Je m'intéresse à la poésie... c'est tout récent. Ma femme me dit qu'elle a ce livre d'Apollinaire, "Alcools". Elle me l'apporte, je suis en train de préparer le dîner. C'est une vieille édition (1920).
C'est le mien, lui dis-je, je le reconnais. Puis je le regarde... un petit feuillet s'échappe et tombe sur le plancher. Il y a, sur ce petit feuillet, un poème, écrit à la main. Je reconnais son écriture... la sienne...
Ma femme m’avait, ou avait, écrit ce poème... je présume. Il s’était glissé là par hasard, entre les pages, par inadvertance, ou, plus simplement joliment oublié. C’est drôle, quand je le lui montre, elle nie avoir écrit ce texte. Elle ne se reconnaît pas? Ou ne reconnaît pas son écriture? Doute ? Gêne ? Ou je ne sais quoi ? Il reste que je reconnais bien son écriture, et cette faute de français en fin de texte « vécurèrent ». Seule une Finlandaise, encore peu habile avec le français, peut avoir écrit ce mot. C’est dire.
C’est drôle, oui, ce texte m’a amusé. Mais moi, je me, nous, suis reconnus, comme nous étions à l’époque de notre rencontre, si insolite, dans un train entre Bruxelles et Paris, il y a 21 ans, hagards, frais, amoureux déjà, transis-non-transis de chaud-froid, nous buvons un bon vin au sortir du train en gare du Nord, et appelés à vivre ensemble.
Voici ce poème :
« Anneli et Robert, / Sur les chemins de fer, / Se regardèrent. / Tous deux sachant faire, / S’envoyèrent en l’air. / Ici, s’immiscèrent / Finnair et Canadair. / Ensuite ils convolèrent / Ensemble et consommèrent / Un camembert, / Dans un lit de fer. / En France, ils s’installèrent, / Où heureux vécurèrent ».
Je suis encore ému ; même si je trouve le texte un peu cul-cul. Elle ne m’avait jamais montré ce poème. Et pourquoi se trouvait-il dans ce livre d'Apollinaire ? Oui, nous vivons en France depuis dix ans maintenant.