas peur de l’avouer, contemplatif se dégage de la mécanique démiurgique. Le travail est là, sous nos yeux, y compris dans le jeu d’acteurs.
L’Orgueil supposée quoiqu’inattendue guette l’évitable bis repetita de l’Histoire …
Thorin (Richard Armitage) cristallise également l’importance accordée à la psychologie des personnages. Et justifie amplement une suite et le probable rendez-vous à tenir afin de voir l’ultime opus de The Hobbit. Il n’est pas le seul à le manifester, il est toutefois le symbole d’une série de portraits à l’ambition aveuglée. Nostalgique d’Erebor qu’il a pu connaitre, cité désormais sous l’avide et avare Smaug, la monomanie d’une quête de sang et de larmes n’est qu’une option … Qui n’envisage pas même ses compagnons. Pourtant non porteur de l’anneau, le nom du Hobbit de la troupe lui est même inconnu tant que son "rôle" n’est pas rempli, comme le stipulait le contrat dument rempli et signé dans Un Voyage Inattendu, le premier film. L’or, moteur de désolation. L’or accaparé par et pour ostentation. La matière précieuse de l’anneau. Indirectement sont "reliés" nos 3 personnalités fondamentales : le Dragon qui en aperçoit un moteur à son effroi; Thorin comme symbole d’Erebor et royaume de droit à récupérer "coûte que coûte" et l’Or l’ambigu de l’Anneau. Les rebondissements se nourrissent aussi paradoxalement de l’inhumanité/humanité qui guettent tous ces portraits : ce sont des relations en pleine ébullition dont la fin rend toute hypothèse scénaristique un peu plus complexe. Car The Hobbit 2, vous l’aurez saisi, gagne à se démultiplier, à entreprendre un rythme plus soutenu et un scénario qui ressort assombri des ambitions des uns par rapport aux réalités du reste.
Le rêve de l’Inaccessible Erebor?
On a aimé :
+ Le scénario : un gain de complexité
+ Visuellement : un film enchanteur
+ L’implicite de quelques scènes
+ Le rythme maitrisé des quelques 2h30
+ L’accessibilité de l’univers et l’implication directe du spectateur dans le film
+ L’émotion possible du spectateur
On a détesté :
- Des scènes d’affrontements plus nombreuses.
- Quelques effets spéciaux moins réussis.
- Des libertés de mises en scène qui ne plairont pas aux puristes de l’œuvre de Tolkien.
- Une fin brutale et soudaine.