Enola Game. Mais c’est tout sauf un jeu. Ou plutôt, c’est un jeu, mais mortel, un terrible jeu de mots qui va vous bouleverser…
Impossible de ne pas rapprocher le titre de ce court roman d’Enola Gay, l’avion qui largua sa bombe sur Hiroshima, de ne pas laisser son esprit vagabonder sur ce que l’on sait du bombardement du Japon, ses conséquences abominables, l’enfer que ce fut pour les millions de gens qui l’ont subi.
Dans ce roman, on ne sait pas très bien ce qu’il s'est passé. Explosion d’une bombe nucléaire, accident, guerre ? En tout cas, ça ressemble un peu à une fin du monde, et notre esprit d'imaginer... Et dans ce chaos, ce vide, ce rien, il y a une femme et sa fille de 4 ans. Enfermées dans leur maison. Seules.
Pour passer le temps, pour ne pas penser, pour ne pas avoir peur ou hurler d’angoisse, la mère, la nuit, raconte le passé ou l’avenir, mélange souvenirs et espoirs, s’évade en pensée et en écriture pour tenter de continuer à donner un sens à la vie, pour garder courage, insuffler à l’enfant un peu d’espoir. Mais les nouvelles de l’extérieur qui filtrent ne sont pas vraiment bonnes… À quoi se raccrocher quand il n’y a plus rien ? Comment protéger l’enfant ? Faire semblant, survivre ? Pour quoi, pour quoi, et bien sûr, comment et combien de temps ?
Ce roman est totalement subjuguant. Il ne s’y passe rien, ou presque, et la tension est d’une intensité incroyable. Et malgré l’horreur qu’on sent roder, prête à sauter sur le premier venu, malgré la peur qui enfle, le texte est extrêmement poétique, d’une sensibilité délicate à l’opposé du sujet, ce qui révèle un contraste saisissant.
L’auteur en dit peu, mais ce peu est énorme, tant tout est suggéré, distillé au travers des mots et des phrases. Au lecteur ensuite d’imaginer le reste.
Une écriture magnifique et un livre coup-de-poing autant que coup de cœur !