- j’ai fait la connaissance d’un voisin, facteur à la retraite, qui cultivait paisiblement son lopin de terre, et qui, à force de me voir passer devant chez lui, m’apostropha un jour de grand soleil et se plaignit de ses problèmes de santé et du mépris qu’il subissait de la part de ses médecins :
- je suis foutu, foutu, je le sais... ils veulent rien me dire... disait-il en regardant sa bêche, les pieds dans le crottin.
Ému par sa douleur et connaissant de mon côté d’excellents médecins, je lui proposai en toute amitié de parler de son cas et de leur communiquer son dossier afin qu’il puisse s’entretenir avec des spécialistes et avoir un nouvel avis.
Que n’avais-je pas fait ?
Sans le connaître, j’avais rédigé un courrier pour un ami grand praticien, et pour un autre, pour qu’il s’occupe éventuellement de son cas, si la chose fut possible ; après l'envoi de ce courrier, le facteur tout crotté ne cessait de me harceler en passant chez moi, pour en savoir d’avantage, il venait vers moi comme un enfant du seigneur devant le messie, un honneur que je ne méritais pas :
- Monsieur Jandrok, pardonnez-moi de vous déranger, votre ami qu’a-t-il dit à mon sujet ? Me demanda-t-il.
- Mais que voulez-vous que j’en sache, je lui ai envoyé le courrier que j’ai rédigé devant vous, c’est à vous de le contacter, - voyant son insistance à s'introduire dans ma vie, je déclarai - je ne suis pas votre secrétaire particulier me semble-t-il. L’avez-vous contacté, non ? Alors qu’attendez-vous de moi, c’est votre santé après tout ?
- Oui, oui, vous avez raison, me répondit le malade.
Je ne pouvais m'empêcher de penser que son comportement à mon égard cachait une autre réalité, en tous les cas, il manquait d'une évidente sincérité que je ne tardai pas à saisir. En attendant, n’étant pas médecin et ne bénéficiant d’aucune information sur son cas de la part de mes relations, et pour cause, secret médical oblige ; je dois avouer que, d’une part, cela ne me regardait pas, d’autres parts, j’étais incapable de lui apporter la moindre réponse, d’autant que je découvris plus tard par une connaissance commune qu’il souffrait d’une maladie génétique incurable dans l’état actuel de la médecine, qu’il le savait, et que le fourbe me l’avait caché. Je passais soudain pour le salopard qui portait de faux espoirs au nécessiteux, diable d'homme.
Je l’encourageai donc à s’informer lui-même auprès des médecins, qui possédaient désormais son dossier, mais d'après lui, je devais encore le faire à sa place, je ne pouvais me résoudre à cette conclusion, et de toute façon, n’étant ni son fondé de pouvoir, ni un membre de sa famille, je n’avais aucun droit et nul n’aurait répondu à mes questions si je les avais posées, je l’informai aimablement, qu’il devait s’occuper lui-même de sa santé pour lui-même et que s’il y avait quelque chose à faire, c’était à lui de se battre, pas à moi, ni à personne d’autre, il me répondit en baissant la tête :
- Oui Monsieur, merci Monsieur... avec un air de domestique méprisant.
Après ce regard en coin et ce faux sourire, je ne pouvais m’empêcher de penser lorsqu’il m'apostrophait dans la rue, pour me poser mille questions sur sa santé, où qu’il me récitait par le menu, le résultat de ses prises de sang, nombre de plaquettes et de globules blancs, en croyant s’adresser à un grand professeur, je ne pouvais m'empêcher de penser que cette affaire cachait quelque chose de louche. Je me réservai bien de lui donner un avis que je n’avais pas, il en profitait tout de même pour me poser des questions insidieuses sur ma vie personnelle ; n’ayant rien à cacher, sans me méfier, je parlai en toute honnêteté, puis, ses questions se firent de plus en plus indiscrètes, malsaines, et j’en vins à me demander comment cet homme que j’avais aidé de mon mieux cherchait-il de façon aussi perverse à tout savoir de moi, et dans quel but ?
À croire qu’il souhaitait me jouer un mauvais tour, mais pourquoi mordait-il la main de celui qui l’avait aidé charitablement ? Quelle drôle d’attitude, et je réalisai que c’était un des visages de la pauvreté, celui des mauvaises intentions au détriment des bons sentiments humanistes et chrétiens et que si l'on aide un pauvre, c'est que l'on a les moyens de le faire, ce qui n'est pas complètement faux, mais pas complètement vrai non plus. Je fis part à un ami de cette mésaventure en devenir et il me répondit aussitôt :
- Oh la la, attention avec ce gars là, le Hobit, il ne faut rien lui dire, c'est le rossignol des faubourgs, il est complètement con, il interprète tout de travers et le répète à tout le monde, attention, c'est un fabricant de rumeurs et pas des plus belles, mais le pire, c'est sa femme, c'est une méchante, une vraie méchante, elle a la haine en héritage, c'est dans son sang, faut t'en méfier comme de la peste noire, ces gens-là, plus tu les évites, mieux tu te portes...
J’avais donc face à moi, un exemplaire de cette race qui se développe et se reproduit dans les campagnes, un vrai, un pur, un "salaud de pauvre", comme dans les romans, le misérable, malsain petit personnage qui ne pensait qu’à s’enrichir au détriment de son prochain, et qui n’hésitait pas un seul instant à développer des stratégies perverses pour parvenir à ses fins. Il était du genre à porter plainte sur n’importe quel prétexte en espérant une indemnisation de la vie, par la Justice, et surtout de moi, pour justifier son malheur médical qu'il tenait depuis des lustres. Le fait d’avoir eu pitié de lui et de son désarroi pouvait me coûter cher et je devais rester sur mes gardes, car c’était un vicieux, une plante carnivore attirant sa proie par le fumet, puis la dévorant d’un seul coup en refermant son clapet glauque. Moi, j’avais été attiré par sa détresse morale, je n’ai jamais résisté à la souffrance de mon prochain, notre devoir n’est-il pas d’aider les nécessiteux ?
Une chose était certaine, les questions qu’il me posait étaient si chargées de perversité et de curiosité malsaine, qu'après les explications de mon ami, je comprenais fort bien où le bougre voulait en venir. Dès lors, je commençai à perdre patience avec le Hobit, d’autant que son épouse, toute grise à l’extérieur, comme à l’intérieur, était une femme qui ressemblait tellement aux descriptions de Marcel Aymé, d'André Maurois, de Jean Cocteau et de tant d'autres grands écrivains sur la moralité de ces petites gens, regardantes, pressées de juger et de condamner, le portrait crucifié des traitres au monde des hommes, les bras en croix, le regard extatique porté vers les ombres où reposait le dieu des collabos, qui leur caressait la tête plein de compassion en leur disant :
- Médisants, Médisantes, enfants de la haine, chéris entre tous, vous qui m’avez bien servi, je vous bénis, puissiez vous souffrir encore un peu pour éprouver le mal que vous avez distillé, votre belle souffrance est un bonheur à mes yeux ravis et un honneur pour notre cause, faites souffrir votre prochain autant que vous pourrez…
Dépressive, la femme grise passa des années en hôpital psychiatrique, elle n’a jamais été capable de travailler ou de s’intégrer dans la société et pour cause, elle est aujourd’hui la première à critiquer ceux qui ne travaillent pas, comme pour s’accuser elle-même de son malheur, projetant ainsi sa haine sur les autres, elle est devenue teigne malfaisante, médisante, odieuse bonne femme. Dire d’elle que ce fut une sorcière, serait une insulte aux sorcières, même si je le pensai intimement.
Le facteur cultivait son jardin, en attendant une mort prochaine qui tardait à venir, sa harpie récoltait les fruits de son labeur et allait faire du porte à porte sur un vélo trop petit pour elle, réglé à la taille de sa moitié d'homme d'époux chéri, avec son panier de légumes traités sur le porte bagage, qu’elle revendait le double au kilo aux petites vieilles qui ne pouvaient plus sortir de chez elles, faisant ainsi, oeuvre de charité, elle insistait bien :
- C’est du bio, Madame Michu, vous pouvez y aller, du frais du jardin…
Je l'avais croisé par hasard un jour de livraison, c'était un dimanche, je rentrai de promenade à hauteur de la maison du pendu, non loin de la Tour du manchot, la Harpie pédalait contre le vent, se prenant pour la fille de Poulidor, appuyant fortement sur les pédales aussi prestement que possible, la tête dans le guidon, pour ne pas être reconnue... pas de chance... sa tignasse grisâtre dans le vent était reconnaissable entre toutes.
Ah, il faisait une bonne paire les Thénardier, la Teigne et le Génétique, lui, le mari, c’était un parfait idiot, un pauvre imbécile, mais rusé tout de même, il faisait ce qu’on lui disait de faire, le pire, il le faisait comme un fidèle collabo jouant en finesse le malade incurable qui s'accrochait à sa misérable existence et qui motivait la confidence ; faire et obéir, apprendre subrepticement tout ce qui se peut, et délivrer l’information, mais à qui ? Il n’était pas assez intelligent ce « facteur cheval », vieille carne, pour gérer cette information qu’il glanait de façon perverse et faussement gentille, il était le bras, mais qui était la tête ?
Qui était son chef de section ?
Qui, lui inspirait tant de mauvaises actions en dehors de sa terrible épouse qui aiguillonnait sa méchanceté quotidienne ?
Il devait bien exister ce malfaisant qui se dissimulait dans l’ombre de la haine...
Je l’ai découvert aujourd’hui, comme une lumière venant du ciel, comme un message du divin me mettant en garde, et je me disais bien qu’il y avait un esprit malfaisant derrière toutes ces manigances, un vicieux petit Belzébuth qui, sous de faux airs de « papi fait de la résistance », un papi salopard, un vrai, un dur, comme on n'en voit pas souvent, un sacré fils de p...
Alors lui, c’était le salaud suprême, le roi des ânes, le chef d’escadrille, le jaloux, vindicatif et mauvais comme la gale, le petit frustré qui se venge de sa médiocrité sur le reste de la communauté humaine, lui, l’ancien gendarme à la retraite qui disait du mal de tous ceux qu’il croisait, ou qu’il avait croisé, lui, l’oeil de Moscou, la chiure de mouche à la puissance atomique, lui, qui sentait le souffre et le fromage rance, et qui voulait tout savoir sur tout le monde, il était les RG à lui tout seul, il a même fait entrer son fils dans ce service, noblesse oblige.
Jacquot le gendarme, la fripouille malfaisante, venant d’une longue dynastie de cons, on les reconnaît à leur regard suspicieux, ce regard en coin si caractéristique des fourbes racistes et fiers de l’être, avec ce sourire forcé et ses fausses gentillesses, comme lui, son père était dans la gendarmerie et voyant son fils incapable perdre son temps dans l’ennui et l’échec scolaire, le fit entrer à son tour sous le haut patronage de la mère patrie, mais, on peut être certain que s’il avait dû passer un concours d’entrée, Jacquot la fripouille aurait été recalé d’office, mais que voulez-vous, l’incapable avait un père volontaire qui entendait bien assurer sa descendance dans l'administration, et quelle descendance...
Il fit donc entrer son fils à « la valise diplomatique » et lui, le brave con, passa sa vie à porter et à livrer cette fameuse valise, comme un facteur, chaque jour ressemblant au suivant, sans la moindre nouveauté, sans le moindre danger, était-ce pour cela qu’il s’entendait si bien avec le facteur inquisiteur, le Torquemada de la terre molle et du crottin de cheval, son espion sournois, son bras gangréné ?
Comme deux commères, ils passaient leur journée, l’un binant sa terre, l’autre à dire du mal en toute honnêteté, ils inventaient des histoires sur chacun, surtout sur ceux qu’ils ne connaissaient pas, et faisaient courir des bruits, et les bruits, ça court vite…
Il y a trois ans, un brave homme s’est pendu dans sa maison à cause de ces fameux bruits lancés par de pareils salauds, ils avaient dit qu’il avait fait de la prison et qu’il tripotait les petites filles, rien de cela n’était vrai, il vivait seul et n’embêtait personne et comme il n’avait personne pour défendre son honneur en dehors de la gendarmerie qui était finalement intervenue pour faire cesser ces commérages diffamatoires, et les actions punitives gratuites et pleines de bonnes intentions d'une population avide d'une fausse tranquillité, mais non, les salauds ont continué, et n’en pouvant plus, le brave homme s’est donné la mort, personne ne l’a regretté, le mal était fait et le doute demeurait toujours, c’était bien fait pour lui, un pervers de moins, et d’un.
« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », oui, c’est vrai, il en est resté un pendu, et une belle paire de salauds qui se frottent encore les mains du mal qu’ils ont fait, ah, ils sont heureux les "salauds de pauvres", ils ont enfin gagné un pouvoir qui ne coûte pas cher mais qui rapporte tant de plaisir et de gratification malsaine, ils sont riches, les pauvres.
Dans cette société de pervers, il vaut mieux être queutard et collabo, que solitaire et sans amis, et encore, on ne sait pas ce que ces fameux salauds font en secret, surtout pour lancer de pareils mensonges, c’est qu’ils doivent eux-mêmes être concernés directement pour détourner l’attention sur les autres, il faudra bien un jour qu’ils payent pour leurs mauvaises actions.
Non contents de leurs méfaits, les voilà qui recommencent les deux fumiers, à vouloir trouver un sens à leur misérable existence, à se venger de leur propre détresse pour nourrir leur jalousie et leur méchanceté gratuite et naturelle, odieux personnages, affreux.
Il y a quelques mois, un camarade peintre s’est retrouvé à la rue, les vicissitudes de la vie et, forcé de se rendre au « Resto’ du Cœur » pour s’alimenter, pour lui, une honte salvatrice, il ne voulait pas que cela se sache, mais il commit cette dramatique erreur d’en parler à l’homme qu’il prenait pour son ami, Jacquot la fripouille, la chiure de mouche, qui n’a jamais rien foutu de sa vie, un vrai fonctionnaire dans tout « le fromage du pittoresque », percevant confortablement 3 000 euros de retraite par mois et qui ne supportait pas que des citoyens soient pauvres et qu’ils profitent du système en touchant grassement 475 euros par mois, par famille, parce que lui, il n’en n’a jamais profité, lui, le branleur professionnel, payé à rien foutre pendant plus de 40 ans, le cador de l’intégrité des cloportes, misérable, affreux gendarme retraité.
Après avoir appris le dénouement de son camarade, il s’empressa de répéter à qui voulait l’entendre :
- On m’a dit que GG allait profiter aux « Resto’ du Cœur", quel salaud ce profiteur de pauvre et dire que c'est moi qui paye et j'me régale même pas... »
En insistant bien sur le profiteur en question, mais lui, il aurait pu l’aider à le sortir de ce mauvais pas en lui proposant 50 ou 100 euros, pensez-vous, il n'allait pas donner à un parasite, il était bien plus heureux de lui faire du mal et de passer pour appartenir à cette famille de « gens biens », d'honnêtes citoyens.
Ah, Jacquot la fripouille et son facteur crottin, c'est tout un poème...
Nous vivons une époque formidiable…
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