Pas besoin d'être un artiste pour prendre du plaisir à barbouiller ! Manipuler les pinceaux et les couleurs donnent une meilleure compréhension de la peinture et de la difficulté du travail de ceux qui choisissent cette voie. Fascinée par le nihonga (la peinture traditionnelle japonaise), j'ai eu le grand plaisir d'assister à une séance d'initiation. Une découverte formidable que je souhaite partager avec vous !
Faire pour comprendre
Priscilla Moore, jeune illustratrice de talent, a appris la technique traditionnelle du nihonga à l'université de Kyôto. Elle a sortit un magnifique livre intitulé « Fête et légende de Kyoto » paru dans la collection ART des éditions Nomades. Si elle n'est pas un maître de nihonga (il faut une dizaine d'années pour aspirer à ce titre), elle a assimilé cette pratique et l'a intégré à ses connaissances des techniques occidentales pour se l'approprier. Elle peut ainsi transmettre son amour du nihonga à des novices sans les effrayer par la discipline et l'engagement que cet art requière dans sa stricte pratique. Il s'agit donc d'une première approche, simple et ludique.
Je ne suis pas une artiste et, si j'arrive à dessiner sans me crever un œil, le résultat est, en général, d'une médiocrité affligeante. Cependant, j'ai un grand plaisir à apprendre et à tester. Nous étions un petit groupe de nanas motivées à profiter de cette initiation organisée à Paris dans les locaux sympathiques de Vivre le Japon. Si certaines étaient des illustratrices amateurs (et même une professionnelle, venue incognito), d'autres étaient, comme moi, totalement ignorantes, juste curieuses.
L'élève appliquée (à gauche) et Priscilla, en professeur pédagogue !
Le nihonga est une technique particulière car elle utilise des pigments naturels bruts sous forme de poudre. Il y a un pigment par couleur. Traditionnellement, ces pigments ne sont pas mélangés (comme de la gouache, par exemple) mais appliqués en couche superposée. Ce sont les effets de transparence et de surimposition qui permettent d'obtenir une nouvelle teinte.
Priscilla, en professeur pédagogue, nous a laissé une grande latitude dans notre approche, y compris celle de mélanger les pigments.
Nihonga : mode d'emploi !
L'objectif était de réaliser un petit format. Elle avait préparée une série de modèles qu'on pouvait reproduire ou adapter à notre guise. Connaissant mes limites, j'ai largement simplifié un des dessins proposée : une fleur de lotus.
Le support est du papier washi (un papier de riz très poreux) fixé sur une plaque de bois, nécessaire pour éviter que le papier ne gondole. Le dosage de l'eau est délicat !
Une fois le dessin tracé au crayon à papier, on peut passer les traits à l'encre de chine si on souhaite avoir des contours bien nets. Et après, on commence à utiliser les pigments.
Les pigments : le composant primordial du nihonga !
La colle animale diluée et prête à l'emploi !
D'abord, on choisit sa couleur. Les pigments proviennent de matériaux naturels broyés (coquillages, minéraux, terre...). La granulométrie varie donc en fonction du broyage. La matière peut être de texture sableuse ou totalement poudreuse, très fine, comme de la farine.
Plus la poudre est fine, plus la couleur obtenue sera claire.
Dans une coupelle en céramique, on met un peu de pigments. Ensuite, on ajoute un peu de colle animale et on mélange avec l'index. La colle animale (ici à base de peau de bœuf) est au départ sous forme de tige, comme un gros spaghetti. Elle est chauffée et diluée pour être sous une forme liquide un peu visqueuse qui va servir de liant et de fixateur aux pigments.
On ajoute aussi un peu d'eau au mélange, juste quelques gouttes.
Le doigt expert !
Ensuite, on peut peindre !
D'abord on mouille son pinceau puis on le passe sur un chiffon pour enlever l'excédent. Si on met trop d'eau dans la coupelle, le pigment dilué perdra de sa vivacité. On choisit la forme du pinceau en fonction de ce qu'on veut faire (pointu faire les traces d'une fleurs ou plat pour tapoter et faire le fond).
Entre chaque couche, il faut attendre que le papier sèche. Heureusement, le mini-sèche cheveux était là pour nous aider ! Il m'aura fallu presque deux heures pour terminer mon chef d’œuvre.
Priscilla a passé du temps avec chacune de nous, expliquant et montrant !
Le ninhonga nous apprend rigueur, patience mais nous aussi oblige à un certain lâcher prise. Il est presque impossible de maîtriser totalement l'interaction entre pigment, eau et papier, à moins d'avoir des années de pratique. Entre ce qu'on prévoit de faire et le résultat, il y a une différence notable. La goutte d'eau, l'intensité du pigment et l’absorption variable du papier sont autant de facteurs incontrôlables.
Comme dans la vie.
On apprend à concilier avec des effets inattendus ; on apprend à faire attention à ses gestes et à leurs conséquences. Il faut être précis et pourtant, malgré toutes nos précautions, le hasard est toujours là !
Mon travail en phase finale !
Si vous aussi vous voulez découvrir le nihonga, Valérie Eguchi organise des ateliers sur Paris :http://p.a.m.over-blog.com/
Article sur le livre de Priscilla : http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2013/09/kyoto-se-revele-dans-un-beau-livre.html
Article sur l'exposition d'Hiramatsu, peintre japonais :
http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2013/08/quand-un-japonais-rend-hommage-aux.html
Copyright : Marianne Ciaudo